I). Convocation en Justice de Brice Petit, texte officiel.
"Montpellier, le 29 avril 2004,
Sur instructions de monsieur le magistrat de permanence auprès de monsieur le Procureur de la République,
Nous, Jean-Michel COUSIN, Brigadier-Chef de Police, Agent de Police Judiciaire, convoquons pour l’audience [tribunal correctionnel] qui se tiendra le 05 octobre 2004 à 14h. au palais de justice de Montpellier, place Pierre Flotte, Salle Pierre Michel (Juge unique)
Monsieur PETIT Brice, pour avoir à Montpellier, le 28 avril, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n’emportant pas prescription, outragé par parole, gestes, menaces, écrit non rendu public, image non rendue publique, envoi d’objet, de nature à porter atteinte à la dignité ou au respect dûs à la fonction de CAZALETZ FABIENNE LAMY BRIGITTE DESSALES BRUNO, personnes dépositaires de l’autorité publique, dans l’occasion ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, en l’espèce BANDE DE FACHO VOUS N’ETES QUE DES NAZIS DES SS DES RACISTES ANT SEMITES TU ES UN INCULTE RETOURNE A L’ÉCOLE TU ES UN FACHO
Faits prévus par : Art. 433-5 al.1, al. 2 du Code Pénal.
Réprimés par : Art.433-5 al.2 ; Art. 433-22 du Code Pénal."
NB : toutes les coquilles et/ou fautes d’orthographe de cette page sont
strictement conformes à l’original.
II). Déclaration de Brice Petit
Cairanne, le 30 avril 2004,
Depuis le jeudi 29 avril 2004, à midi, heure de ma sortie de douze heures de
garde à vue, je suis inculpé d’outrage à agent de la force publique en la personne de Cazaletz Fabienne, Lamy Brigitte, Dessalles Bruno et d’incitation à l’émeute. Les charges sont graves, surtout depuis les dernières lois Sarkozy et je suis ainsi passible d’emprisonnement, d’une amende conséquente et de l’inscription d’une telle condamnation sur mon casier judiciaire (vierge), ce qui compromet sérieusement l’exercice de mon métier de professeur agrégé de Lettres dans l’Education Nationale.
Le procès verbal spécifie que j’ai outragé ces agents « par parole, gestes, menaces, écrit non rendu public (sic), image non rendue publique, envoi d’objet de nature à porter atteinte à la dignité et au respect dus à [leur] fonction ». En fait d’objet, de gestes, de menaces, de parole, je n’ai adressé à ces agents et à la douzaine d’autres présents sur les lieux que l’indignation la plus raisonnable et rationnelle possible face à l’intervention extrêmement violente qu’ils étaient en train d’accomplir sur la personne d’un homme jeté à terre, le visage en sang, implorant qu’on cesse de le brutaliser. Le procès verbal cite en ces termes le contenu de mon intervention : « Bande de facho (sic), vous n’êtes que des nazis des SS, des racistes antisémites, tu es un inculte, retourne à l’école, tu es un facho », le tout en vrac et en majuscules.
Ma surprise à la lecture de ces paroles qui me sont attribuées ne se mesure pas. Je n’ai, pour mille raisons que beaucoup d’entre vous connaissent et vivent, pas prononcé le moindre traître mot de cette espèce. Tout d’abord je n’aurais certainement jamais l’audace voire l’indécence de me prendre, ni même cet homme à terre en sang, pour un Juif de 1942. D’autre part ce vilain petit catalogue d’insultes, pratiquées sans doute dans leur esprit par « l’intellectuel gauchiste » type, comporte de telles contradictions insensées, une telle méconnaissance de l’Histoire, de tels amalgames de paresseux que je puis prétendre ne pas être capable de seulement les articuler à la légère. J’ajoute que provenant d’agents assermentés ces déclarations, monstrueux tissu de mensonges, sont légalement paroles d’évangile. Enfin je n’ai vu qu’un visage en sang, un corps étranglé et au-delà de cela un anonyme, en rien un Juif, un Noir ou un Arabe. D’insultes, je n’en ai prononcé aucune. Les quelques phrases que je me rappelle avec certitude avoir émises de ma taille d’homme face aux forces de l’ordre furent les suivantes : "Vous n’avez pas le droit de traiter un homme comme cela !
Pourquoi une telle violence ? Est-ce que c’est nécessaire ? Nous sommes dans un pays humaniste ! Cet homme est en sang !« et, le ton montant : »je n’accepte pas que dans le pays de Montaigne, de Voltaire, de Rousseau on traite un homme de cette manière. C’est inacceptable, intolérable. Vous faites preuve d’une brutalité sans nom."
Pour revenir en quelques mots aux circonstances, je marchais sur le coup des 23 heures 45 du mercredi 28 avril 2004, avec Cédric Demangeot dans le quartier de la gare à Montpellier. Nous sommes, lui et moi, tombés au croisement de deux rues sur une intervention policière violente visant à interpeller deux hommes qui, je l’ai appris de leur part plus tard (en garde à vue), s’étaient battus à propos d’une misérable question de trente centimes.
C’est devant ce déploiement d’une quinzaine de policiers et l’extraordinaire férocité dont ils firent preuve sur l’un de ces hommes que la situation m’est devenue proprement insupportable. Les paroles que j’ai citées plus haut ont suivi. A cela il m’a été répondu seulement que je devais « m’occuper de mes oignons ». Ce à quoi j’ai rétorqué qu’en tant que citoyen ce qui se passait dans la sphère publique me regardait. A deux reprises un agent, un homme, puis une femme, m’ont repoussé violemment des deux mains, si bien que très vite je me suis retrouvé à une vingtaine de mètres de la scène, ne nuisant aucunement à l’arrestation qui se poursuivait. L’agent de police féminin en se jetant sur moi s’est écriée que je la battais ! (c’est sans doute elle qui m’accuse de gestes et de menaces). Un homme d’une soixantaine d’années (voyez l’émeute) a crié une bonne dizaine de fois qu’il était « pour la police ! » et m’a traité tout aussi régulièrement de « socialiste » (j’ignorais que dans notre pays ce fût une insulte). C’est à lui que j’ai dit de retourner à l’école pour y apprendre ce que c’est que la France. Pour finir et comme je ne me taisais pas, un des agents d’un « on l’embarque » a provoqué un raffut autour de moi, passage des menottes auquel je ne me suis d’ailleurs pas opposé ce qui ne l’a pas empêché d’être violent : une main s’est collée sur ma bouche pour que je me « la ferme ». Mes lunettes m’ont été arrachées et j’ai été conduit au fourgon, transféré au commissariat.
Du fourgon au rez-de-chaussée, la femme chargée de me mener (sans doute l’une des deux plaignantes) a bien pris soin de retourner sur elle-même la chaîne de mes menottes afin que celles-ci endommagent mes mains, ce que j’ai fait constater depuis par un médecin. On m’a ensuite proprement jeté sur un siège dans un couloir et cette même femme m’a enfoncé mes lunettes sur le visage avec un mépris tout étudié. J’ai entendu dans un couloir parallèle prononcer le mot « intello » suivi de : « Il nous a traités de nazis, de SS ». Je sais avoir littéralement jailli de mon siège à ces mots, criant : « Certainement pas ! Jamais de la vie », ce qui m’a valu l’arrivée tambour battant d’une dizaine d’agents menaçants ainsi que de la femme qui parlait (celle qui plus tôt avait hurlé que je la battais) et qui a dit que j’étais un homme complètement fou. C’est à ce moment-là qu’un autre agent m’a dit que l’on allait « m’apprendre à fermer [ma] gueule ». L’agent qui avait décidé que l’on m’« embarque » m’a ensuite conduit au sous-sol et, ouvrant la porte grillagée de la garde à vue, m’a lancé : « Et maintenant, les pénales ! ». Puis j’ai été aussitôt attaché à un banc et quelque temps plus tard mené à la fouille où l’on m’a demandé de me déshabiller entièrement, (au matin, j’eus droit à la séance des empreintes digitales et aux trois portraits photographiques réglementaires). J’ai pu voir un avocat commis d’office pendant un quart d’heure. On m’a ensuite conduit dans une cellule : une planche sur un bloc de ciment. A trois heures et demie du matin, un officier de police a pris à l’étage ma déposition qui contredit point par point les accusations qui me sont imputées. L’homme l’a fait, je dois le dire, de façon courtoise et respectueuse, sans modifier le texte que je lui dictais.
Le reste de la garde à vue s’est déroulé dans des conditions difficiles : cris et hurlements dans bon nombre de cellules ; je me souviens de cet homme qui demandait à boire (il faisait une chaleur éprouvante), qui hurlait qu’il n’avait pas bu d’eau depuis quinze heures et qu’on a gentiment fait lanterner une bonne heure. De même et alors que les toilettes faisaient face à nos cellules, on ne répondait à la demande de ces besoins élémentaires qu’avec le cynisme interminable qui semble être la seule loi d’un tel lieu. J’ai compris pourquoi ma planche puait l’urine. J’ai attendu trois quarts d’heure que l’on me permette d’accéder aux toilettes, à dix heures du matin, alors que plusieurs agents de la République, clés en main, passaient débonnairement devant moi et entendaient d’une oreille quasi amusée ma demande retournée en humiliation. Jusqu’à midi je n’ai entendu dans les cellules que ces perpétuelles doléances, « manger, boire, pisser », toujours traitées avec le même mépris systématique pour la personne humaine.
Et j’ai entendu dans la cellule voisine un corps se jeter contre les cloisons et la porte, une tête frappant à plusieurs reprises le mur. Dans cet endroit le langage n’existe pas, on ne répond jamais à vos questions ou alors d’une façon tout allusive et fantaisiste qui semble sans cesse être un motif de satisfaction pour l’autorité. Je suis encore bouleversé et consterné d’avoir fait une telle expérience. A ma demande j’ai pu consulter le médecin des lieux à propos de ma main droite. Ce monsieur m’a dit que les menottes avaient effectivement cette conséquence et qu’en ce qui le concernait ces traces étaient sans importance et que d’ailleurs il ne s’intéressait qu’aux traces et que la douleur n’était pas de son ressort parce qu’invérifiable. Il a jugé bon de me dire que ses parents lui avaient inculqué le respect des forces publiques.
III. Témoignage de Cédric Demangeot
Témoignage concernant l’arrestation de Brice Petit et les incidents qui l’ont précédée.
Commentaire et appel au soutien des poètes.
Le mercredi 28 avril 2004 entre 23h30 et minuit, nous rentrions, Brice Petit et moi-même, d’un « dîner en ville » bien mérité, après avoir donné à notre imprimeur, dans l’après-midi, le « Bon à tirer » du n° 3/4 de moriturus (« lA »). Nous allions, d’humeur plutôt joyeuse, à pied dans une des rues avoisinantes de la place de la Comédie à Montpellier, rue de Verdun si mes souvenirs sont bons, quand nous sommes tombés sur un « coup de poing » policier en pleine rue.
Deux cars de police, une bonne douzaine d’hommes, certains armés de pistolets « flash-ball », les autres des traditionnelles matraques noires, venaient d’arriver en trombe et d’encercler, sur une petite place, à côté de l’échoppe d’un marchand de pizzas, un homme seul, d’une quarantaine d’années, habillé pauvrement, visiblement sans arme et affaibli, le visage en sang. Cet homme, qui visiblement n’était pas en train de braquer quoi que ce soit, cet homme qui sortait seulement amoché d’une simple bagarre de rue, était soudainement pris de panique à la vue du détachement armé qu’on dépêchait soudain pour lui, il se mit à geindre, à implorer comme un enfant qu’on le laisse, qu’il n’avait rien fait, qu’on ne l’emmène pas.
« Laissez-moi », disait-il en pleurant devant la quarantaine de badauds qui entouraient la scène, « je suis un adulte, j’ai deux enfants, etc. » Pendant ce temps les trois agents chargés de l’arrestation physique de l’homme le mirent brutalement à terre, comme s’il s’agissait d’un homme dangereux ou armé, et plaquèrent à l’aide d’un ou deux genoux sa face déjà passablement ensanglantée contre le pavé. L’homme humilié criait, pleurait.
Tout ceci se déroula en quelques secondes sous nos yeux, comme nous traversions, Brice Petit et moi-même, la petite place. Spontanément choqués par la brutalité de la scène, par l’énormité et le dérisoire de ce rapport de forces sans commune mesure, nous n’avons pas pu nous taire. Brice Petit notamment, s’adressant en passant à deux ou trois policiers, - non pas ceux chargés de l’intervention physique, mais ceux du « cordon » de sécurité qui entourait la scène -, demanda s’il était nécessaire de traiter ainsi cet homme, de l’humilier de la sorte, si on ne pouvait pas procéder à son arrestation plus dignement. Les deux policiers interpellés se mirent aussitôt à nous repousser physiquement, avec une brutalité certaine, en nous demandant pour toute réponse de « fermer (notre) gueule » et de « circuler ».
Mais nous ne voulions pas encore nous taire à si bon compte. Et, aux premières questions concernant le traitement de l’homme à terre, s’ajoutèrent celles à propos de leur volonté déplacée de vouloir nous faire taire, et nous défendre d’assister à une scène de rue (« ne restez pas ici », « ne vous mêlez pas de ça », « dites à votre copain de fermer sa gueule » et « casse-toi petit con » sont les aimables répliques que j’ai moi-même, dans le désordre général, essuyé de la part d’un agent du « cordon »).
Très vite, je vis que les policiers, maintenant trois ou quatre, qui entouraient Brice Petit et l’éloignaient progressivement de moi, commençaient à s’énerver. Brice Petit, lui, gardait un sang-froid dont je me souviens qu’il m’impressionnait. Si le ton montait à chacune de ses répliques, c’est parce qu’on lui répondait par des bourrades physiques de plus en plus musclées ; et si ce ton « montait », c’est seulement, si je puis dire, son volume en décibels qui augmentait : jamais, à aucun moment Brice Petit ne dérapa dans son vocabulaire, et même au plus fort de la colère il continuait (avec une maîtrise qu’il faut bien dire assez admirable, et qui força sur le moment même mon admiration) à s’adresser à ses interlocuteurs en phrases claires, correctes, intelligibles et sensées - je dirais même : modérées et polies : il continuait à dire « Monsieur » et à vouvoyer ceux qui le repoussaient en lui donnant des coups dans les épaules.
Je me rappelle précisément, au mot près, des phrases prononcées par Brice Petit ce soir-là. Non seulement il n’a pas prononcé la moindre des injures insensées qu’on lui impute, mais il en était même très loin, s’en tenant presque étrangement au registre du « républicain modéré », dans une langue toujours irréprochable et presque, pour l’époque en tout cas, châtiée.
Voici, notées de ma main dans la nuit, quelques unes de ses répliques, dérisoires en regard de l’obscénité de celles qu’on lui attribue :
A un policier qui lui signifiait que sa simple prise de parole était « un délit », Brice Petit répondit : « Un délit ? mais je ne fais que prendre la parole, Monsieur ! ».
A aucun moment Brice Petit n’a parlé, ni de près ni de loin, de « fascisme ». Encore moins de « bande de facho, nazis, antisémite ». Il a seulement dit : « Je suis un citoyen, Monsieur, et nous ne sommes pas en dictature, que je sache. » Puis : « Et l’humanisme, Monsieur, savez-vous ce que c’est ? Avez-vous jamais entendu parler de l’humanisme ? »
A aucun moment le propos de Brice Petit n’a porté sur le thème du « racisme » - et pour cause : son discours, qui était simplement celui d’un humaniste, ne parlait jamais que, je cite, « d’un homme ». Ce mot « homme » est revenu au moins trois ou quatre fois dans sa bouche (« pourquoi humiliez-vous cet homme ; cet homme est en sang ; pourquoi mettre cet homme à terre ; avez-vous besoin de brutaliser cet homme pour l’arrêter ? »). Brice Petit n’a pas fait la moindre allusion aux origines de l’homme à terre, et n’a jamais prononcé les mots de « raciste » ou d’ « antisémite » à l’adresse de qui que ce soit.
Très vite, un des badauds se mêla à la scène. Un homme d’une cinquantaine d’années qui s’adressait à nous en nous répétant presque machinalement ces
deux seules phrases : « Je suis pour la police, moi, alors fermez vos gueules. » ... et cette interjection pour le moins surprenante : « Socialistes ! ». Il les répétait en alternance en nous toisant d’un visible mépris mauvais. A la première de ces deux phrases, Brice Petit répondit : « Pour la police ? mais vous oubliez que la police n’est pas un parti politique, Monsieur ! ». A la seconde (« Socialistes ! »), il s’indigna de l’énormité qui consiste, dans une République, à se servir d’un tel terme comme d’une insulte. C’est à ce moment qu’il demanda, à ce badaud et non à un policier, non pas de « retourner à l’école », mais seulement « si on ne lui avait pas appris, à l’école, ce qu’était la République. »
Quant à moi, je posai à un des policiers la question de savoir pourquoi ils n’avaient pas souci de faire taire cet homme autant que nous, pourquoi ils le laissaient, lui, libre de commentaires on ne peut plus douteux, quand notre prise de parole somme toute modérée était qualifiée de « délit ».
Rapidement, tout dégénéra. Une femme agent de police alla brutalement au contact de mon ami, le repoussa en le frappant de ses deux mains aux épaules en criant : « Il me bat ! il me bat ». J’étais abasourdi par l’énormité de ce mensonge, Brice Petit n’ayant depuis le début de la scène jamais esquissé le moindre geste du bras ou de la main, ne faisant que reculer et parler, parler et reculer sous les bourrades de la police. Cette femme n’avait pas peur de mentir effrontément devant la quarantaine de personnes présentes autour, comme si elle savait son mensonge par avance validé.
Cela prenait une tournure inquiétante et en effet, Brice Petit fut à ce moment immobilisé sous mes yeux par quatre policiers, un qui lui serrait le buste, deux qui lui tenaient les bras derrière le dos et lui passaient les menottes, un autre enfin qui lui tenait la tête renversée en arrière en le bâillonnant brutalement de la main. On le conduit alors à un camion de police qui démarra aussitôt, sans me laisser la moindre chance d’intervenir.
Menacé d’être « embarqué » moi aussi lorsque je me mis à m’indigner de l’arrestation de mon ami, je fus une fois de plus violemment écarté, et contraint de m’éloigner. Appel aux poètes - etc.Mon témoignage proprement dit s’arrête-là.
La conclusion en est très simple : je suis pris de stupeur à la lecture, le lendemain, de la convocation en justice de Brice Petit. L’intégralité de ce qui lui est reproché est de toute évidence entièrement faux et fabriqué. Six lignes de mensonge pur et simple, et qui mettent finalement en danger, parce qu’il s’agit bien de ça, l’homme le plus intègre. Brice Petit n’a pas, je le répète, prononcé la moindre injure ce soir-là, pas la moindre phrase déplacée ; il n’a donc pas « outragé par parole » la police. Or, s’il ne l’a pas « outragée par parole », il l’a encore moins - l’accusation est plus grave ! - outragée par « gestes, menaces, écrit non rendu public, image non rendue publique, envoi d’objet »... !!!
Ces accusations ne se contentent pas d’être effrontément mensongères, elles sont aussi d’une absurdité considérable, à la limite du grotesque. Est-il besoin de préciser que les seuls « envois » de Brice étaient verbaux, et que, s’ils ne manquaient pas d’un certain panache, ils ne prenaient en aucun cas la tournure de « menaces » ?? Le voit-on, ce professeur de français d’un mètre soixante-dix, ce « petit poète » comme il aime à se qualifier, se prendre à « menacer » douze solides porteurs de matraques et les arroser d’« envoi d’objet » (sic) ??? Je ne veux pas faire ici le travail de l’avocat de Brice Petit, mais je ne peux pas ne pas souligner cet écart flagrant, cette licence injustifiable, éminemment coupable que les forces de l’ordre se permettent de prendre avec la réalité la plus évidente - avec la vérité.
Heureusement pour Brice Petit, la grossièreté des moyens déployés contre lui suffit à trahir ses accusateurs.
A la fausseté flagrante des chefs d’inculpation s’ajoute celle, encore plus criante, des propos « cités » (en capitales), en fait attribués à mon ami : leur seule rédaction - informe, incohérente, caricaturale et grossière - les dénonce. Un homme qui consacre depuis bientôt quinze ans sa vie au seul langage, à la conscience qu’il se doit d’en avoir, à ses formes enfin les plus exigeantes et les plus désintéressées, - cet homme-là, dont à défaut de savoir ce qu’il est je sais ce qu’il n’est pas, NE PEUT PAS être tombé dans le piège d’une rhétorique aussi basse, aussi grossière et invertébrée que celle qu’on lui impute. Cette rhétorique-là n’est jamais que celle de ceux qui tenaient la seule plume ce soir-là, des seuls qui avaient le droit de ne pas « fermer (leur) gueule » : les agents de police auteurs de la déposition.
Et ce que ces hommes ont puni ce soir-là, ce qu’ils ont voulu enfermer, ce n’est rien d’autre que la langue - non plus la leur, certes, mais la langue libre, inattendue, digne et qui dit vrai. J’ai souvent vu et entendu, au hasard de scènes urbaines, la police se faire vertement injurier, de la manière la plus furieuse, et dans les registres les plus gras, les plus triviaux, qu’on imaginera. A ces bordées d’injures, les agents se contentaient de sourires moqueurs ou se drapaient d’indifférence, ce qui ne laissait pas de m’étonner.
Mais aujourd’hui je comprends, que l’injure finalement touche peu la police, ne la menace nullement, pour cette simple raison qu’elle fait partie de sa propre rhétorique, et qu’elle la maîtrise toujours au bout du compte. Par contre, ce que la police redoute infiniment plus, au point de s’en sentir « menacée », au point de l’arrêter et de l’enfermer, c’est la langue, simplement la langue, pas l’injurieuse mais l’intelligente, pas l’outrageante mais l’intègre : celle pour laquelle un poète vit.
C’est à ce titre que je me permets, avec l’autorisation de Brice Petit, d’appeler à notre soutien tous ceux d’entre vous qui sentiront combien cette affaire les concerne personnellement. Ces soutiens pourront prendre la forme soit de co-signatures d’une déclaration commune que nous travaillerons - ensemble, avec vos réponses, vos conseils - à mettre au point dans les jours à venir ; soit, pour ceux qui connaissent mieux Brice Petit, de déclarations « sur l’honneur » quant à l’intégrité non seulement de l’homme mais aussi, et surtout, de son comportement dans la langue ; soit, enfin, de soutiens financiers pour les frais d’avocat et autres. La défense de notre ami doit se mettre en place le plus rapidement et le plus largement possible.
Nous comptons sur vous.
Tous vos courriers ou témoignages seront les bienvenus chez Brice Petit, les Garrigues 84290 Cairanne. ou via e-mail à remue.net, que nous leur transmettrons.
remue.net, la rédaction
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