Dimitris Koufontinas est en prison depuis 20 ans pour avoir participé dans sa jeunesse aux actions du groupe communiste révolutionnaire 17 novembre au sein duquel il a assassiné pour la plupart des anciens collaborateurs grecs et américains de la dictature des Colonels. Le nom du groupe provient du jour où le régime a tiré sur les insurgés autour de l’École Polytechnique, dans le quartier d’Exarcheia à Athènes, le 17 novembre 1973, avec des tanks et de l’armement lourd. Après la chute de la dictature, la purge n’a jamais été faite et beaucoup d’anciens responsables de la junte sont restés dans les arcanes du pouvoir. Voilà l’argument qu’a donné à l’époque Dimitris Koufontinas pour, selon lui, venger les victimes du 17 novembre. Quand ce groupe a été démantelé, il y a 20 ans, Koufontinas s’est rendu de lui-même pour ne pas faire porter le chapeau à ses camarades arrêtés et assumer sa part de responsabilité. À partir de 2010, selon la Loi grecque, il avait la possibilité de bénéficier de permissions qui ne lui ont finalement été accordées qu’à partir de 2017, sous Tsipras, ce qui lui a permis de voir son fils Hector du fait de sa « bonne conduite » en prison et de sa ponctualité. Après un bras de fer de plusieurs semaines début 2019, il a également été transféré dans une prison rurale aux activités agricoles en plein air.
Cette année, il aurait pu solliciter une remise en liberté conditionnelle dès l’automne. Mais depuis que la droite a gagné les élections en juillet 2019, les choses ont changé. L’une des victimes de Koufontinas était le beau-frère du nouveau premier ministre, Kyriakos Mitsotakis, qui n’a pas manqué de faire voter une loi spéciale en décembre 2020 visant uniquement Koufontinas. Cette loi l’empêche désormais de revoir son fils, de poursuivre sa détention dans sa prison rurale et d’entrevoir la perspective d’une libération conditionnelle dans les prochains mois ou années. Étrangement, les prisonniers néo-nazis d’Aube Dorée n’ont pas été frappés par cette loi postérieure à leur condamnation, du fait d’une subtilité glissée dans le texte : cette loi vise les personnes poursuivies pour « terrorisme » (Koufontinas), mais pas pour « participation à une organisation criminelle » (les aube doriens). Après avoir épuisé les recours, Koufontinas s’est mis en grève de la faim puis de la soif. Depuis samedi, il refuse également l’hydratation apportée par les perfusions d’antibiotique. Il va donc mourir dans les prochaines heures, si le gouvernement continue de s’acharner.
Malgré l’intervention de très nombreux collectifs, associations (dont Amnesty international), organisations (anarchistes, communistes révolutionnaires, etc.), partis politiques (dont Syriza, Diem25, KKE, Antarsya, etc.), personnalités (dont Costa Gavras), Mitsotakis et son gouvernement ne veulent rien entendre : ils se servent de leur pouvoir pour satisfaire leur vengeance et attendent l’issue mortelle du bras de fer. Interpellée par beaucoup d’entre nous, la présidente grecque s’est murée dans le silence depuis une semaine et laisse faire Mitsotakis.
Comme vous l’aurez compris, il ne s’agit pas d’avoir une opinion ou une autre sur Koufontinas et sur ses actes d’il y a une trentaine d’années. Il s’agit simplement de ne pas laisser faire un pouvoir qui devient absolu et se permet de régler ses comptes comme s’il avait rétabli la peine de mort. Voilà pourquoi la principale association de juristes et d’avocats, ainsi que la fédération des médecins hospitaliers sont engagées dans cette lutte pour faire reculer le pouvoir, avant qu’il ne soit trop tard.
Depuis quelques jours, le mouvement social est volcanique dans une atmosphère qui rappelle les années passées. Certains prédisent une explosion de violence si Dimitris Koufontinas finit par mourir de sa grève de la faim : des émeutes avec une incidence politique probable. À l’heure qu’il est, Koufontinas semble condamné. Le bras de fer est sans appel. Le pouvoir ne veut rien entendre, malgré l’immense protestation qui s’étend dans le pays. Difficile d’imaginer ce qui va se passer.
Si vous voulez suivre ce qui se passe, je vous propose une info en temps réel sur mon blog, au cœur de cette lutte : http://blogyy.net (site gratuit, bien sûr)
Voici les derniers articles à ce sujet (avec infos, analyses, photos et vidéos) :
Samedi 27 février / Koufontinas : la Grèce retient son souffle
Samedi 27 février / Lettre à Katerina Sakellaropoulou, présidente de la République Hellénique
Dimanche 28 février / Grèce : la violence du pouvoir génère la révolte et la répression
Dimanche 28 février / « Je ne veux pas mourir, mais vu la situation, ils ne me laissent pas le choix »
Lundi 1er mars / Actions et occupations se multiplient en Grèce
Lundi 1er mars / Des rassemblements nombreux en Grèce
Voilà, merci de vos messages de soutien. Bon courage à vous en cette période étouffante. Puissent nos expériences un peu partout sur la planète nous aider à comprendre ce qui nous arrive et à nous libérer du pouvoir qui nous piétine.
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