Les efforts de la Chine pour réduire le Tibet au rang de province d’un pays à l’idéologie matérialiste, sont motivés par un enjeu bien plus important que la simple annexion d’une région aux ressources minières stratégiques, ou à la possibilité d’y déposer des déchets nucléaires.
L’enjeu est de tuer un important bastion de renouvellement de l’énergie spirituelle d’une religion qui est un danger pour le matérialisme forcené et son corollaire, le productivisme, l’individualisme et la société de consommation.
Pour saisir ce qui est en jeu dans la culture tibétaine et l’acharnement que met la Chine à vouloir la faire disparaître, on peut tenter d’approcher le problème par la relation existant entre le Panchen Lama, détenu par les chinois et dont le Dalaï Lama réclame la libération, et le Dalaï Lama lui même.
Ces deux lignées de lama appartiennent à la même école bouddhiste, celle des Gelug, l’une des cinq écoles tibétaines, et qui détient le pouvoir temporel sur le Tibet depuis le XVIIe siècle. Le Panchen Lama et le Dalaï Lama sont des tulkous, c’est à dire qu’ils sont actuellement des réincarnations de leur prédécesseur, et qu’ils ont la capacité de choisir à leur mort (on dit pudiquement « quitter leur corps ») où ils vont renaître et de donner des indications sur cette renaissance pour ceux qui seront chargés de les retrouver. Le Panchen Lama est en outre le second en importance dans la hiérarchie, il est donc subordonné au Dalaï Lama.
Le point clé politico-religieux est que c’est le Dalaï Lama qui doit reconnaitre la réincarnation du Panchen Lama, et le Panchen Lama qui doit reconnaitre la réincarnation du Dalaï Lama.
Cassez ce couple et vous coupez la tête gelug, donc le phare politique du Tibet, et donc la résistance à la disparition de ce régime théocratique bouddhiste et la culture qui va avec. Les chinois l’ont bien compris et c’est pour cette raison qu’ils détiennent le Panchen Lama. Ils ne leur reste plus qu’à attendre que le Dalaï Lama quitte son corps pour résoudre le problème de la menace de la culture tibétaine sur l’idéologie matérialiste.
Lorsque l’on s’intéresse à la politique tibétaine, on entre tout de suite dans une autre logique, à laquelle nous ne sommes pas habitué. Il faut d’abord pour y adhérer, admettre la possibilité de la réincarnation ! La pensée tibétaine est emplie de cette logique étrangère à la nôtre, et comprendre le Tibet et l’enjeu lié à la survie de sa culture, nécessite un certain effort.
La lutte contre l’hégémonie matérialiste et capitaliste, passe par la défense de la culture tibétaine et bouddhiste. Au Bouthan par exemple, pays bouddhiste, le régime qui a défini un Bonheur Intérieur Brut, à protégé le pays de l’invasion capitaliste, y compris des touristes occidentaux évidemment, qui y rentrent au compte-goutte. Au Népal, il se dit que si une certaine vallée jusqu’ici protégée et inaccessible, venait à être pénétrée par une route, se serait la fin du monde. La vision du monde des himalayens est différente de la nôtre, mais nous devons la prendre au sérieux. Soutenir la survie de la culture tibétaine va bien au delà du simple engagement pour les Droits de l’Homme. C’est aussi soutenir la possibilité d’un futur pour l’humanité.
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