« La revendication des droits des ouvriers répond à l’essor du libéralisme économique. Les sociétés de secours mutuel, qui ont constitué des caisses de résistance, permettent de soutenir les grèves (tolérées depuis la loi de 1864) et sont à l’origine de la naissance des chambres syndicales. C’est ce qui se produit lors des grèves de mineurs en 1869, à La Ricamarie, à Carmaux et à Anzin.
Dans les puits de la vallée de l’Ondaine et de Saint-Étienne, le 11 juin 1869, débute une grève des mineurs préparée dans les réunions de La Fraternelle, société de secours mutuel créée en 1865 pour faire pièce aux caisses de secours gérées par les compagnies minières depuis 1813. En juin 1869, La Fraternelle réclame une augmentation de salaire, une réduction des heures de travail (jusqu’à quatorze heures de travail journalier dans certaines puits) et une caisse de secours unique gérée par les mineurs. Organisés en "bandes" de 150 mineurs environ, les grévistes vont de puits en puits pour inciter les autres mineurs à la grève. Des régiments arrivent de Lyon et de Montbrison et les puits sont occupés par des détachements militaires. "Nous réclamons nos droits", proclament les mineurs. Des incidents ont lieu car les grévistes empêchent ceux qu’on appelle les "renards" (les non-grévistes) de descendre dans les puits. Ils interdisent aussi à des charretiers de prendre livraison du charbon destiné à l’usine Holtzer dirigée par un député républicain, nouvellement réélu, Pierre-Frédéric Dorian.
Certains grévistes sont arrêtés. Leurs familles se regroupent au lieu-dit le Brûlé (La Ricamarie), bien décidées à faire obstacle à leur transfert à la prison de Saint-Étienne.
Dans son rapport, le capitaine Gausserand commandant la troupe, indique que l’endroit était escarpé et que les soldats risquent d’être criblées de pierres par la foule. D’autres sources affirment que plusieurs centaines de personnes – hommes, femmes, enfants – auraient tenté de libérer les prisonniers. Les soldats ouvrent le feu et font treize morts, hommes, femmes et enfants. Une quatorzième victime décède les jours suivants. La presse locale prend fait et cause pour les mineurs [autre époque ! Ndr] et parle de « massacre ». Pour leurs funérailles, le 18 juin, des correspondants de journaux parisiens répercutent l’affaire sur le plan national. Le journal républicain L’Éclaireur ouvre une première souscription au profit des familles des victimes. Des souscriptions ont lieu dans la France entière. L’émotion populaire est grande, l’hostilité à l’égard des soldats est générale.
Après avoir exprimé son soutien aux grévistes, le conseil municipal est suspendu par le préfet. Une cinquantaine d’autres arrestations ont lieu dans les jours qui suivent. Mais la grève s’effiloche et le travail reprend partiellement, puits par puits, au cours de l’été, tandis que les négociations entre les délégués mineurs et les compagnies reprennent : le temps de travail est fixé à dix heures par jour au fond, sans compter la durée des repas, des pauses et des remontées. Le 2 août, soixante et onze personnes sont jugées et condamnées à des peines allant de quinze jours à quinze mois de prison. L’ancien secrétaire de La Fraternelle des mineurs, Michel Rondet, était sur place au Brûlé : arrêté, il est condamné à sept mois de prison. Les autres responsables de La Fraternelle ont des peines plus légères, alors que les républicains écopent de peines plus lourdes. Le 15 août, une amnistie est cependant décrétée par Napoléon III à l’occasion du centenaire de la naissance de Napoléon Ier [1]. On a souvent dit qu’Émile Zola s’était inspiré, pour Germinal, de cette fusillade du Brûlé ; ses Carnets d’enquête montrent qu’il s’est en fait rendu à Anzin, dans le Nord, même si la scène du ravin est sans doute tirée des récits de la fusillade lus dans la presse par l’écrivain [2]. »
Michelle Zancarini-Fournel, Les luttes et les rêves. Une histoire populaire de la France de 1865 à nos jours.
Lire également cet article très complet sur le site Forez info : 1869, la fusillade du Brûlé
Partout la faim, Roubaix, Aubin, Ricamarie,
La France est d’indigence et de honte maigrie,
Si quelque humble ouvrier réclame un sort meilleur
Le canon sort de l’ombre et parle au travailleur.
Victor Hugo
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