Actualité et mémoire des luttes à Saint-Étienne et ailleurs
MÉMOIRE ANARCHISME / MOUVEMENT OUVRIER
SAINT-ÉTIENNE  
Publié le 6 janvier 2024 | Maj le 3 janvier 2024 | 1 complément

6 janvier 1858, naissance de Sébastien Faure à Saint-Étienne


Figure importante de l’anarchisme français.

Il fut séminariste avant d’être libre-penseur, et socialiste du parti ouvrier avant de devenir anarchiste en 1888. Après l’exécution d’Auguste Vaillant en 1894, il devient le tuteur de sa fille Sidonie. Il est jugé six mois plus tard lors du Procès des trente, il y sera acquitté.

En 1895, il fonde avec Louise Michel [1] : « Le Libertaire » [2]. Lors de l’affaire Dreyfus, il soutient activement celui-ci et céera « Le journal du Peuple ». En 1900, il publie le journal « Les Plébeiennes » puis en 1901-1902 « Le Quotidien ».

En 1904 il crée, près de Rambouillet, une école libertaire « La Ruche ». Elle ne cessa de se développer (jusqu’à la guerre qui la contraindra à fermer en 1917). En 1916, Sébastien Faure lance le périodique « Ce Qu’il Faut Dire », qui sera de nombreuses fois censuré. En 1918, il est emprisonné pour avoir organisé un meeting interdit.

En 1928, en désaccord avec « L’Union Anarchiste Communiste Révolutionnaire », il crée « L’Association des Fédéralistes Anarchistes », mais reviendra à l’Union Anarchiste en 1934. Il meurt à Royan, le 14 juillet 1942.

Outre ses qualités de pédagogue et d’orateur, il est aussi l’auteur de nombreux libres. « La douleur universelle » (1895), « Mon communisme » (1921), « L’imposture religieuse » (1923), « Propos subversifs », etc.

Il est également l’initiateur de l’Encyclopédie Anarchiste.

Biographie de Sébastien Faure à lire sur le site du maitron

Né le 6 janvier 1858 à Saint-Étienne (Loire), mort le 14 juillet 1942 à Royan (Charente-Maritime) ; agent d’assurances ; membre de la Franc-maçonnerie qu’il abandonna en 1914 ; militant anarchiste par l’écrit et par la parole à partir de 1888 environ.

Quatrième enfant d’une famille qui en comptait six, Sébastien Faure naquit dans un milieu de bourgeoisie aisée et très catholique. Son père, négociant en rubans, le confia aux Jésuites auprès desquels il fit de solides études. Destiné aux Ordres, le jeune homme fit un noviciat de dix-huit mois à Clermont-Ferrand. C’est alors que, vers 1875, le père de Sébastien mourut après avoir connu des revers de fortune puis rétabli, dans une certaine mesure, sa situation. Auparavant, il avait fait promettre à son fils de renoncer à la prêtrise et de se consacrer à sa famille.

Sébastien Faure s’adonna donc au commerce avant de satisfaire, à partir de novembre 1878, à ses obligations militaires, puis il passa une année en Angleterre ; de retour à Saint-Étienne, il obtint un poste d’inspecteur dans une compagnie d’assurances. Ayant fait la connaissance de Blanche Faure, son homonyme mais non sa parente, d’origine protestante, il l’épousa et vers 1885, le jeune couple alla s’installer à Bordeaux. Sébastien Faure, qui avait perdu peu à peu la foi catholique, l’avait remplacée par une foi socialiste dont on verra l’évolution. La vie militante, que n’appréciait pas la jeune femme, entraîna la rupture et, en 1888, S. Faure s’installa seul à Paris après avoir divorcé. Une quarantaine d’années plus tard, Blanche offrait à son ex-mari, relevant de maladie, de reprendre la vie commune, ce qui se réalisa. Le couple vécut à Paris, 15, rue Charles Friedel (XXe arr.) puis se réfugia à Royan à partir d’avril 1940. Sébastien Faure y mourut en juillet 1942.

Celui que les compagnons appelleront familièrement « Sébast » fut donc, sa vie durant, un militant. Sa première action publique eut lieu à Bordeaux en octobre 1885, lorsqu’il fut candidat du Parti ouvrier (guesdiste) aux élections législatives ; il obtint 600 voix et ne fut pas élu. Selon son propre témoignage (cf. J. Humbert, op. cit., p. 27) c’est au cours des années 1887-1888 que sa pensée évolua pour, finalement, sous l’influence des écrits de Kropotkine et d’Élisée Reclus, se déterminer pour les conceptions libertaires auxquelles il demeura fidèle. En 1888, après son installation à Paris, il travailla encore, comme employé à la Société des voyages et villégiatures à crédit, et s’inscrivit au groupe « Les Insurgés du XVIIIe » qui rassemblait des citoyens appartenant à toutes les écoles socialistes.

En octobre-novembre, il fut délégué au IIIe congrès de la Fédération nationale des syndicats qui se tint à Bordeaux-Le Bouscat. Membre du syndicat des « Hommes de peine » dont les adhérents n’exerçaient pas, généralement, de métier bien défini, Sébastien Faure, devenu un propagandiste permanent de l’anarchisme, vécut essentiellement de ses conférences et n’eut plus l’occasion de participer au mouvement syndical. Il n’en demeura pas moins syndicaliste et, dans son ouvrage Mon Communisme, il attribua un rôle essentiel à ce mouvement pour résoudre les problèmes de la production dans la société libertaire.

S. Faure ne fut pas à proprement parler un théoricien de l’anarchisme, mais surtout, par l’écrit et par la parole, un vulgarisateur. S’il fonda et dirigea plusieurs journaux, s’il eut toujours un périodique à sa disposition, c’est par ses conférences qu’il acquit une audience nationale. Les tournées qu’il organisait l’étaient toujours avec le plus grand soin et il ne laissait aucun détail au hasard ou à l’improvisation ; rédaction des tracts, nombre et format des affiches, choix et plan de la salle, financement, tout était prévu. Quant aux sujets de ses conférences, ils étaient « grand public », liés souvent à l’actualité, et leur développement donnait fréquemment matière à publication de brochures.

Émile Kahn, président de la Ligue des droits de l’Homme, a caractérisé ainsi son éloquence au temps de la campagne en faveur de Dreyfus :
« On l’y entendait parler d’une voix douce, qui donnait un accent charmeur à des propos ardents. Il était orateur-né, alliait la pureté de la langue et la musique de la phrase à la rigueur du développement et le pathétique à la causticité. La cause était bonne étant celle du Droit, mais il savait lui donner l’attrait persuasif qui entraîne la conviction. De ses débuts dans la vie active qui avaient failli faire de lui un prêtre, il avait gardé le don de convertir » (cf. Contre-Courant, n° 87, mars 1958, réunion tenue salle des Sociétés savantes le 7 décembre 1957 à l’occasion du centenaire de la naissance de Sébastien Faure).

Francis Jourdain qui le fréquenta beaucoup, un temps du moins, a caractérisé lui aussi son « style » ; et son appréciation, pour ironique qu’elle soit, ne semble pas moins juste :
« Dans le privé, Sébastien était un homme enjoué et cordial. On ne pouvait guère lui adresser d’autre reproche que d’être victime d’une déformation professionnelle. Sa conversation était, comme ses discours, une démonstration en trois points, et on l’eût volontiers supplié d’apporter à ses développements un peu moins d’ordre, d’y introduire quelques lapsus, de laisser une phrase en suspens, d’oublier son plan, de se perdre dans une de ses périodes, enfin de rater quelquefois le trapèze et de tomber dans le filet. » (F. Jourdain, Sans remords ni rancune. Souvenirs, pp. 85-86).

La vie de Sébastien Faure se confond avec la vie du mouvement durant un demi-siècle, et on ne peut que rappeler les événements auxquels il fut mêlé, les grandes campagnes qu’il mena.
Le 6 août s’ouvrit le Procès des Trente, épilogue de l’ère terroriste : trente accusés comparurent sous l’inculpation d’avoir constitué une association de malfaiteurs. Parmi les plus connus figuraient Jean Grave*, Sébastien Faure, Charles Chatel, Matha, Félix Fénéon. On avait procédé à l’amalgame de révolutionnaires et de gens compromis dans des affaires de droit commun. Aussi vit-on à côté des militants anarchistes prendre place des voleurs comme Ortiz et Chericotti ; en bref, dix-neuf théoriciens et propagandistes et onze anarchistes illégalistes qui revendiquaient le droit à la « reprise individuelle ». Les débats se prolongèrent une semaine. L’avocat général Bulot, dans son réquisitoire, chercha à prouver qu’il y avait eu entente entre théoriciens et illégalistes, mais dut néanmoins, devant l’absence de preuves, abandonner l’accusation pour certains et admettre, pour d’autres, les circonstances atténuantes.

En fait, tous les accusés furent acquittés, sauf trois illégalistes, Ortiz (quinze ans de travaux forcés), Chericotti (huit ans de la même peine), et Bertani. Les « contumaces », Paul Reclus, C. Martin, E. Pouget, A. Cohen, Duprat furent condamnés à vingt ans de travaux forcés le 31 octobre suivant, mais la peine fut amnistiée dès le 2 février 1895.
Sébastien Faure prit large part à l’affaire Dreyfus après avoir manifesté quelques réticences jusqu’à la fin de 1897. Mais le 4 janvier 1898, toute la quatrième page du Libertaire était consacrée à l’annonce d’une grande réunion qui devait se tenir le 15 pour protester contre le huis clos. Et pour répondre aux réserves formulées par Grave et Pouget, Sébastien Faure précisait dans le Libertaire du 29 janvier : l’affaire Dreyfus « porte à l’ordre du jour la question sociale » et, de ce fait, ne saurait laisser indifférents les anarchistes. Il constitua en octobre un comité de coalition révolutionnaire, pendant du comité de vigilance socialiste, multiplia les réunions et, le 6 février 1899, avec l’aide financière de quelques israélites, il lança le Journal du Peuple, quotidien qui compta 299 numéros jusqu’à sa disparition le 3 décembre de la même année après qu’eut été assuré le triomphe de la cause dreyfusiste.

En 1903, quoiqu’il y eût été hostile jusque-là, Sébastien Faure « se convertit » aux idées néo-malthusiennes dont l’anarchiste Paul Robin était alors le propagandiste le plus en vue. Dès septembre 1898, Le Libertaire ouvrit ses colonnes à celui-ci et, à partir de 1908, une rubrique régulière « Bloc-notes néo-malthusien » y trouva place.

Convaincu, comme la plupart des anarchistes, que « tant vaut le milieu, tant vaut l’individu », S. Faure décida de consacrer une partie du produit de ses conférences à fonder une école « organisée pour l’enfant » alors que l’école chrétienne est « organisée par l’Église et pour elle » et que l’école laïque est « organisée par l’État et pour lui ». Et en janvier 1904, il loua une propriété de 25 hectares au Pâtis, commune de Rambouillet. Une quinzaine de collaborateurs, vivant en communisme et sans appointements, présidaient aux études et aux travaux en atelier et aux champs de vingt à quarante garçons et filles orphelins ou enfants en situation familiale et sociale difficile. Un budget annuel de 50 000 f environ permit le fonctionnement de cette « école de l’avenir » dont S. Faure comblait le déficit annuel d’une trentaine de milliers de francs. La guerre mit fin à l’expérience et « la Ruche » fut dissoute en février 1917. Les résultats ne furent pas à la hauteur des espérances de changer la mentalité humaine, encore que S. Faure estimât toujours en 1917 (Cf. CQFD 3 mars) : « C’est en révolutionnant l’éducation qu’on révolutionnera le milieu social ». Son intérêt pédagogique fut par contre certain et nombre des idées prônées sont aujourd’hui couramment reprises (cf. La Ruche, son but, son organisation, sa portée sociale, 1914).

La déclaration de guerre en 1914 ne troubla pas seulement la vie de la « Ruche » mais ébranla le mouvement ouvrier dans son ensemble. De nombreux leaders se prononcèrent finalement, avec nuances ou pas, pour la guerre du Droit. S. Faure, sans prôner à proprement parler une lutte antimilitariste, adopta sans ambiguïté une attitude pacifiste en lançant en janvier 1915 Vers la paix, appel aux socialistes, syndicalistes, révolutionnaires et anarchistes, dans le but de susciter un courant pacifiste dans les masses et afin que les pays neutres puissent proposer leur médiation. Convoqué par le ministre de l’Intérieur Malvy qui sut le persuader que la tentative était prématurée et qu’il risquait de voir traduire en conseil de guerre ceux de ses camarades mobilisés qui suivraient ses conseils, S. Faure renonça momentanément à son projet. Mais, en avril 1916, il fondait, avec Mauricius, CQFD (n° 1, s. d, n° 2, 9 avril). Le journal connut un certain succès puisque l’année suivante il tirait à près de 20 000 exemplaires, comptait 2 000 abonnés et voyait se constituer à Paris, en banlieue et en province des groupes d’Amis de CQFD....

Durant les vingt années de l’entre-deux guerres, S. Faure, déjà âgé, faisait figure d’ancien et de conseiller auprès des compagnons et, tout en participant personnellement au mouvement et à ses congrès, il poursuivit, comme il l’avait toujours fait d’ailleurs, une action personnelle. On peut estimer qu’elle fut marquée essentiellement par deux faits. Sur le plan de l’édition, par la publication de l’Encyclopédie anarchiste de 3 000 pages, achevée en 1934 dans sa première partie — d’autres ensembles avaient été prévus : historique, biographique qui ne purent être réalisés. Comme pour l’essai éducatif de « La Ruche », ce fut le produit des conférences qui, sur le plan financier, permit de mener à bien l’entreprise. Qu’on en juge par ce seul chiffre : une série de six conférences données à Paris en 1930 rapporta 14 625 f de bénéfice (cf. Le Libertaire du 29 novembre). S. Faure sut faire appel à toutes les familles anarchistes pour la rédaction de l’Encyclopédie qui constitue quantitativement et qualitativement une grande œuvre.

Sur le plan de la doctrine, S. Faure intervint lorsque certains militants, à la suite des Russes exilés, Archinov et Makhno notamment qui considéraient que la très insuffisante structuration du mouvement expliquait pour une grande part ses défaites face aux bolchéviks, conseillèrent aux militants français de discipliner l’Union anarchiste sur le plan de la théorie et de l’action. S. Faure prit alors ses distances à l’automne de 1928 et préconisa « la synthèse anarchiste, opposant le resserrement de tous les éléments libertaires au groupement par tendance unique » (lettre de S. Faure citée dans le Libertaire du 16 novembre 1928). Il milita alors à l’AFA (Association des Fédéralistes anarchistes) et collabora à la Voix libertaire. Il prônait ainsi non la synthèse des théories anarcho-syndicaliste, communiste libertaire, et individualiste anarchiste, mais la cœxistence dans une même organisation de tous ceux qui se réclament, sous quelque forme que ce soit, de l’idéal anarchiste. Un rapprochement se fit vers 1930, mais S. Faure continua à soutenir les deux organes et à leur apporter sa collaboration. L’opposition avait été sévère ainsi que l’avait exprimé le 3 décembre 1928, dans un procès-verbal, la commission administrative de l’Union anarchiste communiste révolutionnaire ralliée au « makhnovisme » qui caractérisait ainsi Sébastien Faure (cf. Le Libertaire du 7) : « Il lui a plu de renier quarante années de propagande en se mettant à la remorque des « amour-libristes » et de tous les antirévolutionnaires qu’un mouvement anarchiste traîne avec lui ».

S. Faure ne milita pas pendant un demi-siècle sans encourir un certain nombre de condamnations politiques, toutes antérieures à la Première Guerre mondiale. On en trouvera la liste à Arch. PPo. B a/1660. Deux faits d’une autre nature lui valurent six et huit mois de prison : 28 janvier 1918 et 15 juin 1921. Il s’agit d’affaires de mœurs. La première entraîna la publication par ses amis d’une brochure parue en 1919 : Une infamie, Les dessous d’une odieuse machination. L’affaire Sébastien Faure. S. Faure s’expliqua sur la seconde dans un article du Libertaire du 23 septembre 1921 intitulé « Je sors du tombeau » (pour avoir connaissance des faits, on pourra se reporter au dossier d’archives PPo B a/1704). Après sa libération, Sébastien Faure alla demeurer, 10, rue Pierre-Nys, sous le nom de Simon Faber. Il y resta deux ans. Jeanne Humbert*, qui a bien connu Sébastien Faure et lui a consacré plusieurs études, écrit dans l’ouvrage cité aux sources : « J’avoue sincèrement que les accusations, à plusieurs reprises, dont mon cher vieil ami fut l’objet, et les dénégations motivées qu’il y opposa me laissèrent perplexe » . Elle ajoute : « Qu’y a-t-il de si grave là-dedans ? ».
On ne pouvait passer ces incidents sous silence.

Réfugié à Royan en 1940, Sébastien Faure y vécut deux années malheureuses, loin de ses amis, « vieilli, hors d’usage, fini », comme il l’écrivait à Eugène Humbert le 31 janvier 1941. En 1942, il envisageait de regagner Paris, mais sa santé précaire le contraignit à demeurer. On connaît son état d’esprit par la publication d’un certain nombre de ses lettres (cf. La Fin douloureuse de Sébastien Faure, Paris, 1957, 160 p., introduction de P. Lentente et A. Lapeyre). Il aurait laissé ses « dernières pensées », le manuscrit de deux livres écrits pour les jeunes. C’est du moins ce qu’il avait annoncé à ses amis, mais ceux-ci ne les trouvèrent point lorsqu’ils se présentèrent et les demandèrent à sa femme — voir l’introduction au volume cité ci-dessus.

P.-S.

source : http://www.ephemanar.net/janvier06.html

Sébastien Faure : photo anthropométrique en 1894

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  • La notice Maitron reproduite ici, rédigée à l’époque par Jean Maitron, a été complétée depuis de deux manières. La première ajoute quelques informations sur les faits qui lui ont été reprochés, sans modifier outre mesure le texte : https://maitron.fr/spip.php?article24659.
    La seconde, remaniée de façon importante par Guillaume Davranche, affronte encore plus directement les actes pédophiles de Sébastien Faure : https://maitron.fr/spip.php?article154431.
    Le rôle important de Sébastien Faure dans le mouvement anarchiste ne justifie aucune damnatio memoriae. Il semble cependant inopportun de passer sous silence des faits qui permettent d’analyser le personnage, « justice bourgeoise » ou non.

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