Quels sont les chiffres de la « fraude aux prestations sociales » dans la Loire ?
Selon les chiffres transmis à la presse [1], environ 600 cas sont détectés par an dans la Loire et les prestations indûment versées s’élèvent à 3,8 millions d’euros – dont deux millions au titre du RSA (Revenu de solidarité active). Cette somme représente 0,44 % de l’ensemble des prestations versées – bien loin de la pratique massive dénoncée par certains responsables. D’autant que dans cet ensemble, on retrouve des cas de figure très divers. Certains résultent de simples retards de déclaration ou d’une méconnaissance des règles. Prenons un exemple : un.e jeune bénéficiant du RSA reçoit également un virement de ses parents pour l’aider financièrement mais, en toute bonne foi, ne le déclare pas ; la CAF est susceptible de considérer que cette aide constitue une pension alimentaire et qu’il y a donc fraude [2].
Une somme très largement inférieure à celle non versée en raison du non-recours aux droits
Le montant des prestations sociales indûment versées est par ailleurs à mettre en regard aux prestations non versées en raison du non-recours. Le « non-recours » renvoie à toute personne éligible à une prestation sociale (financière, qui ne la perçoit pas. Il trouve sa source dans un retard d’inscription ou de versement, un défaut d’information sur les droits, le découragement face à la lourdeur des procédures, etc.
Quelques chiffres sur le non-recours aux droits [3]
« À 70 ans, 24 % des assurés bénéficient d’une partie seulement des pensions auxquelles ils ont droit. »
« En 2017, près d’un quart des allocataires [du chômage] n’étaient toujours pas accompagnés au bout de 6 mois, et 12% au bout d’un an. »
« 30% des personnes qui pourraient recourir à la CMU-C et disposer ainsi d’une couverture santé complète sans frais n’y recourent pas. »
Selon les chiffres du ministère du Travail, en 2010, une personne sur deux ayant droit au RSA ne faisait pas valoir ses droits.
Et les « économies » ainsi réalisées sont sans commune mesure par rapport aux dépenses causées par le versement indu d’allocations ou autres. En 2010, à l’échelle nationale, la non dépense liée au non-recours pour le RSA s’élevait à 5,2 milliards d’euros [4]. En ce qui concerne les prestations familiales et de logement, elle était estimée en 2002 à 4,7 milliards d’euros. On est bien au-delà de la somme imputée à la « fraude aux prestations sociales » qui représentait en 2015 677,7 millions d’euros [5] !
Un montant dérisoire par rapport à la fraude… des entreprises et des plus riches
Alors que l’abus de prestations sociales est un sujet récurrent dans le débat public, la fraude des entreprises et des plus aisés via l’évasion fiscale est très marginalement évoquée et les moyens qui sont consacrés pour la contrecarrer bien inférieurs. Or, en 2014, la fraude aux cotisations sociales par les entreprises était estimée par la Cour des Comptes aux environs de 20 milliards par an [6]. Quant à la fraude à l’impôt sur le revenu via l’évasion fiscale, elle était estimée en 2012 entre 15 et 19 milliards [7].
Dès lors, qui doit cesser de « nous rire au nez impunément » ? Les personnes qui ont perçu à tort des prestations sociales ? Ou les riches qui ont recours à la fraude fiscale et les entreprises qui fraudent aux cotisations sociales pour des montants respectivement 25 et 30 fois supérieurs ? Ou encore ces responsables politiques qui, plutôt que faciliter le recours aux droits et combattre l’évasion fiscale, préfèrent pointer du doigt les « profiteurs » des prestations et attiser la rancœur contre le système social ? Alors, oui, prenons au mot Georges Ziegler : « Certaines personnes se moquent des règles de notre société. Il est normal de les punir. Ce n’est que justice. »
Légende de la photo : David Charmatz, procureur de la République du parquet de Saint-Étienne ; Marie-Pierre Bruschet, directrice de la CAF de la Loire ; Georges Ziegler, président du Conseil départemental ; Laurent Perraut, directeur adjoint de la DDSP de la Loire ; Romain Pascal, directeur du groupement de Gendarmerie nationale de la Loire.
Compléments d'info à l'article