Le confinement, j’ai pris ça au sérieux. Faut dire que c’était plutôt facile pour moi. Un toit et 50 m2 en dessous, pas d’enfants à nourrir et à occuper, du chômage partiel, du temps et bien sûr l’immunité de naissance : je suis blanche. Pas de contrôle en près de deux mois.
Mais j’ai pas mal ruminé le mépris constant du gouvernement : du « on ne cèdera sur rien » au #restezchezvous deux jours plus tard, les déclarations grotesques sur l’inutilité de porter des masques (parce qu’il n’y en a même pas assez pour les travailleuses obligées de bosser). Celle qu’on nomme indiscipline irresponsable en Seine-Saint-Denis devient désir irrépressible de prendre le soleil passé le périf’, à Paris, en bord de Seine. La santé pour tous, "quoi qu’il en coûte", se transforme en heures supplémentaires, congés en moins, pour le personnel soignant et la plupart des salariés. Et le discours guerrier ridicule d’un gouvernement qui renforce notre vulnérabilité face au virus en cassant méthodiquement les services de santé publics.
J’avais hâte de partager ma colère, de hurler que le virus révèle l’inefficacité et la violence du modèle libéral (y’a qu’à voir le nombre de morts et les situations de précarité et d’inégalités extrêmes au Royaume-Uni et aux Etats-Unis).
Alors je suis sortie de chez moi, le 11 mai, ramollie mais remontée pour retrouver d’autres énervées. On s’est fait arrêter. Une dizaine de personnes. Les policiers nous annoncent un simple contrôle d’identité. En réalité, on repart avec une amende de classe 4, 135 euros, pour regroupement de plus de 50 personnes.
Pourtant ce jour-là, sur la place, on était par petits groupes, on était masquées, on était surtout plus à distance les unes des autres que tous les jours dans les transports en commun, sur une chaine de production, dans une salle de classe, dans un open-space ou dans un super-marché.
Tout ce qui n’est pas obligatoire (travailler, aller à l’école, consommer) semble interdit. Les espaces où l’on peut s’exprimer sont supprimés, les manifestations interdites. J’ai été verbalisée ainsi qu’une dizaine de personnes le 11 mai, d’autres l’ont été le 1er mai [1], d’autres le 16 mai, et nous le serons encore.
Pendant le confinement, des collectifs ont su s’organiser pour répondre à l’isolement par la solidarité et à l’autoritarisme par l’autogestion. C’est le cas, par endroits, à Sainté. Mais comme beaucoup, aujourd’hui, je me sens inutile et dépassée. J’ai besoin de trouver de la force auprès d’autres, d’inventer collectivement des moyens d’agir pour refuser ce qui arrive et qui n’est pas nouveau – l’individualisation des problèmes comme des solutions, l’austérité, la poursuite de la casse des services, du mépris, et de la répression – et donc, de multiplier les rassemblements dans tous les espaces qui pourront s’y prêter.
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