Zoé Dupont [1], 53 ans, a écrit toutes ses revendications sur la première page d’un carnet neuf à la couverture mauve. Elle travaille comme auxiliaire de vie depuis 2018, pour une entreprise qui fait l’intermédiaire entre particuliers et aides à domicile. Sur le carnet de Zoé, on peut lire :
Pas de visite médicale du travail
Ils ne veulent pas qu’on se connaisse entre nous
Pas de tenue pro (même pendant la COVID)
Pas le temps de manger
Ne payent pas les absences de bénéficiaires
Pas de salaire fixe
Elles sont une quarantaine ce jeudi 23 septembre à s’être rassemblées place Jean-Jaurès à Saint-Étienne à l’appel de la CGT. Aides à domicile, auxiliaires de vie... Au-delà des statuts et des employeurs différents, toutes ont en commun de se rendre au domicile de personnes âgées, handicapées ou qui ne peuvent plus se débrouiller seules pour les actes de la vie courante. Il y a aussi des aides-soignantes à domicile, qui ont pour certaines revêtu leur tenue de travail. En France, elles sont plus de 700 000 à travailler dans le secteur du soin, de l’accompagnement ou du maintien à domicile des personnes âgées ou handicapées. Dans ce secteur à 97 % féminin, le salaire moyen est à peine supérieur à 900 euros. Les temps partiels et les horaires irréguliers sont la règle. Selon le rapport sur les métiers du lien des députés Bruno Bonnell (LREM) et François Ruffin (LFI) : « Le taux de pauvreté est élevé chez les aides à domicile : on compte ainsi 17,5 % de ménages pauvres parmi les intervenants à domicile contre 6,5 % en moyenne pour l’ensemble des salariés. » [2].
Zoé est venue seule car elle ne connaît pas d’autres aides à domicile travaillant pour le même mandataire qu’elle. Elle a bien demandé à sa direction d’organiser des réunions qui regrouperaient toutes ses collègues, mais elle a essuyé un refus. Elle a prévu une rencontre avec une collègue qui intervient chez la même personne qu’elle, de sa propre initiative. « Je trouve bien qu’on fasse un petit bilan », justifie-t-elle simplement. Mais ce n’est pas la norme. Au maximum, est mis en place un système de « cahier de liaison chez les personnes qui n’ont pas toute leur tête » lorsque plusieurs professionnelles interviennent chez le même bénéficiaire. Zoé déplore aussi l’absence de formations et d’écoute en cas de situations difficiles.
Les aides à domicile n’ont pas eu droit à la prime Covid de 183 euros
Si Zoé a choisi de travailler chez ce mandataire c’est parce qu’« on va toujours chez les mêmes personnes » et que cela permet d’instaurer une relation de confiance. Elle « adore le métier, le contact ». Comme elle, toutes les manifestantes disent aimer leur métier. Les différents confinements leur ont fait prendre conscience de l’importance de leur rôle mais aussi du peu de considération des pouvoirs publics à leur égard. La crise sanitaire a ravivé leur colère. Au début de l’épidémie, elles ne pouvaient pas se procurer de masques parce qu’elles n’étaient pas considérées comme personnel soignant. Mais aujourd’hui elles sont concernées par l’obligation vaccinale... au titre de personnel soignant. Contrairement à leurs collègues qui travaillent dans des hôpitaux ou des Ehpad, les aides à domicile n’ont pas eu droit à la prime Covid de 1000 à 1500 euros, ni à l’augmentation mensuelle de 183 euros décidée lors du Ségur de la santé et réservée aux soignants. Celles qui travaillent dans le secteur associatif devraient voir leur salaire augmenter ce mois-ci, mais pas les autres.
Place Jean-Jaurès à Saint-Étienne, les drapeaux « CGT Loire » sont en place, les pancartes en carton faites maison dépliées, les autocollants rouges « Aides à domicile révoltées » collés sur les manteaux ou sur les sacs à main. Mireille Carrot prend le micro. Soignante en Ehpad et pilote du collectif Aides à domicile de la CGT, elle encourage les manifestantes : « Votre mobilisation est essentielle, comme vous. Vos revendications sont justes, elles sont d’intérêt général. Elles vous concernent vous et la qualité des soins que vous délivrez. » Elle rappelle les revendications : revalorisation immédiate des carrières et des salaires « à hauteur de l’utilité publique de vos métiers », meilleures conditions de travail, recrutement massif, amélioration de toutes les garanties collectives et création d’un grand service d’aide publique à la personne. Des rassemblements similaires sont organisés par son syndicat devant le ministère des Solidarités à Paris et dans plusieurs villes.
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