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ACTUALITÉS RÉPRESSION - PRISON / RÉSISTANCES ET SOLIDARITÉS INTERNATIONALES
SAINT-ÉTIENNE / ITALIE   COVID-19
Publié le 13 mars 2020 | Maj le 14 décembre 2020

Action de soutien aux prisonnier.es italien.nes


Cette semaine, plusieurs militant.e.s stéphanoi.se.s ont suspendu une banderole au-dessus de l’autoroute pour afficher leur soutien aux prisonnier.e.s italien.ne.s en révolte, et pour informer la population des crimes abjects de la police italienne !

On pouvait lire : « Solidarité aux prisonnier.e.s révolté.e.s, 11 tué.e.s en Italie, PSM (Più Sbirri Morti) / ACAB »

Pour vous rappeler les faits, nous vous relayons la traduction par L’Envolée d’un témoignage, recueilli par le site Diario di bordo nella tempesta sociale, à propos des révoltes de la prison de Modène :

Une révolte a éclaté à la prison Sant’Anna de Modène le 8 mars 2020 en début d’après-midi. La chose n’est pas passée inaperçue à l’extérieur car trois panaches de fumée se sont élevés des ailes de l’établissement, sans parler de l’important va-et-vient des surveillants et de la surveillance d’un hélicoptère en vol stationnaire au-dessus de la zone. Des parents, des personnes solidaires et d’autres spectateurs se sont donc rassemblés aux environs, d’où ils ont pu voir défiler les GOM [un équivalent italien des Eris, le “GIGN des matons” ] en tenue antiémeute, et entendre distinctement des coups de feu. Malgré quelques tentatives des pompiers de les tenir à distance, les gens ont fini par se masser devant la prison, d’où ils ont assisté au défilé des camionnettes et des ambulances de la pénitentiaire. Au bout d’un moment, comme les parents demandaient des nouvelles des prisonniers, un gradé de la pénitentiaire et une représentante de la directrice de la prison sont sortis leur dire que dans le cadre des négociations avec les émeutiers barricadés dans une aile, on leur avait rendu leurs téléphones portables pour leur permettre d’appeler leurs proches. Il était donc demandé aux familles de répondre aux appels des prisonniers pour les convaincre de sortir. En fin de journée, protégés par un nombre considérable d’antiémeute, les flics sont sortis, encadrant des prisonniers et des prisonnières menottés, qu’ils frappaient. Une personne est sortie sur une civière. A ce moment-là, déjà, quelqu’un a aperçu un sac qui contenait un mort.

Au cours d’un parloir sauvage avec des prisonniers enfermés dans l’aile qui donne sur la place, les enfermés ont parlé de transferts, précisant qu’ils étaient les derniers dans la section, en instance de transfert, et qu’ils se faisaient massacrer. Quatre-vingts personnes ont été transférées, apparemment à Bologne, Reggio Emilia, Parme, Piacenza et Ascoli, dans quatre bus de la pénitentiaire au moins, et d’autres fourgons.

D’après la presse bourgeoise, l’affaire serait partie des ateliers pour s’étendre ensuite à tout l’établissement, où les prisonniers auraient brûlé des matelas et se seraient barricadés dans au moins une des ailes, s’emparant de l’armurerie, d’après une vidéo. D’après les mêmes sources, trois personnes ont perdu la vie, sans autres précisions sur leur identité ou sur les causes de leur mort. Deux autres seraient en réanimation. La presse évoque d’importants dégâts dans l’établissement et dit que des documents ont été détruits. L’émeute aurait éclaté suite à la suppression des parloirs et des visites d’intervenants extérieurs plutôt qu’à cause d’une inquiétude sur la sécurité sanitaire dans l’enceinte de l’établissement. Il restait apparemment des émeutiers barricadés en fin de soirée.

À lire également cet article publié sur Mars Info Autonomes :

Contre la peur et le contrôle, la révolte éclate dans les prisons en Italie

Depuis plusieurs semaines, la gestion de l’émergence de l’épidémie de coronavirus s’est étendue dans toute l’Italie, à partir de la création de « zones rouges » de plus en plus vastes situées notamment dans le Nord. Ici, le gouvernement a testé peu à peu des mesures de plus en plus radicales de restriction de liberté : interdiction d’événements et manifestations publiques, de cérémonies religieuses et civiles (y compris les funérailles), fermeture de cinémas, salles de sport et supermarchés de grandes surfaces, couvre-feu pour les bars, pas de prise en charge dans les hôpitaux publics sauf pour les urgences, fermeture des écoles et universités… Sous prétexte de mieux protéger la population et d’empêcher la contagion, toute forme de socialité a été limitée ou carrément interdite par la loi.

Le 8 mars, le président du Conseil des ministres Giuseppe Conte signe le énième décret interdisant toute manifestation publique ou rassemblement et tout déplacement en entrée ou en sortie et à l’intérieur de la région de la Lombardie et des départements de Modena, Parma, Piacenza, Reggio nell’Emilia, Rimini, Pesaro et Urbino, Alessandria, Asti, Novara, Verbano-Cusio-Ossola, Vercelli, Padova, Treviso, Venezia. Si l’isolement et le contrôle deviennent de plus en plus durs à l’extérieur, la situation se fait insupportable à l’intérieur des taules où, depuis deux semaines déjà, les parloirs et les activités complémentaires (travail, socialité, permanences, etc.) sont interrompus jusqu’à nouvel ordre, sous prétexte de mieux empêcher la contagion dans les prisons, notamment pour protéger les matons. Avec le décret du 8 mars, l’interdiction est généralisée : stop aux parloirs, plus de semi-liberté ni de permissions spéciales, tout cela jusqu’au 31 mai. L’interdiction des parloirs, qui se passent déjà en temps normal dans le stress, les queues devant les prisons dans l’attente de pouvoir rentrer et se soumettre à l’humiliation de la fouille, signifie la privation de toute forme de contact avec l’extérieur et une condition d’isolement quasi totale. Cela signifie aussi la privation de la possibilité d’accès à des produits et biens de base (nourriture, vêtements propres, argent, etc.) qui sont d’une importance fondamentale pour la vie en taule. Cette mesure réveille dans les heures qui suivent son annonce la rage des détenu·e·s et des proches.

Les premières révoltes face à cette situation éclatent dans la soirée du samedi 7, à la diffusion publique de la version intégrale du décret en cours de validation. C’est à Salerno et Naples, dans les deux prisons de la ville, Secondigliano et Poggioreale, que les détenu·e·s montent sur les toits et des sections entières sont détruites. La réponse des institutions pénitentiaires arrive avec des coupures d’eau, d’électricité et l’intervention massive des forces de l’ordre et bien évidemment des violences policières.
En dehors des prisons, entre-temps, arrivent les proches et les personnes solidaires, pour crier leur solidarité aux prisonniers en lutte et bloquer la route jusqu’à que leur voix soit entendue. La révolte se répand vite, dans la soirée de dimanche 8 on compte 20 prisons en révolte, puis 27 dans la nuit, plus de 30 dans la journée de lundi 9. Devant chacune des taules insurgées des groupes de proches et de personnes solidaires se regroupent, partout on voit se lever de la fumée et on entend des cris « Liberté ! Amnistie ! ». Les hélicoptères survolent les bâtiments en feu, alors que dans plusieurs prisons les flics en tenue antiémeute et les GOM (équivalent des ERIS) se préparent à rentrer et rétablir l’ordre à coups de matraque.

À la prison Sant’Anna à Modène, au centre de l’Italie, l’émeute commence dimanche en début d’après-midi. Selon les informations qui arrivent de l’intérieur, les détenu·e·s se seraient barricadés et auraient mis le feu à plusieurs bâtiments, le personnel (matons et infirmiers) a été obligé de sortir. On entend dire que le bureau d’immatriculation aurait été brûlé… Puis la répression arrive et elle est des plus violentes. Les proches rassemblé·e·s devant la taule racontent avoir vu les flics sortir des détenus menottés tout en les frappant et avoir entendu des bruits de tirs. Quatre-vingts détenu·e·s sont transféré·e·s, de nombreux·euses autres amené·e·s à l’hôpital, dont plusieurs, en réanimation. Aux dernières nouvelles, sept ou plus probablement huit détenu·e·s auraient perdu la vie pendant l’émeute ou après, lors des transferts. Selon la presse officielle, il s’agirait d’« overdoses » de médicaments que les prisonniers auraient volés dans un assaut à l’infirmerie pendant la révolte. Deux autres prisonniers seraient morts pour la même raison, dans les taules de Verona (Vénétie) et d’Alessandria (Piémont) le 9 et trois le matin du 10 dans la prison de Rieti. On sent bien la peur des journalistes bien-pensants, qui essaient de décrédibiliser les révoltes à l’intérieur sans relayer les revendications politiques des prisonnier·ère·s : amnistie et liberté pour tou·te·s !

Mais plus la presse bourgeoise et l’État essaient de souffler sur le feu de la révolte pour l’éteindre, plus il se répand dans d’autres régions. À Pavie, le soir du 7, des prisonnier·ère·s en révolte arrivent à prendre les clés aux matons et à libérer les autres détenu·e·s, puis à prendre en otages un maton et le commandant de la police pénitentiaire. Ici aussi, les révolté·e·s allument le feu. À chaque nouvelle révolte, des prisonnier·ère·s tentent de s’évader, et parfois iels y arrivent, par exemple à Palerme (Sicile), à Frosinone (Latium) et à Foggia (Pouilles), où 70 personnes s’échappent, l’intervention des militaires n’y peut rien : 20 personnes sont rattrapées, mais 50 sont encore en liberté, on leur souhaite bon vent !
Les chiffres qui commencent à circuler parlent de 300 détenu·e·s évadé·e·s dont seulement une trentaine aurait été repris.

Du Sud au Nord, les prisons n’arrêtent pas de prendre feu, lundi matin c’est au tour de Milan, Bologne, Lecce et plein d’autres. Le gouvernement vient de déclarer toute l’Italie « zone rouge » et le silence de la direction de l’Administration pénitentiaire continue. La répression se poursuit, mais la solidarité de l’extérieur ne se laisse pas décourager : dans plusieurs villes, devant les prisons, proches et solidaires crient leur soutien et bloquent les rues pour empêcher les déplacements de matons et militaires. À Bologne, les détenu·e·s prennent le contrôle de la prison, pendant que les forces de l’ordre tentent de disperser les personnes solidaires qui manifestent en masse à l’extérieur. À Melfi (Basilicata), les révolté·e·s tiennent en otage un groupe de matons. À Milan, après San Vittore, c’est au tour des prisons de Opera et Bollate, à Rome après la prison de Rebibbia la révolte explose à Regina Coeli… Face à ces résistances, la répression s’acharne.

Nous n’avons pas besoin de faire des analyses des révoltes en cours, elles parlent d’elles-mêmes de l’effondrement d’un système qui enferme et contrôle par la peur et la menace. Nous devons et voulons être devant toutes les taules pour soutenir les révolté·e·s et leurs proches, pour que de ces lieux ne restent que des cendres.

Fuoco alle galere !

Ici une liste non exhaustive des prisons en révolte :
Salerno (Campania)
Naples (Campania)
Cassino e Frosinone (Latium)
Carinola (Campania)
Frosinone (Latium) + évasion
Modène - 8 détenus morts
Poggioreale – Naples
Secondigliano – Naples
Vercelli (Piémont)
Rebibbia – Rome
Bari (Pouilles)
Alessandria (Piedmont) - 1 détenu mort
Palerme +évasion
Brindisi (Pouilles)
Ariano Irpino (Campania)
Cremona (Lombardie)
Pavia (Lombardie)
Gêne (Ligurie)
Reggio Emilia (Emilia Romagna)
Barcellona Pozzo di Gotto (Sicile)
Trani (Sicile)
Augusta (Sicile)
Foggia - évasion (Pouilles)
Verona - 1 détenu mort
San Vittore - Milan (Lombardie)
Bergamo (Lombardie)
Matera (Basilicata)
La Spezia (Ligurie)
Larino (Molise)
Lecce (Pouilles)
Rieti (Lazio) - 3 détenus morts
Vallette (Turin)
Dozza - Bologne
Santa Maria Capua Vetere (Campania)
Opera - Milan (Lombardia)
Bollate - Milan (Lombardia)
Regina Coeli - Rome


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