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Publié le 27 décembre 2019 | Maj le 31 mai 2020

Justice et répression des manifestants : quand Facebook sert de mouchard


La justice n’hésite pas à soutenir la frénésie répressive du gouvernement en prononçant de lourdes peines à l’encontre des manifestant-e-s inculpé-e-s, Gilets jaunes comme d’autres auparavant. Le Tribunal de Grande Instance de Saint-Étienne a ainsi été le théâtre de nombreuses condamnations suite à des agissements lors de différentes manifestations, certaines allant jusqu’à de la prison ferme. Si tous les cas mériteraient d’être détaillés [1], l’un d’entre eux retient ici particulièrement l’attention : celui d’un manifestant condamné pour des propos tenus sur Facebook. Lorsque l’ancien monde en robe noire se sert des outils de surveillance que met à sa disposition le nouveau monde, c’est un pas de plus qui est franchi dans l’atteinte à nos libertés. Ce compte-rendu d’audience a initialement paru dans le n°7 de Couac.

L’ambiance est pesante en ce mercredi 8 mai 2019. Monsieur B., visage fermé, comparaît pour « diffamation sur personne dépositaire de l’ordre public ». Sa faute : avoir publié sur la page Facebook de La Loire en colère, la photo du commissaire Gonon, en uniforme, accompagné du commentaire « Voilà cette pute ». Cette publication faisait suite à la manifestation stéphanoise du samedi 5 février, marquée par une féroce répression. L’accusé se justifie en indiquant que sa mère de 60 ans a reçu des gaz lacrymogènes lors de l’une des journées de protestation : « Ça m’a brisé le cœur, ça m’a mis en colère. À ce moment-là , je ne travaillais pas. C’est une accumulation de choses. »

Le juge se permet alors d’affirmer que « tout citoyen qui pense que la police a usé d’une violence injustifiée […] a la possibilité de porter plainte », invoquant comme preuve les déclarations d’un policier dans une vidéo, enjoignant une dame à porter plainte. Au vu de l’invraisemblable nombre de blessé-e-s graves recensé-e-s dans les manifestations récentes et du silence gênant de l’inspection générale de la police nationale, le doute reste légitimement permis quant à l’efficacité de ces procédures. L’avocate de la partie civile prend alors la parole pour décrire le mal-être du commissaire, qui « travaille pour la protection des biens et des personnes ». Désormais, « il craint pour la sécurité de sa personne et celle de sa famille, car on connaît les hostilités [des gilets jaunes] à l’égard de la police ». Il est vrai que ces dernières semaines, nombreux-ses sont les agent-e-s de police à avoir subi coups de matraque, gazages intempestifs, grenades de désencerclement et tirs de LBD à tour de bras… Le procureur y va ensuite de son laïus éculé : « Si vous avez 60 ans et que vous ne pouvez pas assister à une manifestation, moi je dis, n’y allez pas ! ». Le droit de manifester ainsi remis en cause, il enchaîne en tenant monsieur B. pour responsable des blessures d’autres manifestant-e-s : « Combien j’ai été ému par cette autre affaire. Quand on m’a appelé pour un enfant de 14 ans qui a été brûlé au visage et qui se trouvait à l’hôpital. Mais vous êtes responsable aussi. »

Le procureur se permet d’un grossier tour de passe-passe de renverser les rôles, assignant aux manifestant-e-s la responsabilité des violences qui sont commises à leur encontre.

Alors qu’un jeune réfugié syrien, arrivé indemne en France, s’est retrouvé éborgné lors d’une manifestation stéphanoise, le procureur se permet d’un grossier tour de passe-passe de renverser les rôles, assignant aux manifestant-e-s la responsabilité des violences qui sont commises à leur encontre. Puis, après avoir déclaré que « là ce n’est pas seulement l’homme mais aussi le bel uniforme qui est diffamé », il conclut par une remarque transpirant le mépris de classe : « Le message que vous voulez livrer à vos enfants, ce n’est pas celui-ci. » Grand seigneur, il revendique toutefois une « réquisition modérée car la loi est faite pour vivre dans une société paisible et respectueuse » – à savoir 1000 euros d’amende, dont 700 avec sursis. Monsieur est trop bon !

Bien que nous ne sachions rien de la stratégie adoptée, la plaidoirie de la défense interroge, celle-ci étant ponctuée de « Il assume, laissons place à la bêtise humaine », « C’est suffisamment grave » et autres « Il est venu avec toute sa honte ». Si la repentance est une chose, l’autoflagellation en est une autre et elle ne semble pas porter ses fruits, le juge allant plus loin que la réquisition du parquet, en condamnant monsieur B. à une amende de 1000 euros ferme. La féroce répression de ce mouvement social continue, n’hésitant pas à se servir des nouveaux outils de surveillance dont elle dispose désormais. Le nouveau monde a décidément quelques fâcheux relents de l’ancien...

Notes

[1Lire, à ce sujet, cet article et celui-ci, mais aussi celui-ci et celui-là , ou encore celui-ci, etc.


Proposé par Couac
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