Mardi 11 décembre :
7h30 : parvis de Mimard, le proviseur est toujours là ! Face à lui, une bonne bande de mecs, quelques filles échappées de Fauriel et des poubelles renversées.
De l’autre côté de la chaussée, un petit groupe bloque l’accès au parking des profs de Fauriel. Une barrière a remplacé la pancarte de la veille « non à la sélection, oui à l’éducation ».
8h : feu de joie et pétards sur la rue Étienne Mimard obligent les keufs à couper la circulation. Plus que ça, trois voitures banalisées et deux fourgons siglés se placent à une centaine de mètres des lycéen.ne.s.
8h15 : les bleus se positionnent, casques, boucliers, lanceurs de grenades et lanceurs de balles. Le chef, déguisé en maire et orné d’une écharpe tricolore (!), se saisit d’un mégaphone, prêt à lancer la première sommation. Nous pensons alors à Gaël Perdriau, autoproclamé spécialiste du maintien de l’ordre depuis quelques jours. Mais que fait-il à la tête d’un escadron ?!
Le petit groupe d’élèves de Fauriel, composé alors seulement de filles en Première L, semble circonspect face aux flammes, aux explosions de poubelles et aux pétards. Se revendiquant « pacifiques », leur discours pointe du doigt celleux qui brûlent et cassent. Elles nuancent toutefois ce qu’elles semblent considérer comme de la bêtise – « c’est des trous de balle ! » – et avouent qu’hier des gens de Fauriel en lançaient, des pétards… Avant d’annoncer qu’elles sont trois « anarchiques » dans leur classe. Connectées comme jamais sur leurs portables, des nouvelles de l’avant du lycée leur parviennent régulièrement.
Nous évoquons avec elles la mobilisation des Gilets Jaunes, les modes d’action lycéens - « Y’en a qui disent que pour qu’ils s’intéressent à nous, il faut casser. Je le comprends mais je ne le cautionne pas », les manières de s’organiser (et l’absence d’AG) – « y’a des conversations sur Snap, on communique tous », la réforme du lycée - « on réfléchit pour tout le monde, pas juste pour nous », la politique – « il n’y a pas que les Gilets Jaunes qui ont le droit de manifester, y’a nous aussi. Mais en France, en gros t’as le droit de voter à 18 ans mais par contre quand tu fais de la politique à 16 ou 17 ans dans ton lycée, t’es qu’un petit con qui veut sécher les cours », la police – « la dernière fois ils ont gazé même des papys, quand ils arrivent ça fait flipper » ou le discours de Macron – « franchement, il m’a gavé ».
8h30 : « les flics sont à vue » et ouvrent la voie au camion de pompiers. Poubelles éteintes. Lycéen.ne.s repoussé.e.s sans heurts et sans tirs, une exception à relever. Changement de stratégie policière annoncé ! Cortège formé en direction de Fauriel.
Des voitures de police sous toutes leurs déclinaisons sont partout dans le quartier. Les premiers contrôles d’identité ont lieu.
9h : joli bazar devant Fauriel. Ordre dispersé et éparpillé. On ne sait plus trop où est le gros des troupes. Nous croisons alors un groupe de quatre garçons, lycéens à Mimard et à Saint-Cham’. En attendant « Â la récré où tout le monde va sortir », une conversation se noue avec eux. Centrée sur la police, mais pas que !
Extraits en vrac.
Les flics ils menacent de mort les gens, ils tirent au flashball à 20 mètres, ils confondent les bons citoyens et les casseurs. Nous [les lycéens] même si on brûle des poubelles quand on manifeste, on ne retourne pas des voitures et on ne casse pas des banques. Ils abusent, ils amènent 150 flics pour des lycéens. Hier [lundi 10] il y a eu des arrestations et des jeunes qui sont partis à l’hôpital pour des blessures dues aux matraques et aux balles de flashball. […]
Ils nous contrôlent et en profitent pour nous voler des cigarettes. Ils veulent limite nous mettre à terre, à 5 sur nous, même quand on fait rien. Mais quand y’a des gens à côté qui leur disent d’arrêter, ils le font pas. Du coup, quand on les voit on court, alors ils veulent nous arrêter. [...]
En plus, ils lancent des lacrymo n’importe comment. […]
Avec Sarkozy et Hollande, même s’ils étaient nuls, il n’y avait pas de guerre civile. Là , on se fait tous gazer pour rien. […]
Comment on fait si on arrête en France tout ceux qui manifestent ?! Faut pas affoler. On n’a plus le droit de liberté, il nous enlève le droit de liberté d’expression. Je suis pas président, je suis jeune, mais je comprends quand même quelques trucs. […]
Je soutiens toutes les personnes qui sont dans la galère.
10h : ça pue, on n’attend pas la récré. Les rues sont rouvertes à la circulation. Quelques ados font des tours du quartier. Rapidement stoppés par une union sacrée composée de nationaux, municipaux et bacqueux menant des contrôles d’identités à tout-va.
Fauriel résiste, une petite bande tient le blocage, un sit-in s’improvise.
Difficile de savoir alors où sont passés tou.te.s les autres… La stratégie policière d’intimidation/répression de la veille semble avoir porté ses fruits.
En attendant demain et Godot, vous pouvez écrire à comitesolidairesainte chez riseup.net pour témoigner d’éventuelles violences et interpellations. Le 07 73 30 59 27 (numéro du comité juridique en formation sur Sainté) reste ouvert.
Lundi 10 décembre :
7h30 : le proviseur de Mimard fait les 100 pas sur le parvis. Il presse les élèves et les invite à rentrer dans le lycée.
8h : Fauriel est bloqué. Derrière, côté rue Etienne Mimard, une pancarte « Non à la sélection, oui à l’éducation » est collée sur le portail d’accès au parking des profs. Une petite bande débordante de bonne humeur refait le match de samedi et harangue les autres élèves, plot de chantier en porte-voix !
Devant, il y a du monde. « Elèves debouts, état à genoux », « popolompompopopom », « macron démission », ça chante et ça s’ambiance. Chaque voiture est arrêtée et invitée à klaxonner pour exprimer son soutien et surtout décrocher son laisser-passer. Même chose pour les trams qui jouent de leur clochette et s’arrêtent face aux poubelles renversées sur les rails. La foule se régale.
9h : Honoré arrive en renfort. Un cortège se forme et se dirige devant Mimard. Le proviseur fait toujours les 100 pas mais, cette fois c’est pour éviter les quelques projectiles lancés.
9h30 : le cortège s’ébranle, traverse le quartier Saint-Jean et avance en direction de la Préf. Le plot de chantier sert maintenant de sono. Ça ricane, ça invente, c’est beau d’avoir 16 ans !
10h : une bande d’élèves se met à genoux, mains derrière la tête face à la ligne de flics protégeant la Préf. Hommage vibrant et furtif aux lycéens de Mantes-la-Jolie. La mobilité des derniers jours se retrouve à nouveau : demi-tour, on monte à l’Hôtel de ville.
C’est là que tout bascule puisqu’une dizaine de nationaux déguisés en CRS emboîtent le pas et balancent les premières lacrymo par dessus la foule. Les jeunes courent plus vite que le rythme des matraques qui résonnent sur les boucliers.Â
10h30 : après les tirs de gaz, les 300 lycéens s’éparpillent dans les rues adjacentes à l’Hôtel de ville. Les keufs remontent la Grand’ rue, flashball au poing. Rue Michel Rondet, cinq flics ont la bonne idée de tirer une grenade lacrymo par-dessus un petit groupe de jeunes qui marchent tranquillement pour éviter l’affrontement. Ça pique les yeux des passants et des clients de Forum.
10h45 : place du peuple, trois voitures de la bac traversent le cortège (ou ce qu’il en reste) à 50 à l’heure. 2 bagnoles de la mumu les suivent. Une de la nationale également.
11h : square waldeck rousseau. Les bacqueux sortent de leurs véhicules en fous-furieux et tirent des balles en caoutchouc sur la foule : lycéen.ne.s et passants sont confondus dans les tirs. Le chef motive ses troupes « tire, tire, tire ! ».
Des voitures de police affluent de toute part et s’arrêtent à chaque capuche relevée. Pour rappel, il pleut et il fait 4°.
Si les tirs de flashball se faisaient dans le tas, les contrôles d’identités eux sont bien ciblés. Les mineurs en mini-bandes prennent cher, notamment celleux restées près du manège. Des coups de matraque sont distribués. Des fourgons arrivent par la rue Gambetta pour embarquer cette jeunesse un peu trop vibrante.
Le « cœur de ville » cher à Perdriau (escroc) est quadrillé : une bagnole de keufs tous les 50 mètres de Fourneyron aux Ursules.
SI VOUS AVEZ ETE TEMOIN D’INTERPELLATIONS ET/OU DE VIOLENCES POLICIÈRES, SI VOUS CHERCHEZ DES NOUVELLES D’UN.E PROCHE ARRÊTE.E, MERCI D’APPELEZ LE 07 73 30 59 27 (numéro du comité juridique stéphanois).
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