Le contexte
En novembre 1999, à Seattle (USA) le sommet de l’Organisation mondiale du commerce est annoncé comme « historique ». Il doit sceller la puissance du capitalisme sur l’URSS tombée quelques années plus tôt. Mais le sommet officiel est très largement perturbé par des manifestant·e·s varié·e·s mais offensifs. C’est le début d’une nouvelle séquence de lutte qu’on appellera plus tard altermondialiste. Hétérogènes, ces manifestant·e·s s’opposent à l’ultralibéralisme, au changement climatique, à la spéculation financière et à la dette des pays émergents, et pour certains au capitalisme tout simplement. Un slogan relativement partagé de l’époque est « un autre monde est possible ».
En Europe, quelques contre-sommets significatifs sont organisés comme celui de Prague en septembre 2000 contre le Fonds monétaire international. Un mois avant Gênes, lors d’un sommet de l’Union européenne à Göteborg en Suède, un policier tire sur un manifestant et le blesse gravement. Le contre-sommet de Gênes arrive donc dans un contexte de montée en puissance de la contestation des règles du jeu des puissants. C’est tout à la fois une critique écologique, économique et politique des institutions qui (dé)régulent et gèrent le monde. Pour saisir aussi l’ambiance de l’époque il est alors globalement admis que les tactiques différentes de manifestations pouvaient « cohabiter » (non sans d’interminables polémiques stériles sur la violence et la non-violence) dans les mêmes rassemblements internationaux, à condition d’annoncer la couleur avant : « black », « pink », « rouge », « vert », etc.
Grâce à l’internet naissant, les groupes peuvent se coordonner comme jamais jusqu’ici.
Le contre-sommet de Gênes arrive aussi dans un contexte national particulier. En Italie, la répression contre les militants de la gauche radicale n’est pas encore un lointain souvenir et les années sanglantes du long Mai rampant ne se sont pas totalement estompées [1].
Quelques mois avant le G8, Berlusconi arrive pour la première fois au pouvoir avec une coalition regroupant aussi de petits partis fascistes. Le sommet de Gênes semble être le parfait terrain pour un affrontement entre la gauche radicale italienne et la droite extrême de Berlusconi.
Dans les semaines qui précèdent le sommet, la tension monte en Italie et à Gênes en particulier. Plus les jours se rapprochent et plus l’occupation policière s’intensifie au point de mécontenter grandement les habitant·e·s. Les accords de Schengen sur la libre circulation des personnes en Europe sont levés. Les gares de Gênes sont fermées. Une zone rouge est dessinée dans les rues de la ville et matérialisée par une grille métallique de plusieurs mètres de hauteur. Cette zone est réservée au sommet officiel et aux résidant·e·s. Une grande zone jaune qui prend la moitié de la ville est interdite de toute manifestation.
Quelques jours avant le sommet, des colis piégés explosent dans des casernes. Des perquisitions se multiplient et les flics fouillent et menacent les personnes qui semblent être altermondialistes. L’État italien fait savoir par la presse qu’il a commandé 200 sacs mortuaires qui sont stockés dans une morgue de la ville… La veille de l’ouverture du Genoa Social Forum [2], la tension est grande.
Le contre sommet de Gênes
Le 19 juillet se déroule une manifestation unitaire de plusieurs milliers d’altermondialistes en soutien aux migrant·e·s. La consigne de ne pas faire déborder cette manifestation en raison de la présence de nombreux sans-papiers est respectée. De gros sound systems sont dans les rues sur le mode Reclame the street [3]. L’ambiance est festive, sans trop de présence policière. Des conteneurs ont été installés en travers de certaines rues pour compléter la grille de la zone rouge. La manif est un succès.
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