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Publié le 24 juin 2005 | Maj le 25 mai 2020 | 1 complément

DES FOUS SOUS LES VERROUS : Justice pénale, le troisième choix, Dix ans après


En France, avant 1994, l’article 64 du code pénal, offrait deux possibilités :
- l‘accusé était jugé « irresponsable » de ses actes, il était soigné, il allait en hôpital psychiatrique.
- l‘accusé était jugé « responsable » de ses actes, il était puni, il allait en prison.

Depuis 1994, les experts psychiatres ont un troisième choix : « la responsabilité limitée » qui crée un flou où l’on peut être fou mais pas totalement. Ce puits sans fond, dans lequel les experts poussent presque tous les psychotiques criminels : les déclarations d’irresponsabilité pénale ont baissé de 100% ! 10% en 1980 de criminels jugés irresponsables, 0.1% en 2000 !

Et ce n’est pas parce que la France serait plus saine mentalement ! La population carcérale est 5 fois plus psychotique qu’avant ! 10% des entrants en prison présentent une psychose (schizophrène, maniaco-dépressif, paranoïaque, etc.) et 50% des détenus développeront un trouble psychiatrique au cours de leur incarcération. (chiffres cités par un médecin responsable de SMPR [1]).
Quand la peine est purgée, il est fréquent qu’ils sortent sans suivi obligatoire ! L’Etat s’est engagé à ouvrir 19 unités recevant les fous à leur sortie de prison et enfin les soigner.

Pourquoi ce passage inutile et aggravant par la prison ? Puisque, chiffres à l’appui, la prison augmente la dangerosité des malades incarcérés, fabrique des psychotiques ?

Pourquoi, comment des experts psychiatres peuvent-ils décider de mettre les fous sous les verrous ?

La question à laquelle les experts doivent répondre est : « l’accusé était-il conscient au moment des faits ? » Le psychiatre doit décider si la pathologie est corrélée aux faits reprochés.

Exemple, le cas de Roger : connu pour se prendre pour un prophète, viole un enfant : il sera déclaré responsable avec le discernement altéré (ira donc en prison) car pour être jugé irresponsable la victime doit être inclue dans l’histoire délirante du sujet...
Témoignage d’un autre schizophrène : « au moment du crime, je savais ce que je faisais mais... qu’à moitié » lui aussi ira en prison, vingt ans.

Trois raisons de la pénalisation des maladies mentales :

- 1) l’irresponsabilité entraîne un non lieu qui ne satisfait pas la victime ou sa famille. Elle se sent méprisée, l’affaire est clause. Ceci crée une frustration chez les victimes. Ces dernières veulent savoir le pourquoi du crime pour le comprendre.
- 2) certains experts psychiatres hospitaliers préfèrent responsabiliser les fous plutôt que d’avoir à les garder dans leurs services. L’hôpital a de moins en moins les moyens de soigner (50000 lits fermés, en France en 10 ans !).
- 3) La société exige plus de sécurité car dans l’immédiat, l’enfermement protège de la récidive mais ça reste un leurre car ces individus sortiront un jour.
Avec ce raisonnement, j’ai peur que, le nombre de « perpet’ » augmente, puis que cette augmentation soit un argument pour rétablir la peine de mort.

C’est fou !

Depuis le droit romain les fous n’étaient pas punis, ils n’étaient pas jugés. En France, depuis 1994, l’altération des facultés mentales est insuffisante pour déclarer l’irresponsabilité pénale. L’acte (le crime) explique la schizophrénie, et ben non ?! à ce moment ultime, il était conscient ???!!! Il y a pourtant une différence entre être conscient et être responsable de ses actes. On marche sur la tête : la France ferme ses hôpitaux et construit des prisons ! Alors que c’est l’inverse qu’il faudrait faire... c’est fou !

Notes

[1Service Médico-Psychologique Régional qui suit les psychotiques incarcérés dangereux, il n’en existe que 26 pour 180 prisons.


Proposé par verbar
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  • Bonjour,
    Suite à la lecture de votre article, je me permets de vous adresser une présentation de mon dernier livre "psychiatrie : hôpital, prison, rue"

    Présentation du livre :
    « PSYCHIATRIE : HÔPITAL, PRISON, RUE …Malades mentaux, la double peine. »

    Dominique Sanlaville, infirmier, vient de publier son troisième ouvrage : « Psychiatrie : hôpital, prison, rue …Malades mentaux, la double peine ». Il y retrace quarante ans d’évolution de la psychiatrie, et l’impact de décisions politico-économiques souvent désastreuses pour les malades psychiques.

    Durant mes quarante années de travail en tant qu’infirmier, j’ai suivi et subi le désengagement de la psychiatrie et ses lourdes conséquences.
    Pour servir des objectifs purement gestionnaires, on a sacrifié les conditions de vie des malades, allant même parfois jusqu’à nier leur humanité. Ils sont devenus des coupables. De la part de soignants, une telle attitude pose question, mais quand on essaye d’en découvrir les tenants et les aboutissants, on réalise qu’elle révèle aussi, inévitablement, quelque chose de notre société.
    Dans mon dernier ouvrage, « Psychiatrie : hôpital, prison, rue… Malades mentaux, la double peine », j’ai essayé d’envisager le problème d’un point de vue médical, juridique et aussi social en parlant de cette peur qui, depuis très longtemps, semble intimement liée à la folie. Ce travail est le fruit de mon expérience et surtout de celles des patients qui, au fil des années, m’ont beaucoup appris sur eux, sur leurs pathologies et sur leur vie aussi bien à l’hôpital, en prison que dans la rue. Ainsi le texte s’accompagne de cas concrets qui parviendront, je l’espère, à susciter chez le lecteur l’émotion et la réflexion.

    Malade et exclus
    Dans l’imaginaire de chacun, la folie fait peur. Rares sont les époques dans l’Histoire qui l’ont tolérée. Ainsi, diverses pratiques d’enfermement et de ségrégation sont apparues, au cours des siècles, pour s’assurer de mettre à l’écart tous les gens qui, par déraison, semblaient capables de nuire.
    Les hôpitaux psychiatriques, tout comme les prisons, sont des endroits cachés de non-démocratie, des lieux de privation de liberté physique et psychique, dont on évite de parler, car ils suscitent effroi et perplexité. Et la maladie psychique est encore, de nos jours, indéniablement génératrice d’exclusion. Le monde médical se retranche derrière des symptômes, des syndromes, des dysfonctionnements neurochimiques pour expliquer les gestes insensés des déséquilibrés et justifier la nécessité de contenir et de traiter. Dans la société civile, on parle de fou dangereux. Et l’être humain disparaît pour n’être plus qu’une anormalité, une monstruosité. La personne devient sa maladie : un schizophrène criminel.

    La marginalisation, un choix politique
    Mais l’exclusion, la discrimination sont aussi une question de budgets et de choix politiques. Quel prix la société est-elle prête à payer pour soigner ses malades mentaux, pour soulager leur souffrance et leur permettre de retrouver une place parmi les gens « normaux » ? Pourquoi faut-il compter sur des associations pour venir en aide aux malades négligés par la collectivité ? Effectivement, les chiffres en témoignent, les pathologies psychiatriques, aujourd’hui ne sont plus suffisamment prises en charge par l’hôpital, elles débordent largement de ses murs et se retrouvent dans ceux de la prison et dans la rue.

    Les malades en prison ou dans la rue
    En psychiatrie, on est passé de 120 000 lits en 1989 à 43 173 en 2000, soit une diminution de 49% en moins de douze ans. (Chiffre de C Prieur, article du monde 2008). Ensuite le nombre est remonté à 55 000 lits en 2018.
    En prison, la population a doublé entre 1975 et 1995, passant d’environ 26 000 à quelque 52 600 détenus, pour atteindre un peu plus de 70 700 individus en juillet 2018. On réalise que 35 à 42% d’entre eux présentent une affection psychiatrique sévère (Fondation Après tout).
    Dans la rue, en dix ans, le nombre de personnes sans abri a été multiplié par deux, et on estime que 32% d’entre elles sont des malades psychotiques qui n’ont pas ou plus aucun suivi régulier. (Enquête du Samu social de 2009).

    Mais pour quelles raisons l’offre de soin s’est-elle réduite à l’hôpital, comment soignait-on avant et comment soigne-t-on aujourd’hui ? Le changement ne semble pas s’être limité à une diminution drastique du nombre de lits, opérée par des gestionnaires soucieux de réaliser des économies ; il a eu lieu aussi dans la tête des soignants, dans leur façon de considérer et de tolérer la folie.
    Maintenant, faute de place, l’hôpital psychiatrique ne gère plus que les crises, il ne soigne plus que dans l’urgence, et on constate malheureusement que, trop souvent, il maltraite, attache et rejette.

    Punir et soigner
    Alors que les lits disparaissaient en psychiatrie, des lois ont dans le même temps modifié le fonctionnement de la justice. Suite à des faits divers instrumentalisés qui ont fait d’eux des criminels, un très grand nombre de malades mentaux reconnus coupables et responsables de leurs actes se sont retrouvés en prison. Et ils tentent de survivre, avec difficulté, dans cet univers carcéral surpeuplé, insalubre et très insécurisant.
    Compte tenu de l’accroissement de leur nombre et des écueils de la cohabitation avec les autres détenus, l’administration a dû ouvrir de nouvelles structures pour les prendre en charge, des « hôpitaux prisons » qui tentent de concilier ces deux exigences que sont punir et soigner.

    De l’errance à la dérive
    Par ailleurs, l’état de santé psychique des sans-abris est catastrophique. Environ 45 000 d’entre eux, victimes à la fois de la crise économique et de l’évolution de la psychiatrie, souffrent de graves troubles psychiques et sont condamnés à rejoindre la grande exclusion. La rue serait-elle devenue un nouvel asile ? Le malade mental, rejeté, a ainsi trouvé sa place parmi les plus pauvres, et l’errance se lie à ses troubles, pour parfois les dissimuler ou les aggraver. Des structures sociales, des associations tentent de venir en aide à ces oubliés de la psychiatrie, mais sans en avoir vraiment les moyens.
    Réalisant que peut-être toutes les précautions nécessaires n’avaient pas été prises pour éviter les risques d’agressions et de passages à l’acte, les autorités sanitaires commencent à mettre en place des prises en charge. Mais sont-elles bien adaptées pour répondre à la demande ? N’est-on pas en train d’essayer de refaire une psychiatrie qui n’existe plus ?

    Hôpital, prison et rue ont donc plusieurs points communs. On y retrouve une population bien particulière, composée de défavorisés et d’exclus, tous bien concernés par la maladie psychique. On est en droit de se demander si les économies réalisées par la suppression des lits en psychiatrie ont été profitables. N’a-t-on pas condamné souvent les malades, les plus marginaux, les plus difficiles et les plus fous à partir à la dérive, sur une nouvelle nef risquant de les entraîner vers un naufrage assuré ?

    Le troisième ouvrage de Dominique Sanlaville, « Psychiatrie : hôpital, prison, rue… Malades mentaux, la double peine », vient de paraître aux éditions Chronique Sociale. Il est également l’auteur de « Tranches de vie en psychiatrie », Edilivre, 2016, et « Retrouver le sens du soin en psychiatre », Chronique Sociale, 2018.

    Dominique Sanlaville
    dominique.sanlaville chez gmail.com
    tel 0762713857

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