J’ai bien apprécié l’analyse concernant l’animalisation et le déni de pensée politique des gens des ’quartiers’, et le résumé de la vision française de ce que doit être la nation, à savoir un bloc monolithique dans lequel la seule culture autorisée à s’exprimer dans la sphère publique est la culture dominante, celle là même qui se prétend le véhicule d’un certain universalisme, et qui sous ce prétexte confond ’intégration’ avec ’assimilation’. Très pertinente également l’analyse de l’origine du racisme de la ’lepénisation des esprits’ située dans la traditionnelle pensée coloniale française.
Cette animalisation et ce déni de pensée politique nous l’avons nous même subit avant que ne le subissent les populations immigrées, et cela déclenche chez moi un très fort sentiment d’empathie. La culture ’officielle’, dominante, pour nous animaliser et nous dénier la capacité à avoir une pensée politique, qualifiait nos langues de ’patois’, terme qui malgré que les ’patoisants’ se le soient approprié et l’aient désamorcé de son sens péjoratif, signifie à l’origine, la langue parlée avec les pattes, la langue des animaux, la langue des sous-hommes donc.
Aujourd’hui rien n’a changé et l’infériorisation légale que nous avons subit et subissons encore en tant que détenteur et acteurs d’une culture rurale, les immigrés la subissent de concert. Evidemment les conséquences sur ces deux types de population ne sont pas les mêmes, lorsque l’une a renoncé (intégrée ET assimilée), et l’autre résiste encore à l’assimilationisme.
En ce qui nous concerne, le renoncement des ruraux à leur culture, qu’ils ont fini évidemment par penser eux-même comme inférieure grâce à l’aboutissement de l’usure assimilationiste, ou dont ils dénient carrément l’existence, a des conséquences profondes, invisibles et puissantes au niveau de la psychologie collective. Je peux constater la puissance de ces effets à chaque fois que nous mettons à la disposition de ces gens dont les parents parlaient une de ces langues de France non-officielle, ou qui eux même l’ont parlée dans leur enfance, des textes, des enregistrements, etc. La réaction est toujours la même, une fois la barrière du tabou franchi, ce sont des réactions affectives très puissantes qui se manifestent, et les personnes sont pour ainsi dire libérées. Libérées de leurs armures de robots-agents-économiques, et retournées à leur état ’de liberté naturelle’ si je puis me permettre d’emprunter cette dénomination aux bouddhistes.
Le film se termine d’ailleurs sur cette interrogation, qui est de savoir si toute cette répression policière ne vise pas à séparer les populations ’utiles’ des populations ’inutiles’. La culture des immigrés ou la culture des ruraux sont considérées comme ’inutiles’ aux yeux de la culture dominante pseudo-universaliste (je considère que le véritable universalisme n’est pas contenu dans un quelconque dogme, mais dans le travail de la terre lui même, homme, humus et humilité ayant d’ailleurs la même racine étymologique). Inutile économiquement, mais en réalité simplement gênants idéologiquement. Lorsqu’on me demande ’à quoi ça sert’ que je parle ’patois’ et que j’agisse pour son maintien, je répond que justement ça ne sert à rien, ou du moins si, ça sert à garder le lien avec l’affectif collectif, à échapper à l’emprise totalitaire de cette logique pseudo-utilitariste de la culture dominante coloniale, et qui autrefois se parait des atours du ’bon colon qui amène la bonne médecine qui apporte la bonne longévité’ pour justifier son processus d’intrusion et d’infériorisation. Ca sert tout simplement à être complet, vivant et non pas dévitalisé et robotisé. Comme le titre Vaneigem, ’l’abolition de la société marchande, pour une société vivante’, passe aussi par le rebranchement à l’affectif collectif véhiculé par nos cultures, que le fachisme jacobin dans son interminable anxiolyse, trouve bon de faire disparaître, tant chez les immigrés que chez les ruraux.
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