« En guerre » contre un virus, puis en « réarmement » et en économie de guerre avant d’entendre parler de « patriotisme du capitalisme français » (Lecornu) et d’un « front » républicain, les références à la guerre ne manquent pas.
On célébrait le 6 juin de cette année le martyr des « combattants de la liberté » morts sous les balles des mitrailleuses allemandes lors du débarquement.
On appréciera le langage délicat du général Patton dans cet extrait de son discours de motivation des troupes le jour J-1, veille du débarquement américain :
Chaque homme ne doit pas seulement penser à lui mais il doit aussi penser à son copain qui combat à ses côtés. Nous ne voulons pas de lâches dans l’armée. Il faudrait les exterminer comme des mouches. Sinon ils rentreront à la maison après la guerre ces fichus couards et ils feront d’autres trouillards. Les héros, eux, donnent naissance à des héros. Éliminons ces putains de mauviettes et nous aurons une nation de braves. [...] N’oubliez pas : vous ignorez que je suis là. [...] Je ne suis pas censé commander cette armée. Je ne suis même pas censé être en Angleterre. Laissons ces fichus Boches être les premiers connards à le découvrir. Je veux les voir, un de ces jours, se dresser sur leurs pattes arrière et hurler : “Mon Dieu, c’est cette putain de 3e armée et à nouveau ce fils de pute de Patton !” Nous voulons les expédier en enfer. Nous voulons y aller et mettre de l’ordre dans cette saleté. Ensuite, nous devrons faire une petite excursion contre ces salauds de Japs et nous nettoierons aussi leur repaire, avant que les Marines ne s’en attribuent tous les fichus honneurs. [...] Nous gagnerons cette guerre en nous battant et en montrant aux Allemands que nous avons plus de couilles qu’eux. Nous n’allons pas simplement tuer ces fils de pute : nous leur arracherons les tripes et nous graisserons les chenilles de nos chars avec. Nous allons liquider ces suceurs de queue à coups de pelle ! La guerre est une chose sanglante et barbare. Vous devez faire couler leur sang ou bien ils feront couler le vôtre.
Ceci pour nous rappeler les belles valeurs pour lesquelles tout un chacun s’empresse d’aller crever.
Si le spectacle, le sang (des sauveurs) et les larmes (de tous les autres) sont les principaux ingrédients des commémorations martyrologiques destinées aux badauds, il n’empêche que quand les bidasses s’intéressent aux civils, c’est bien souvent pour les recruter. Le général Pierre Schill le dit au journal La Croix, le 5 juin :
je crois que la population française, la nation est prête à des sacrifices pour défendre ce qui lui est cher.
Mesurer le « potentiel sacrificiel » c’est un peu comme avec le terme « ressources humaines », sauf que cette fois on ne compte pas la « force de travail » mais bel et bien le travail de la force, c’est-à-dire celui de la mort et de la destruction.
Flanc Est de l’OTAN, l’ère de « l’avant guerre »
Comme chacun.e sait, Macron n’est pas pressé de remplacer Gabriel Attal, même si ce dernier aimerait bien préparer 2027 tranquille. Ces jours-ci Macron se ballade à Washington pour fêter l’anniv de l’OTAN. Le Monde du 8 juillet détaille la militarisation de plus en plus croissante depuis 2014 des pays de l’Est de l’OTAN.
Depuis le retour du service militaire en Lettonie, jusqu’à la construction de milliers de bunkers et d’abris anti-aériens en Estonie, et le stationnement de dizaines de milliers de soldats sur place, en passant par l’augmentation considérable des budgets militaires de nombreux pays, comme celui de la Pologne qui lui consacre désormais 4,1 % de son PIB et dont le premier ministre a déclaré au printemps que « l’ère de l’avant-guerre a commencé ».
Les pays de l’Est ne sont pas les seuls à envisager les scenarii catastrophes. « La guerre, demain ? », c’est le nom du colloque organisé par la Direction générale de l’armement (DGA) et le Commandement du combat du futur (CCF) à l’Ecole de Guerre le 7 mai dernier. Présenté comme un « war game », la revue Conflits nous livre un résumé des scenarii qui ont été déroulés. Les gradés ont l’air de s’être bien amusés, jugez plutôt.
- Scenario 1 : Septembre 2026, la méchante Russie envahit les pays baltes. Deux équipes de 25 000 soldats mobilisées sur le front balte, chaque équipe relaye l’autre quand la première est « fatiguée ».
- Scenario 2 : février 2027, des conflits au Liban, l’armée française est envoyée « maintenir la paix »
- Scenario 3 : guerre civile en France. Depuis 2026, la guerre est un facteur de tensions à l’intérieur du pays, en plus il y a plein d’armes en circulation, donc des émeutes et des attentats. Du coup l’état d’urgence est décrété et 10 000 soldats français sont déployés pour « maintenir l’ordre ».
- conclusions : la leur :
Dans un contexte de tensions sociales et politiques extrêmes en France, marqué par des attentats, l’anarchie, et des cyber-attaques, la question de l’unité nationale a alimenté le débat. Grâce aux réflexions des experts, il est ressorti qu’en dépit de la fracture sociale en France, la nation pouvait se rassembler pour soutenir l’effort de guerre. Il a été admis que cela relevait cependant du rôle du politique et de son travail de communication pour élucider l’engagement des troupes françaises.
Cependant, il est important de rappeler que l’unité nationale ne peut être obtenue que si les fondements sont jugés légitimes et vitaux pour la France.
Autrement dit, il faut travailler le patriotisme et « souder la nation » autour des belles valeurs de l’armée pour que la population la soutienne et ce, quitte à se battre contre la même « population » qui ne soutiendrait pas l’effort de guerre et ferait régner l’anarchie.
D’ici, on se dit que la course aux armements et la préparation idéologique à la guerre n’augurent rien de bon mais on se demande aussi quel effet ça ferait aux Estonien.nes de savoir que les missiles russes sont équipés de puces françaises. Oui, le commerce n’a pas de frontières, c’est d’ailleurs ce qui se matérialise régulièrement sous la forme de salon de l’armement, comme celui de l’EuroSatory qui s’est tenu mi-juin à Paris et où tous les pays du monde sont venus exposer leurs joujoux meurtriers, peu importe s’ils servent à réprimer les populations ou tuer des civils. Victoire (partielle) cette année : les entreprises israéliennes n’ont pas été autorisées à tenir leurs stands grâce aux efforts de militant.es en lien avec Stop Arming Israel et la semaine du désarmement.
Local
De la sueur et du tir au laser. De l’effort à l’effort de guerre il n’y a qu’un pas.
Si vous vous demandiez il y a quelques semaines ce que représentait cette longue trainée verte sur le sol de Sainté, vous avez eu la réponse le 22 juin, jour du passage de la flamme olympique. Cette formidable opportunité de célébrer la concorde autour des inaltérables valeurs du sport : la compétition et Coca-cola.
C’est dans cette ambiance que le centre de formation des armées a passé l’après-midi place de l’Hotel de Ville avec son « Parcours des Champions » qui consistait basiquement à faire des pompes et du tir au laser.
Un seul regret, on n’a pas vu les ateliers « suture et amputation sans anesthésie », « transport de blessé en 400m haie » ou « emballage de cadavre ». Sans doute une mesquinerie des soignant.es qui ont dû prétexter leur habituel « manque de personnel ».
Vous avez manqué le parcours des champions à Sainté ? n’hésitez pas à suivre la flamme, c’est ce que feront les bidasses jusqu’à fin aout, pour toujours plus de sport et de fun.
Valence
Ce dimanche 30 juin, le Dauphine nous apprend que les « nostalgiques de l’armée et les plus jeunes » ont eu, grâce à l’Aérotorshow, une occasion unique de lever le nez au ciel pour admirer les engins, Tigre, Cougar, etc. tous plus féroces les uns que les autres, du GAMSTAT (Groupement aéromobilité de la section technique de l’Armée de terre).
Gageons que le public, après ces pirouettes tricolores a su remettre les pieds sur terre, son bulletin dans l’urne, et sa signature en bas du formulaire « d’information/recrutement ».
Lyon, capitale européenne du militaro-sécuritaire
Une brochure parue dernièrement à Lyon met en lumière les agissements de la Chambre de Commerce et d’Industrie sur le territoire. La CCI Lyon-StEtienne-Roanne, commune aux trois villes, est un établissement public d’intérêt général chargé de représenter les intérêts de l’industrie, du commerce et des services. Celle de Lyon possède l’aéroport Lyon-St Exupéry, le Banc National d’Epreuves de Saint-Étienne, l’Ecole de Management de Lyon (EM Lyon).
En résumé, création d’un futur campus « de la sécurité globale » ; pénétration des militaires et des flics dans les écoles et les universités ; un lobby régional de l’industrie de l’armement (le cluster EDEN) ; collusion entre la CCI, le Banc National d’Epreuves et une boite israélienne de blindages… Un conséquent travail d’enquête à lire à tête reposée.
A Saint-Étienne aussi on fait du sale
L’inimitié Lyon-Sainté n’est qu’une façade. Une fois qu’on parle d’argent y a toujours moyen de se rencontrer. Quelques exemples :
La CCI de Saint-Étienne est bien rattachée à celle de Lyon puisque les trois CCI Lyon Saint-Étienne Roanne ont fusionné en 2016. L’EM Lyon a un campus stéphanois. Verney Carron (« amour de la nature, passion de la chasse ») fait partie du cluster EDEN.
A ce propos on découvre le 2 juillet une interview de Guillaume Verney Carron, son directeur au développement. On savait déjà que le ministère de l’intérieur cherchait à se doter de centaines de LGBT. Si si, les Lance Grenades Bi Tubes, pouvant donc tirer deux grenades d’un coup. Ça n’a pas échappé à notre entreprise préférée qui enchaîne flatteries et allusions. Extrait :
Nous sommes en passe de fournir 3 000 nouveaux lanceurs lance grenades aux CRS, qui seront déployés sur le terrain au fur et à mesure des cinq prochaines années. Nous faisons cohabiter le domaine du létal et du « moins » létal, tout en étant force de proposition. Nos forces de l’ordre sont parmi les meilleures du monde, la volonté de Lebel est de renforcer le travail avec le ministère de l’Intérieur pour être au plus près des besoins du terrain. Notre nouveau lanceur, le Cobra, offre une véritable plus-value vis-à-vis des précédents lance-grenades. Nous avons misé sur l’ergonomie, avec une plateforme bi-coup, totalement ambidextre, facile et rapide d’utilisation.
Le lanceur Cobra, produit-clé de Lebel, est notamment destiné aux forces de l’ordre. Il est ici présenté à l’Eurosatory 2024.
Dernièrement, dans le domaine de l’industrie, on entend parler de l’entreprise HEF qui a développé dans ses labos, en collaboration avec Thales, Nicomatic (la savoyarde ou l’israelienne ? ah bon c’est la même ?) et l’Ecole des Mines, une nouvelle technique de soudure hyper résistante le Super Ball. HEF, c’est l’entreprise stéphanoise à qui la mairie a quasiment offert 12 000 m2 des halles Berthiez (vendues à 5,6 millions, alors que la ville l’a rénovée pour 4,2 millions en 2019).
Le rapport avec l’armée ?
Premièrement son labo privé, IREIS, collabore avec Thales et Nicomatic, deux géants de l’armement. Ensuite, HEF va diversifier son activité en direction de l’hydrogène, ce qui pourrait intéresser l’armée, mais surtout, son activité principale est l’étude et l’amélioration des surfaces soumises à rude épreuve, Formule 1 comme … Rafale.
Grenoble
La CGT ST Microelectronics a écrit une lettre ouverte réclamant que le géant des puces électroniques cesse ces liens avec Israël. Elle rappelle que ST a ouvert plusieurs centres en Israël et demande la fin de la coopération avec ce pays.
Une deuxième lettre, du collectif StopMicro, salue ce geste en rajoutant une critique plus globale de l’activité de l’entreprise et de la vie connectée qu’elle promeut (extractivisme, pollution et consommation faramineuse d’eau, etc. ) et en détaillant bien plus avant les profits directs que l’entreprise tire des guerres en tant que productrice de puces essentielles aux missiles et autres gadgets mortifères. Des profits tels que la boite ne s’embarrasse pas des embargos, un centre de recherche ukrainien a retrouvé en 2023, sur le champ de bataille ukrainien, l’équivalent de 94 millions de dollars de puces STMicroelectronics !
International
RDC / Rwanda
Les guerres qui ont fait des millions de victimes en République Démocratique du Congo n’ont pas fini d’ensanglanter la région. Récemment, d’après le Monde du 8 juillet, l’armée rwandaise en soutien au mouvement rebelle M23, aurait envahi une partie de l’Est de la RDC. Du côté rwandais, la porte parole du gouvernement dénonce des « accusations absurdes et le fruit de la guerre de l’information contre le Rwanda ».
Au mois de juin, les deux présidents avaient été reçus par Macron à quelques jours d’intervalles sans qu’il n’y ait de résolution de conflits. Il faut dire que la France coopère aussi bien avec les deux pays. Formation d’officiers en RDC, coopération militaire avec le Rwanda au Mozambique, pays en proie à des tensions et dans lequel on trouve … Total energie !
Nous parlions plus haut de l’économie des puces électroniques, n’oublions pas que la région du Kivu est située sur le plus grand gisement mondial de cobalt mais aussi de coltan, matériaux essentiels à la fabrication de toutes les merdes électronique occidentales.
Invasion et agression pour les uns, guerre informationnelle pour les autres ; il est difficile de savoir la vérité dans ce jeu de « c’est qui qui a commencé ». Une chose est sûre, malheureusement, c’est que des enfants sont enrôlé.es de force, des civils sont déplacé.es, violé.es et tué.es ; que la peine de mort (pour les militaires) est de retour en RDC, qu’il y a clairement des intérêts économiques de contrôle de terrains miniers, que ce soit par des groupes armés ou par des grandes puissances.
Israel – les universités et l’armée
« les universités sont indépendantes du gouvernement. Nous sommes des îlots de bon sens, des bastions de valeurs démocratiques », ce sont les mots du recteur de l’université hébraïque de Jerusalem en conclusion d’un article de La Croix, du 23 juin 2024, qui démontre pourtant clairement l’inverse.
Intitulé « Guerre à Gaza : en Israël, les liens étroits entre les universités, l’industrie militaire et l’armée », l’article montre que des entreprises israéliennes de l’armement ont vu le jour au sein même d’universités (Israël Aerospace Industries est née à l’Institut Weizmann des sciences, Rafael a été créée au Technion de l’Université d’Haïfa).
En plus de pondre des entreprises, les universités proposent des programmes académiques pour les soldats, comme le programme Havatzalot « double diplôme d’élite au sein des forces de défense israéliennes visant à former des officiers de renseignement hautement qualifiés ».
Mais ce n’est pas tout, les universités israéliennes sont aussi un lieu de réflexion sur les stratégies militaires à adopter.
Doctrine, industrie et formation ; les « îlots de bon sens » israéliens n’ont rien à envier aux nôtres, penchons-nous sur leurs cas ! Et n’en déplaise à la gôche, même avec le SMIC à 16 000 euros et la retraite à 6 ans, arrêtons de bosser dans les usines de mort, et refusons la rhétorique du sacrifice pour la patrie !
Compléments d'info à l'article