Actualité et mémoire des luttes à Saint-Étienne et ailleurs
ANALYSES ET RÉFLEXIONS ARMEMENT - MILITARISATION
SAINT-ÉTIENNE / INFOS GLOBALES / FRANCE  
Publié le 3 janvier 2025

Revue de presse antimilitariste #6 (début 2025)


Les etres ont cedé, perdu la bagarre,
les choses ont gagné, c’est leur territoire

JJ Goldman

Passées les gueules de bois rituelles consacrées à fêter la hausse du prix des timbres remettons-nous tranquillement dans les actualités du monde tel qu’il va. Des missiles, des avions, des gros sous, des écoles d’ingenieurs, le monde regorge d’outils toujours plus innovants pour jouer à la guerre. Ce jeu morbide dans lequel les peuples sont toujours perdants et où les Etats sont systématiquement vainqueurs par chaos.

Coup d’éclat à l’Optique Graduate School !

Le vendredi 13 décembre 2024, une ingénieure déchire son diplome en pleine cérémonie. Elle explique son geste par la participation de son école à l’industrie de l’armement mais aussi plus largement par le rôle de la recherche scientifique dans l’armement du monde.
Son billet sur Mediapart est éloquent.
La recherche scientifique sert l’industrie de l’armement : voilà pourquoi je déchire mon diplôme

Cet acte courageux est d’autant plus interessant pour nous parce qu’ici, à Sainté, on a le Pole Optique et Vision qui est directement lié à l’Optique Graduate School.
Un exemple qui illustre parfaitement la dynamique générale.
Un étudiant de l’OGS qui, lui, n’a pas déchiré son diplome est venu faire sa thèse à l’Institut d’Optique de Sainté, au laboratoire Hubert Curien, avec comme financeurs la Direction Generale de l’Armement et Thales Optronics.
Sa thèse :

Conception et réalisation de caméras plénoptiques pour l’apport d’une vision 3D à un imageur infrarouge mono plan focal

On y voit de sympathiques avions militaires de reconnaissance Airbus, Atlantic 2 par exemple, ornés de caméras.

Cet exemple est loin d’être le seul, ces labos regorgent de financements de la part de l’Armée et de boites mortifères !

On s’attend donc à ce que l’appel de cette etudiante « arretons d’être le problème », fasse un gros echo chez les etudiant.es de Sainté et qu’une épidémie de desertion se répande dans les labos et universités stéphanoises. Chouette, on va ouvrir plein de parcelles maraichères ! A commencer pourquoi pas, par l’horrible pelouse d’Eden.

Même si la presse bourgeoise n’en parle pas, l’initiative individuelle de cette étudiante est loin d’être isolée et d’autres, plus collectives essaient de se faire entendre. C’est le cas à Grenoble, où des étudiant.es et personnels écrivent une lettre à la présidence de l’Université Grenoble Alpes pour exiger plus de transparence vis-à-vis des financements industriels et l’arret des collaborations avec des entreprises mortifères, impliquées dans des guerres.

Dans la même veine, il y a aussi l’initiative acadamia « on veut voir les contrats ».
Acadamia milite pour la transparence et pour l’accès aux informations et documents administratifs permettant de comprendre le fonctionnement des secteurs de la culture, de l’enseignement supérieur et de la recherche et des institutions qui les composent.

Et à Sainté ?

Autant de sources d’inspiration pour des mobilisations stéphanoises contre le militarisme, l’armement, les guerres et les génocides.
Quelques rappels :
- le Délégué Général de la fondation UJM est un ex-directeur des opérations au sein de l’Etat major des Armées en Afrique et au Liban.
- la Cité du Design a accueilli le 26 janvier dernier 140 industriels de l’armement pour une conférence intitulée :« Economie de guerre, base industrielle et technologique de défense et esprit de défense »
- le Pole Optique et Vision a été crée par Thales, son laboratoire le laboratoire Hubert Curien est directement impliqué dans des thèses pour Thales, Safran, Airbus, la DGA, le CEA.
- L’Ecole des Mines beneficie, via la fondation Mines Telecom, des subsides de gros vendeurs d’armes ou de puces à double usage francais (MBDA, Airbus, Dassault, ST Micro electronics)
- La région stéphanoise ne manque pas de marchands de canons (Verney-Carron, Safran, Thales, HEF Groupe, Nexter-KNDS, le Banc National d’Epreuves, Rivolier...)

Que l’on choisisse de déserter ou d’y rester pour lutter, cela fait autant de points d’accroche à la critique antimilitariste.

Une conférence à l’école d’architecture

Pour commencer on note cette conférence, le 9 janvier 2025, à l’Ecole d’architecture de Sainté :

L’Architecture, une arme coloniale en Palestine : conférence de Léopold Lambert reprogrammée suite à la censure

Les interdits c’est aussi bien que l’anarchie
sujet du bac philo proposé par Eddy Mitchell

La Finlande bientot minée

Si Eddy Mitchell aime bien les interdits pour les contourner, la Finlande, elle, décide de les supprimer.
On avait déjà parlé de la Lituanie qui a ré-autorisé l’usage des bombes à sous-munitions. C’est au tour de la Finlande et peut-etre de l’Estonie de faire du retournage de veste au sujet cette fois, des mines antipersonnel. Les personnes de plus de 30 ans se souviennent des images terribles d’enfants estropiés par les mines antipersonnel disséminées dans toute l’Europe de l’Est. Alors que les pays signataires de la convention d’Ottawa s’engageaient à détruire leurs stocks, les nationalistes et cathos finlandais ont lancé une initiative citoyenne pour réclamer le retour de ces engins diaboliques. Au Parlement, seuls deux partis s’opposent à cette initiative, on leur répond, comme d’habitude que leur usage a toujours été « strictement controlé » et qu’elles seront destinées à un usage « purement défensif », ben voyons !

Économie

Le Monde nous apprend que, sans surprise, « l’industrie des armes continue de prospérer sur les crises » :

« Où qu’on tourne son regard, on trouve peu de régions du monde épargnées par une guerre ouverte, un conflit gelé ou des tensions inquiétantes. La production d’armement ne s’en est jamais aussi bien portée depuis la guerre froide. »

 

En 2023, le chiffre d’affaires des 100 premiers groupes de défense aurait progressé de 4,2 %, nous apprend le journal, pour atteindre 632 milliards de dollars (environ 600 milliards d’euros). Si on compare à 2015, la tendance à la hausse serait de 19 %. Une partie de ces milliards, « difficile à comptabiliser » aurait été (selon un rapport récent de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, Sipri) consacrée à « la modernisation des forces nucléaires ».

Mais le marché de l’armement reste concurrentiel, et ce sont encore les États-Unis, ces salauds, qui tirent le mieux leur épingle de ce jeu.

« À elles seules, 41 sociétés établies aux Etats-Unis ont totalisé la moitié de l’activité (317 milliards de dollars). Cinq d’entre elles caracolent en tête du classement avec un total de 194 milliards de dollars : Lockheed Martin, RTX, Northrop Grumman, Boeing et General Dynamics. »

Aye aye aye, « Armement : l’industrie européenne à la traîne du reste du monde », titre donc le Figaro, qui déplore que les ventes des 27 industriels européens de l’armement n’ont progressé que de 0,2 % pendant la même période. C’est une honte, pire, une « quasi-stagnation » !

Et au Monde de détailler :

« Les 27 groupes européens retenus affichent 133 milliards de dollars de chiffre d’affaires[...]. Avec deux poids lourds : le Royaume-Uni (47,7 milliards), tiré par BAE Systems, sixième producteur mondial ; et la France (25,5 milliards) avec ses cinq entreprises (le commissariat à l’énergie atomique, Dassault Aviation, Naval Group, Safran, Thales). […] Suivent l’Italie (15,2 milliards) et l’Allemagne (10,5 milliards) en pleine relance avec les canons, les chars Leopard 2 et les munitions de Rheinmetall. Quant aux « transeuropéens » Airbus, MBDA (missilier) et KNDS (canons, blindés), ils ont produit pour 21 milliards de dollars (− 1,5 %). »

Apparemment, toujours selon Le Monde, « Le recul des Tricolores de 8,5 % par rapport à 2022 tient au fait que cette année-là avait été dopée par la commande de 92 Rafale. » Et maintenant que tous les acheteurs les ont déjà acheté, on ne sait plus à qui vendre. Et merde !

On a du mal à le croire, mais l’industrie française de la mort … flippe de mourir ! C’est en tout cas ce que nous apprend, sur le portail IE (intelligence économique), l’article « L’industrie de la défense au risque du darwinisme économique ». Il retrace une « rencontre informelle » organisée le 18 mai (ça date) par l’Institut Choiseul sur le thème de « La révolution des industries de Défense ». Ce raout réunissant « industriels, chercheurs ou représentants de l’État » a dressé « un panorama peu réjouissant ». À l’horizon 2020-2030, l’industrie de l’armement française rentrerait en crise qui pourrait pour elle s’avérer « mortelle » selon les plus pessimistes. En cause : le décalage entre l’offre (« de plus en plus pléthorique ») et la demande globale (« réduite », puisque les pays émergents auront d’ici là acheté tout ce qu’ils peuvent, rattrapant leur retard en termes d’équipement). Les budgets de la défense risquent de baisser « sans surprise stratégique majeure » (traduction : guerre mondiale ?), à cause de « l’équilibrage » avec les « dépenses en matière sociale » (tu savais qu’être au RSA, c’était lutter contre la guerre ?). Quant à l’offre, le marché sera encore plus concurrentiel qu’aujourd’hui, puisque les pays émergents ne font pas qu’acheter, ils « bâtissent [aussi] des secteurs industriels compétitifs ».

S’ils peuvent sans doute se réjouir d’une perspective de « surprise stratégique majeure » de type escalade des guerres (presque mondiales) en cours, nos experts concluent surtout sur le besoin pour l’État de se doter d’une stratégie digne de ce nom dans le domaine. C’est, disent-ils, plus simple qu’ailleurs dans ce « secteur régalien », même si cela pourrait rentrer « en contradiction avec certaines habitudes. La survie de certains est pourtant à ce prix : être en rupture avec les systèmes de pensée et d’agir actuels ». Voilà, si des industriels font leur beurre sur la vente d’engins de mort, c’est simplement pour leur survie. On n’est pas loin d’un « légitime défense » !
La conclusion de nos experts : « Avoir une stratégie ou mourir »

S’il y a des atermoiements qui réclament plus de moyens et d’attentions gouvernementales, il n’empeche que plusieurs boites s’en sortent manifestement très bien.

Coincidence morbide

Le lundi 25 novembre 2024, le Progres publie un article sur l’entreprise Rivolier intitulé : Gilets, chausures, armes ... Rivolier équipe les forces de l’ordre et l’armée.
L’entreprise de Saint-Just-Saint-Rambert se porte très bien puisqu’elle vient de racheter MD Tech, une petite entreprise d’Andrézieux Bouthéon spécialisée dans le materiel utilisé par la police scientifique. MD Tech rejoint donc la division Sécurité-Défense de Rivolier, qui pèse pour 40% de son chiffre d’affaires.

Le lendemain, un policier municipal de Saint-Étienne tue un homme en pleine rue. L’article de la veille rapellait d’ailleurs que Rivolier revendique 60% du marché des policiers municipaux, dont Saint-Étienne pour qui le dernier appel d’offre dépassait le million d’euros.
Un argument de vente de Rivolier : « pour amateurs de petit et gros gibier ».

Quelques brèves

Ca plane pour Airbus

Le ministère des Armées prévoit de notifier à Airbus, d’ici fin 2024, un contrat de levée de risques pour le programme d’avions de patrouille maritime (Patmar). Ce programme vise à remplacer les 18 Atlantique 2 de la Marine nationale après 2030. Airbus propose une version militarisée de l’A321XLR, l’A321PMA, sélectionnée par le ministère pour ses capacités d’emport supérieures, malgré la concurrence du Falcon 10X de Dassault Aviation. La Marine nationale envisage de commander plus de dix appareils, avec une mise en service de trois exemplaires prévue à l’horizon 2035.

Ca roule pour Michelin

Environ 40 millions d’euros de pneus de la marque française ont été vendus à Moscou depuis la mise en place de l’embargo après l’invasion de l’Ukraine en 2022, selon une analyse du renseignement ukrainien obtenue par Mediapart. Michelin dément tout lien commercial avec la Russie.

Les marchands de canons français s’installent en Ukraine

Le GICAT a inauguré un bureau à Kiev le 11 décembre 2024, renforçant son engagement envers l’Ukraine. Ce bureau facilitera les partenariats franco-ukrainiens, soutiendra les entreprises françaises et contribuera à la reconstruction. Un accord signé avec FEU Defence marque cette collaboration, soutenue par les autorités françaises et ukrainiennes.

Ne laissons pas les choses gagner, ne collaborons pas avec les vendeurs de mort !

Vive la vie ! Vive l’anarchie !


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