Actualité et mémoire des luttes à Saint-Étienne et ailleurs
ANALYSES ET RÉFLEXIONS DROITS SOCIAUX - SANTÉ
SAINT-ÉTIENNE  
Publié le 7 août 2020 | Maj le 22 octobre 2020

L’hôpital se fout bien de la charité


Dans les établissements privés comme publics, du C.H.U. aux hôpitaux locaux… Le milieu hospitalier de la région stéphanoise a connu une réorganisation générale de son réseau d’établissements de santé. L’expérience anxiogène du Grand Est a permis de préparer l’arrivée du coronavirus dans la plus belle ville du monde. Dans l’ignorance des besoins à venir, il a fallu imaginer le pire. Un correspondant du Couac sur les lignes de front a rencontré quelques témoins de l’épidémie.

« Quand je partais bosser, je passais quand ça applaudissait. D’un côté ça fait sourire, ça fait plaisir… Et d’un côté c’est complètement débile ! ». Cette communion n’avait-elle que l’apparence de l’unanimité ? Une autre de nos interlocutrices : « J’habite un village, ça nous a solidarisé. C’était le moment collectif de la journée, l’échange une fois par jour. Un chouette moment social ». Indépendamment des raisons différentes qui l’animaient, ne sous-estimons pas l’importance du sentiment d’être ensemble pendant cette période d’inquiétude et de colère : « Tu te dis que t’es un peu la reine d’Angleterre, puis tu redescends : ça suffira pas ».

« Mes voisins avaient peur »

À l’inverse de l’admiration, les soignants ont aussi pu être ostracisés par l’exagération du risque de transmission. On cite des distances de sécurité sanitaire de 30 mètres, des voisins qui n’adressent plus la parole, qui nettoient l’ascenseur après le passage des héros que l’on applaudissait la veille... Des familles posant la nourriture sur le trottoir devant la maison de leur proche, inventant des systèmes de ficelles pour passer des objets… Ou au contraire, qui adaptent leurs emplois du temps pour garder les enfants. Des dons alimentaires accompagnés d’un : « Tu en donneras aux soignants » ; « Il faut arrêter avec ça : on a pris du poids ! ».

Ramenant l’hôpital à son archéologie caritative, les dons ont aussi révélé la sélectivité de l’attention publique.

Les nombreux dons de particuliers ou d’entreprises ont ramené l’hôpital à son archéologie caritative. Très inégaux, basés sur la visibilité ou l’interconnaissance, ils ont provoqué des jalousies. Ce qui a fini par pousser la direction à centraliser le partage des denrées. Ces déchirures révèlent aussi nos propres myopies de patients ou d’usagers : il n’y a presque pas eu de ces cadeaux à Bellevue et à la Charité, c’est-à-dire… en psychiatrie et en gériatrie. Alors que 29 lits dédiés à des cas sévères du Covid étaient ouverts sur ce dernier site. Tout aussi durs que la réanimation qui coagulait le prestige. La fascination borgne pour les héros qui redonnent une âme (littéralement) dans ces unités de résurrection culminait à 20 heures avec l’applaudissement des soignantes…

Cette sélectivité de l’attention publique répondait localement à l’atmosphère nationale : quels médecins prenaient la parole dans les médias ? Si la transformation attendue du système de santé doit s’appuyer sur la chimère de l’opinion, de quoi accouchera cette crise ? Plus de lits en réanimation ? Qui, dans la région, s’en sont sortis de justesse, mais s’en sont sortis brillamment... Ou plus de capacités d’accueil en soins de suite ? De services de suivi à domicile ? De possibilités de détection, de dépistage ? Pour les pôles d’excellence universitaires ou pour les hôpitaux locaux ?

Aller « au charbon » dans un « hôpital fantôme » ? « C’est très pesant ». Lieux vivants d’ordinaire, les halls sont déserts. Les symptômes pour commencer. À quoi ressemble cette « grippette » sur les écrans de surveillance clinique ? « Des saturation en oxygène à 65 % : normalement on est mort. Comment cette maladie peut-elle avoir de tels effets pulmonaires ? ». On me décrit le visage des soignants sortant des chambres : elles sentent la mort. Le nomadisme entre services (y compris la fermeture d’une unité dédiée au Covid après 15 jours d’existence) n’est pas toujours expliqué à des patients paniqués. Mais le premier symptôme d’une maladie est la peur, que l’organisation administrative se montre incapable d’incorporer.

L’ultime rupture, ça n’est pas la mort : c’est de nous en séparer

Le plus dur ? La tristesse de ne pouvoir accompagner les décès, considéré comme intenable humainement. Une étudiante s’inquiète de ne pas avoir suivi les protocoles, qui ont remplacé la culture en ce domaine : « J’aurais peut-être pas dû, mais j’ai quand-même mis une chemise d’opéré à un patient. J’avais peur qu’il ait froid... ». Ailleurs, on fait entrer des proches en cachette pour dire adieu à un mourant… Toutes ces pratiques relèvent de l’impossible à quantifier, à dénombrer, si insaisissable pour les dirigeants contemporains.

En l’absence de réanimation pour un patient admis, « je pensais qu’il n’allait pas passer la nuit, mais il n’est pas mort. On continue de le soigner un, deux, trois jours. L’interne appelle sa famille, fait venir deux de ses enfants : ça l’a ressuscité, ça l’a pas tué ! ». Expliquées, accompagnées, les contraintes des règles sanitaires se résoudraient pourtant assez facilement d’après l’avis des interviewées. Mais pour les décès aussi les protocoles changent d’un jour à l’autre : toilette mortuaire ou non, disséquée jusque dans ses moindres détails ; à quel point fermer la housse, ou pas… Les instructions, insensées, deviennent insupportables pour le personnel funéraire qui aura, lui aussi, très mal vécu sa rencontre avec ce coronavirus.

Connu historiquement pour sa raideur, victime aujourd’hui de la rigueur, le milieu hospitalier semble conçu pour les périodes pendant lesquelles rien de grave ne se passe…

Sauver des gens de façon spectaculaire accapare l’attention. Parallèlement, l’enfermement des personnes âgées dans leurs résidences n’a que peu concentré la vindicte populaire. Pour rendre la protection moins étouffante, certaines professionnelles imaginaient une médiation entre proches et résidents afin de rendre possibles les visites… On ne contient pas une catastrophe sans tous ces métiers discrets. Mais les solutions sont conditionnées par cette étrange pénurie, entretenue politiquement, incongrue dans une société d’abondance. Connu historiquement pour sa raideur, victime aujourd’hui de la rigueur, le milieu hospitalier semble conçu pour les périodes pendant lesquelles rien de grave ne se passe… Un comble !

Par exemple, les personnes psychotiques sont restées seules car il était impossible de leur rendre visite à domicile, bien que l’isolement puisse renforcer les troubles. Malgré un manque total de matériel de protection, et plusieurs contaminations par le SARS-Cov-2, la psychiatrie stéphanoise ne s’est pas laissée infecter par la panique. Peut-être grâce à l’habitude de travailler dans une incertitude permanente ? La santé mentale est l’un des domaines du soin qui a été le plus affecté par les dernières décennies de restrictions [1].

Du baume à l’électrocardiogramme plat

« Opérationnels ». Les hôpitaux étaient prêts en une semaine, chronomètre en main. « Prêts » incluant la création de filières dédiées au Covid, ex nihilo. La transformation de blocs opératoires en salles de réanimation. La fusion de services, la distribution de matériel… Les personnels expérimentés eux-mêmes n’en reviennent pas de tant d’efficacité, impressionnante lorsqu’on connaît la complexité de la machinerie hospitalière. Démesurée ? L’obsession du SARS-CoV-2 a permis l’accueil de patients de la plaine du Forez, dont les capacités étaient débordées suite à l’apparition de foyers inattendus.

Nos correspondantes insistent, jusqu’à la surprise, sur la motivation et l’engagement des personnels malgré l’absence de « considération », de prise en compte individuelle et collective.

Le problème se situe au-delà de la ritournelle de la « reconnaissance ». Discours blessants, défiance sont devenus le comportement ordinaire de la hiérarchie. « Qu’est-ce qui va m’arriver sur le coin de la figure aujourd’hui ? ». Récupérer des collègues en larmes à la fin d’une journée très dure peut-être ?

Cette période n’a pas fait exception, bien que la catastrophe ait été jugulée par « la base ». Celle-ci supporte. Et, paradoxalement, peut ressentir de la fierté de participer à cet événement. Faire face à une épidémie, serait-ce la quintessence du travail soignant ? À l’inverse, celles qui se sont trouvées sur la touche ressentent parfois une certaine frustration : à l’avenir, on aura « fait le Covid », ou pas. Dès le moment de partir au front : « J’étais seule sur la route. Ça faisait un peu une ambiance de guerre quand-même ». Mais beaucoup de ces anciens combattants ne sont pas dupes : « On a prévu de jeter nos médailles ! ».

Les bleus et les bosses

On oublie souvent que les établissements de santé sont aussi des lieux importants de formation initiale et continue. Les novices, en plein apprentissage malgré la suspension de fait des relations pédagogiques, auront au moins appris l’ambivalence du travail : la plupart ont trouvé normal, voire souhaitable d’en être, de se voir enfin considérés comme des membres du corps professionnel à part entière. Tout en étant parfois très choqués, par la mort en particulier, et par la suppression des délicatesses qui l’accompagnent normalement. Les étudiantes en soins infirmiers par exemple, souvent placés en services Covid comme aides-soignantes après leur première année d’études, s’occupent parfois de placer les corps dans les housses.

Les non-titulaires sont les plus exploités par les organisations contemporaines : le coronavirus, là encore, n’aura fait que se glisser dans les brèches de notre société.

Des syndicalistes stéphanois ont obtenu qu’ils acquièrent le statut de vacataires plutôt que de stagiaires, ce qui leur permettait d’être rémunérés et d’avoir accès à la médecine du travail. D’aucun estiment que les étudiantes ont été les « publics les plus malmenés avec les vacataires ». Les non-titulaires sont les plus exploités par les organisations contemporaines : le coronavirus, là encore, n’aura fait que se glisser dans les brèches de notre société. À l’issue de l’épidémie, il n’est pas rare d’entendre ce genre de sentences : « Plus jamais je ne bosserai à l’hôpital ! », notamment au C.H.U.. Après la découverte d’une première affectation : « Qu’est-ce que j’ai pleuré le lendemain ! ». Il est impossible de se saisir de tous les enjeux d’une équipe pour les nouveaux, qui subissent des formes exacerbées de « mobilité ». Mais malgré la peur, « il faut y aller ».

L’été sera décisif : les congés sont un motif d’espoir, comme de frictions avec les directions, et de charité de la part de l’exécutif. La digestion collective n’a pas eu lieu, les fonctions antérieures ont été reprises sans aucun pallier de décompression. Comme si il ne s’était rien passé. Les retours d’expérience tardent. L’encadrement donne des numéros de psychologues. Les absences commencent. Dans une société tellement bavarde, le silence sur un événement de cette ampleur laissera des traces dans une carrière. La succession des « mardis de la colère » à l’issue du confinement [2], sert aussi à ça : à se parler, tout simplement. Les gestes, les mots de reconnaissance réciproque réconfortent, entre collègues qui se sont rencontrés à cette occasion. Mais si cela reste dans l’informel des initiatives individuelles. Certaines plaies risquent de se rouvrir très vite...

« Ce service est armé »

Le déni de la sensibilité du travailleur s’illustre au son du clairon, dans le retour de la rhétorique militaire. Celle-ci choque beaucoup de soignantes, car c’est une déshumanisation qui s’exprime ici : la performance se sépare de ce qui souffre, se coupe de ce qui blesse. Abattre du travail devient le seul moyen de se protéger mentalement. Le discours gestionnaire est aussi froid que les corps dont les employés remplissent les housses mortuaires. Ce vocabulaire s’accompagne d’un certain regard porté sur ceux-ci, fait de suspicion et de contrôle…

Le discours gestionnaire est aussi froid que les corps dont les employés remplissent les housses mortuaires.

Une hiérarchie constituée de bons élèves, aux ordres, traque les arnaques, les mensonges à l’intérieur de la même façon que l’Assurance Maladie chasse les fraudeurs à l’extérieur. Le manichéisme est devenu un outil prisé de la gestion : il divise l’hôpital entre la récompense, pour les « gentils agents obéissants », et le dénigrement, pour « les casse-couilles et les tire-au-flanc ». De l’avis même de membres de l’encadrement de proximité, « c’est triste et effrayant ». En préparant le matériel pour leurs équipes et en accordant de petites attentions plutôt que des messages incendiaires, les cadres qui « sortent du lot » génèrent aussitôt d’immenses différences dans la qualité du travail et la prise en soin des patients. Mais la « bienveillance » attend généralement la présence des caméras.

Docteurs et cadres de santé aussi finissent par être traités comme des instruments du pouvoir immense placé entre les mains des directions, et des médecins qui acceptent de participer à « la gouvernance ». Celle-ci décide de tout pour tous, patients comme personnels. « Les agents sont des pions, des effectifs sur un planning ». Si il y a un choc des civilisations à l’hôpital, c’est entre sa réalité d’exercice et la culture du soin. « Les soignants essaient un peu de sauver ça, mais à quel prix ? Combien de temps ça peut durer ? ». S’il y a un risque, c’est que chacun se réfugie dans son fort intérieur : « Pitoyable, un vrai gâchis humain de relations au boulot ». L’individualisation est extrême, la dimension collective du travail ignorée avec morgue. Comme en santé publique, tout s’explique par la responsabilité individuelle.

« Il faut bien fonctionner ». Les professionnels de santé ont fait la démonstration de leur réactivité et admettent volontiers l’urgence de la situation, loin de la stigmatisation d’une quelconque « résistance au changement » par l’idéologie gestionnaire. Ce qui les insécurise, c’est la vitesse folle à laquelle se produisent ces menus changements comme ces profondes transformations. Une décision nouvelle, bien qu’imparfaite est acceptable. L’instabilité permanente est difficile. Que les cellules d’hygiène décident en temps de pandémie, soit : c’est éminemment légitime. Mais croire que tout est applicable immédiatement, « au boulot », relève de l’ignorance ou de l’hallucination.

Deux jours après l’ouverture d’une cellule Covid, alors que le soin n’était pas encore prêt, la recherche clinique se met en branle. Elle exige d’appliquer des protocoles très stricts, bien que changeants, qui ajoutent un travail minutieux à une équipe qui n’est pas consolidée. De quelle manière penser la science ? Comme un lent moyen de la confiance ? Ou comme une opportunité de communication ? À Saint-Étienne, la simultanéité avec l’irruption médiatique du « trublion de Marseille » est troublante : chacun voulait prouver à tout prix qui avait tort ou raison.

« On en a créé des bed managers : ils comptaient bien les lits. Il faut bien être cadre supérieur pour ça… [rires] ». Les personnes interrogées invoquent toutes la qualité des rencontres entre professionnels de terrain, quels que soient leurs rôles. Parmi lesquels figurent en bonne place les salariés les plus oubliés comme ceux des services techniques, qui ont réalisé des déménagements titanesques, ou du ménage. Les consignes sont affichées sur papier, « au scotch dégueulasse dans des ascenseurs à nettoyer trois fois par jour : une galère pour les personnels d’hygiène. Il est où le ‘‘service qualité’’ là ? ».

Un opportunisme de crise : la catastrophe comme expérimentation

En « première ligne », le bon sens semble l’avoir emporté sur la folie techniciste : la maîtrise de l’épidémie semble en témoigner. La gigantesque infrastructure bureaucratique des hôpitaux ne sert-elle à rien ? « C’est sans doute pas vrai. Mais tu te poses quand-même la question [rires] ». On me rapporte les propos d’une source ayant des fonctions importantes à l’Agence Régionale de Santé, qui admet qu’ils ont été « minables ». Elle aurait dit avoir honte : « Je n’aurais jamais dû terminer ma carrière là-dessus ».

Des pratiques de collectivisation des emmerdes et de privatisation des gains, fidèles à la gestion du monde d’avant.

La catastrophe aura été une excellente occasion de mettre en œuvre des projets de partenariat entre secteur public et offre privée. En chirurgie par exemple, l’une des rares spécialités à « rapporter » de l’argent selon les nomenclatures de l’Assurance Maladie. Fidèles à la gestion du monde d’avant, ces pratiques de collectivisation des emmerdes et de privatisation des gains reposent par exemple sur la location de salles à des cliniques par les hôpitaux publics, à des prix conséquents.

Une « unité commune de chimiothérapie » était inscrite dans le projet médical d’établissement de l’Hôpital Nord. Elle a trouvé sa pleine légitimité pendant l’épidémie, en permettant de réunir les patients dans un espace protégé du Covid. Jusqu’alors, différentes spécialités possédaient leur propre unité de chimiothérapie : la pneumologie, la dermatologie, etc. La fusion de ces unités a été pérennisée : c’est l’une des raisons de la reprise des luttes depuis le déconfinement. Concrètement, cela signifie une perte des moyens et personnels affectés jusqu’alors pour chaque spécialité. Cette « réorganisation temporaire durable » selon la direction, qui joue de l’impression de moyens supplémentaires que donne une création d’unité, est dénoncée par certains personnels.

La solidarité, ça ne s’improvise pas

Le principe de continuité des soins s’exerce au gré de ces transformations, que celles-ci soient nécessaires ou opportunistes. Mais les compétences, les expertises si chères aux dirigeants sont perdues. Un cancer du poumon et un cancer de la peau, par exemple, n’impliquent pas les mêmes thérapeutiques. Catastrophe oblige, beaucoup d’équipes ont dû faire des choses inconnues. Démantelées par le mouvement frénétique, les formes de solidarité inter-personnelles dans les services, d’entraide stabilisée entre équipes ne sont pas valorisées par la hiérarchie : elles relèvent du volontariat. En parallèle, un traitement inégalitaire des salariés leur fait ressentir une grande insécurité. Ajoutez un pathogène virulent dans les rouages de la machine, et celle-ci menace d’exploser...

Le coronavirus est apparu dans un contexte de mise en concurrence entre pôles de l’hôpital, logique bien installée au sommet de l’organisation.

L’obsession économétrique encourage à préserver les ressources, humaines comme matérielles, même lorsque les voisins en manquent cruellement. D’où certaines aberrations : comme des congés imposés, dont les fameux congés « Covid », alors que d’autres sont forcés d’interrompre leurs vacances, de renoncer à leur temps partiel, ou entassent les heures supplémentaires. La pandémie est venue percuter une organisation compétitive structurellement.

La hiérarchie exhorte les cadres de proximité au télétravail : « Économisez-vous ! »... Alors que celui-ci est complètement surmené : planifier ne se bricole pas, pour qui prétend prendre en compte l’expérience, les contraintes personnelles des soignantes… À l’intensité de l’investissement et à la débrouillardise fait rapidement écho l’incompréhension envers des malentendus institutionnalisés. Sur scène, les salariées réalisent l’impossible, pour les patients comme pour les proches. Mais les coulisses sont électriques. Colères et clivages s’accumulent, on s’accroche pour un rien.

Paradoxe ? Les fantasmes futuristes de maîtrise, de gestion, sont omniprésents ; mais le niveau d’éducation croissant ne prémunit pas des réflexes archaïques hérités des pestes. Dans l’intimité familiale, l’inquiétude est pénible à vivre. Les maris ont peur, les enfants sont cloîtrés... Ramener le danger chez soi est une menace : des circuits rigoureux sont installés pour se dévêtir à l’entrée, et passer aussitôt à la douche complète. Obsessionnelle au début de l’épidémie, la ritualisation ne s’assouplit que peu à peu. Bénéfices du traumatisme ? « Je suis contente : mon fils se lave enfin les mains avant de passer à table et fait le ménage de sa chambre ! ».

« On est encore un peu sonnées ». Ces « héroïnes » qui ne veulent pas l’être insistent sur le fait que cet événement a conduit autant au renfermement dans l’étroitesse, qu’au renforcement du familier. Et nous demandent trois choses : de rester vivants ; de continuer à penser ; et de nous préparer à d’autres épidémies. Si le Covid est venu nous rappeler l’existence des maladies contagieuses, trop démodées pour une époque si avancée, il nous faudra apprendre à cohabiter ailleurs qu’en hypocondrie ou en dénégation.

Notes

[1À ce sujet, lire notamment l’article « HP : contention et contentieux » paru dans le Couac n°6 et le compte-rendu de la réunion organisée à la suite de la sortie de ce numéro (04/07/2018).

[2Cf. les appels des rassemblements des mardis 2 juin, 16 juin et 30 juin.


Proposé par Couac
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