[ Cet article est écrit par des militant-es anarchistes, prenant part au mouvement écologiste depuis plusieurs années. ]
Le 29 octobre dernier à Sainte-Soline était une grande première pour le mouvement écologiste de ces dernières années. Pour s’opposer à la construction de méga-bassines dans la région (rétention d’eau au profit de l’agriculture industrielle), trois cortèges ont convergé en direction de l’un des chantiers en cours. Outre le fait que ces manifestations ont rassemblé des mouvements écologistes très divers (partis, syndicats, organisations citoyennistes, mouvement autonome, antifascistes…), on a observé de manière exceptionnelle [1] un ralliement autour des pratiques offensives de sabotage et de black blocs [2] organisés. De chaque côté du cortège central, prévu pour être pacifiste et familial, se sont déployés deux autres cortèges avec black blocs utilisant projectiles et pyrotechniques pour déborder les forces de l’ordre en présence. Cette diversité des tactiques a permis qu’une partie du groupe accède à la bassine et envahisse le chantier pourtant bien gardé. La tournure que prennent actuellement les Soulèvements de la Terre [3] (réseau ayant appelé à l’action et l’ayant revendiquée) est donc une réussite d’un point de vue de massification des luttes écolo. C’est la première fois depuis longtemps que les pratiques de sabotage et d’affrontement avec la police mettent autant d’activistes d’accord. Les mouvements plus modérés reconnaissent enfin l’importance d’actions offensives, la diversité des tactiques prend la place du traditionnel débat stérile violence ou non-violence. Et ça... c’est clairement mauvais pour l’État capitaliste, qui veut à tout prix éviter que les désordres rallient de plus en plus de monde.
Après l’attaque des méga-bassines du 29 octobre, une bonne poignée de médias se déchaîne ! On nous dénigre avec force dans Le Point, Paris Match, Marianne, Le Figaro, L’Express, Valeurs Actuelles... Mais pas n’importe comment : l’imaginaire et le vocabulaire de la guérilla, assimilée au terrorisme, nous présente comme des spécialistes de la violence, envahissant le mouvement écolo qui était "sain" jadis, car modéré et pacifiste... Cette diabolisation rappelle les tactiques contre-insurrectionnelles développées par les institutions politiques et militaires depuis la guerre d’indépendance de l’Algérie. On l’appelle la "DGR", pour doctrine de guerre révolutionnaire, et elle désigne toute une boîte à outils pour tuer les révolutions dans l’œuf, en coupant les rebelles du soutien de la population. L’analyse qui va suivre se base donc sur un parallèle entre la rhétorique propagandiste des médias cités plus haut, et la pensée issue de la DGR, encore bien présente à l’esprit de la classe dirigeante française.
Qu’est-ce que la DGR ?
Le credo de la guérilla révolutionnaire est « le·la guérillero·a doit se fondre dans la population comme un poisson dans l’eau ». Cette idée, avancée par Mao Zedong, se retrouve ensuite dans les grandes étapes de la DGR, qui dit combattre la guérilla par la guérilla. Première étape : filtrer l’eau, en coupant les rebelles de leurs soutiens civils. Cela comprend des mesures de contre-propagande fortes sur la population, ainsi que des mesures de surveillance, de fichage, de contrôle. L’objectif : trier les personnes « saines » des personnes « contaminées » par l’idéologie révolutionnaire. Deuxième étape : contaminer l’eau, en infiltrant les réseaux révolutionnaires, en incitant à la dénonciation, en ramenant les zones de non-droit sous la bonne « protection » de l’État. Puis, dernière étape : vider l’eau sale. Réprimer violemment tous les éléments perturbateurs qui refusent encore de se soumettre, démanteler leur réseau, les juger, les emprisonner, les supprimer. Voilà les grandes étapes d’une doctrine qui était officiellement celle de l’armée française lors de la guerre en Algérie.
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