13h : le rendez-vous hebdomadaire est cette fois donné sur le parking du Zénith. Toujours plus loin du « cœur de ville » perdriesque. Quand on arrive, un petit groupe de gilets jaunes est perplexe « qu’est ce qu’on fait ici ? Moi je ne le vois pas aujourd’hui celui qui a lancé cette idée ! ». Grosse ambiance ...
14h : On décolle en direction de Carnot. Les flics bloquent le cortège mais celui-ci ne s’en soucie pas vraiment. On les longe et on emprunte la rue Pierre Dupont en direction de Châteaucreux. Des groupes de flics bloquent chacun des passages vers le Crêt de Roc. Au croisement de la rue de Treyve, on passe devant une bonne bande organisée de flics nationaux : 6 voitures et un camion. Mais quand le début du cortège est déjà bien avancé, l’arrière l’appelle à faire demi-tour. La plus grande partie des flics a décampé. Il ne reste plus qu’une poignée (de municipaux ?). La foule scande : « laissez passer ! ». Quelques un.e.s cherchent à négocier, les mains levées. Contre toute attente, les keufs ne font pas opposition quand le cortège s’engouffre dans la rue. Quelques mètres plus loin, des nationaux bien plus équipés bloquent la voie. La stratégie victorieuse est retentée pendant plusieurs minutes. Sans succès. Alors une personne propose « tant pis, on recule », une autre répond « y’en a marre de reculer toutes les semaines, on avance ! ». Mais les flics se font menaçants. On réfléchit. On discute. On improvise. Certain.e.s profitent d’une brèche dans une barrière pour monter sur les voies du train. Après plusieurs minutes à hésiter entre forcer le passage, reculer, passer par les rails direction Carnot ou Châteaucreux, une autre stratégie fait sa place. « On enlève tous nos gilets jaunes, on se disperse et on se retrouve à la préfecture ! ». Tout le monde reprend l’idée qui sonne comme une mesure de sécurité : « Enlevez vos gilets jaunes ! Enlevez vos gilets jaunes ! ». On y croit à moitié mais on suit le mouvement.
Bizarrement, l’accès vers Carnot n’est plus bloqué par les flics. Mais difficile de se disperser dans un trajet si linéaire. Dur de se disperser à Sainté ?! Pas grave, on avance par groupes dans la grand’rue et les 4 parallèles les plus proches. Pas de keufs en vue avant les voies d’accès à la Préfecture.
15h : Les gilets jaunes réapparaissent place Jean Jaurès, sur la voie du tram. Moment de retrouvailles en plein centre de Sainté. On discute et on fume des clopes au milieu des flics un peu dispersés sur la grande place.
15h10 : « On va à Jacquard ». C’est parti par la rue de la résistance. « Mais Jacquard c’est pas par là ! ». Tant pis, on avance, pétards et « Macron démission » en bande son.
Petite pause fumigènes sur la Place du Peuple et on repart. Les magasins ferment leur rideau à notre passage. Environ 2000 personnes marchent dans la grande rue.
15h45 : Les flics nous attendent à Centre Deux et n’ont pas l’intention de nous laisser y entrer, même pas pour piller des lunettes de piscine. Leur chef nous parle « Reculez ! Respectez la distance de sécurité ! » puis « Merci de respecter le contrat ». Les gilets jaunes qui arrivent à entendre le mégaphone pérave se demandent : « Tu as signé un contrat toi ? », « Mais il est où ce contrat ? ».
Mains levées, les leaders du pacifisme cherchent à parlementer avec les keufs impassibles.
La marseillaise est entonnée. Difficile de dire si c’est la 2e étoile sur le maillot de M’Bappé ou l’éducation massive au chant guerrier qui lui donne un tel attrait en ce moment.
Un type propose de se mettre à genoux, mains derrière le crâne « parce qu’on est pris en otage ». Un autre lui répond « ça va pas, je ne vais pas me mettre à genoux devant ces chiens, c’est à eux de se mettre à genoux ! ».
Difficile de rester patient.e.s. Une bouteille en plastique et une pierre vole. Tollé des ayatollahs du pacifisme : « On ne jette rien ! ». Un mégaphone fait son apparition et son propriétaire d’usage tente de nous convaincre « Aujourd’hui on va leur montrer qu’on est plus intelligents qu’eux. On retourne à la Préfecture ! ». Comme c’est souvent celle ou celui qui parle le plus fort qui décide, la foule fait demi-tour. On nous balade.
Au passage, un groupe commence à chercher celui qui a lancé un projectile : « C’est lui ! » pour le menacer acerbement (pacifiquement ?) de ne pas recommencer. Quand d’autres s’interposent (« On n’est pas des balances »), le groupe se justifie « on est devant, il nous met en danger », « qu’il aille devant, jeter des objets les yeux dans les yeux des CRS ». Comme si le mélange des modes d’actions n’avait pas son intérêt...
On marche donc, à pas pressés jusqu’à la Place du Peuple. Un groupe prend à droite direction Châteaucreux, un autre passe par les petites rues commerçantes et longe le marché de noël (on a beaucoup aimé le regard inquiet des vigiles suivi de leur sourire rassuré) jusqu’aux marches de l’hôtel de ville. On se demande à combien nous pourrions nous installer à l’intérieur avant de reporter le projet et de rejoindre une autre partie du cortège devant la préfecture.
16h45 : Nouveau face à face avec les gugusses armés. Beaucoup plus rapproché. A quelques mètres, un cordon de Bacqueux attendent, cerflex à la main. Le pacifisme, toujours mains levées, passe à l’action (c’est à ne plus rien y comprendre. C’est finalement des casseurs eux aussi ?).
Les plus avancés parlent avec la milice d’État et proposent d’avancer doucement. Doucement mais avec une légère insistance. Les flics bloquent puis frappent. On pousse plus fort et à plus nombreu.ses.x. Les gazeuses à mains sont utilisées et rapidement des grenades volent, rebondissent dans les arbres et tombent dans les pieds. On entend les balles de flashball ricocher sur les corps et le mobilier urbain qui sert de protection précaire.
Les flics passent en mode guerre. Ils courent. Ils tirent. Ils chargent. De la préfecture à la Place du Peuple, le centre-ville est rapidement dans le brouillard. Les badauds, attrapent leurs enfants et courent dans les rues. Des petits en pleine séance de patinoire se font gazer. On entend un mélange de « C’est eux les casseurs ? » et de « Il faut filmer pour dénoncer ce que fait L’État ! », sacs de courses à la main. Les keufs poussent tout le monde jusqu’à la Place du Peuple, puis au-delà. Ils dégagent tout le monde des rues adjacentes.
Puis c’est la course au chiffre et à l’arrestation sommaire. Des camions de nationaux roulent à toute allure, portes ouvertes, puis freinent fortement à l’approche d’un groupe pour laisser les robocops les poursuivre. D’autres rouleront plus doucement dans la grande rue encore très fréquentée. Ils interpellent les passants au faciès. Ça grouille de bleus. Bonnes fêtes.
Premier bilan de la journée :
2 bouteilles en plastiques et 3 pierres lancées. 1 poubelle brûlée. 0 vitrine cassée.
Des blessés. Des arrestations. Pas encore de lieu occupé en centre-ville.
Noël aura lieu. On annule 2019 ?
En parallèle, d’autres actions avaient lieu dans la Loire, notamment le blocage de l’A47.
Rappel des épisodes précédents à Saint-Étienne :
- Acte III
- Acte IV
- Acte V
Compléments d'info à l'article