La vie a repris son cours, quasi normalement partout, sauf en prison.
A la Talau, les parloirs se déroulent toujours derrière des vitres, dans des conditions tellement frustrantes que certains ont décidé de s’en passer jusqu’à ce que des parloirs dignes de ce nom soient rétablis.
On nous interdit de nous toucher, au prétexte que nous pourrions « ramener le covid en prison ». Pourtant les détenus, après le parloir ou la promenade, peuvent être touchés par les surveillants lors des fouilles ou des palpations, qui ont repris. Les détenus, dans les activités ou en atelier, ne sont pas séparés des intervenants ou des surveillants par une vitre ; un simple masque suffit. Et en cours de promenade, il n’y a tout simplement pas de masque.
Les surveillants, qui sont les plus en contact avec les détenus, ne portent pas systématiquement de masque, et ils rentrent en famille, touchent leurs proches… tous les soirs. Ils vont dans les supermarchés, leurs enfants vont à l’école… ils peuvent même aller à la piscine !
Eux ne risquent pas de donner le covid aux détenus, mais nous si ?
Les parloirs sous vitres, dans lesquels il faut crier pour s’entendre, ne sont autorisés que pour un adulte et un enfant à la fois. Les personnes qui emmenaient plusieurs enfants car elles ne pouvaient pas faire autrement, ne peuvent plus venir. Un enfant doit retourner à l’école, mais n’a pas pu embrasser son parent depuis 3 mois… il doit se contenter de le regarder derrière une vitre, comme au zoo...
Les enfants qui étaient accompagnés par le relai parents enfants ne peuvent plus venir, car la maison d’accueil des familles est toujours fermée.
Les visites ont repris normalement dans les EHPAD alors que les personnes âgées sont signalées comme personnes à risques. Le gouvernement et les directions ont reconnu que l’isolement prolongé, la privation des proches, le manque d’affection... génèrent des troubles et de la souffrance. Cela ne peut plus continuer, et ils ont rétabli les contacts entre les personnes avec un masque, mais sans vitre. Le personnel sait bien qu’une personne malade n’irait évidemment pas contaminer ses proches et s’abstiendra de visite.
Pourquoi ce qui vaut pour les personnes âgées ne vaut pas pour les détenus ?
Les privations ne s’arrêtent pas là :
- Les détenus dont les proches n’ont pas de permis de visite ne peuvent pas recevoir de linge. Ce n’était pas le cas avant le confinement, on pouvait leur amener un sac de linge par semaine, permis de visite ou pas. Un détenu sans permis de visite aurait-il plus de risque d’attraper le covid qu’un autre ?
- Des détenus sont donc sans affaires personnelles depuis le 17 mars.
- Les détenus qui ont une permission doivent être isolés à leur retour pendant 14 jours, ce qui peut décourager certains. Pourquoi le contact avec le monde extérieur requiert un isolement de 14 jours pour un détenu, alors que le personnel de la maison d’arrêt va et vient tous les jours ?
Les détenus sont considérés comme une population à risque parce que les conditions d’incarcération ne permettent pas de prévenir une épidémie. Il y aurait pourtant d’autres solutions :
- Garantir l’encellulement individuel (prévu par la loi depuis 1875) en permettant aux détenus qui ont droit à des aménagements de peine d’y accéder réellement, pour ne plus avoir de surpopulation en prison.
- Mettre en place des conditions d’hygiène dignes de ce nom, nettoyer et désinfecter quotidiennement les locaux, permettre aux détenus de prendre une douche par jour, leur donner accès à du gel hydroalcoolique, donner des masques aux détenus puisque la mairie et la région en ont distribué à tous les habitants, utiliser prioritairement le budget des travaux prévus en détention pour installer des douches en cellules avant de penser aux murs d’enceintes...
… mais ça n’intéresse pas l’administration pénitentiaire, qui préfère continuer à nous priver de nos liens familiaux, depuis plus de trois mois.
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