Aujourd’hui, en 2017, à compétences et qualifications égales, les femmes gagnent en moyenne un quart de moins que les hommes. Le système de valeurs patriarcales fait que des métiers, occupés majoritairement par des femmes, tels que le ménage, l’aide à la personne, l’éducation des enfants, et les activités associatives et culturelles (notamment les contrats aidés) ne sont pas reconnus comme des emplois produisant une valeur économique et sociale importante. Les formations à la plupart de ces emplois sont sommaires (les femmes sauraient « naturellement » les faire), les salaires sont bas, les amplitudes horaires de travail trop longues, et très peu de reconnaissance sociale est accordée à ces secteurs pourtant essentiels à notre société.
Les salarié.e.s les plus touché.e.s par la réforme sont celleux travaillant dans des petites entreprises ou en CDD. Deux catégories où les femmes sont surreprésentées. Dans les secteurs féminins, souvent sous-traités, les temps et conditions de travail sont généralement individualisés et empêchent les personnes d’être en contact avec leurs collègues et donc de s’organiser collectivement pour défendre leurs droits. Les secteurs d’emplois les plus féminisés et précaires sont aussi ceux dans lesquels on retrouve le plus de femmes racisées qui sont doublement touchées par les inégalités sociales.
La nouvelle loi travail a pour objectif de créer un.e salarié.e « flexible », c’est à dire soumis.e à des changements d’horaires brutaux, plus facilement licenciable, et ayant une moindre possibilité pour se défendre dans le cadre formel de la loi. Le renversement de la hiérarchie des normes, renvoie à l’entreprise la définition de certains droits. Les travailleur.ses ne seront donc plus protégé.e.s directement par la loi ou les accords de branches.
Il sera désormais possible d’imposer, par accord d’entreprise des modifications d’horaires et de temps de travail ou encore des baisses de salaires. Les femmes, souvent à temps partiels et précaires, à la tête de familles monoparentales (dans 85% des cas) et prenant en charge une immense partie des tâches parentales et ménagères (65% et 71%) seront particulièrement pénalisées par ces mesures. Le premier argument invoqué par les femmes qui quittent leur emploi est l’impossibilité de remplir leurs responsabilités familiales du fait des horaires qui leur sont imposés. Les ordonnances ne risquent pas de les aider mais plutôt de favoriser un retrait du marché du travail.
Or, nous féministes, considérons le travail, non pas comme une fin en soi (car l’émancipation par le travail salarié peut être largement critiqué), mais comme un moyen d’acquérir une certaine forme d’indépendance vis à vis de son couple et de sa famille. Les sphères conjugales et familiales incarnant les lieux privilégiés des violences faîtes aux femmes, la perte de l’autonomie financière et un retour au foyer constituent un réel danger pour les femmes et renforcent les hiérarchies sexistes.
Le renversement de la hiérarchie des normes (les accords d’entreprise prévalent sur les accords de branche et sur la loi) affecte également les droits familiaux. Les congés enfants malades pris en immense majorité par les femmes, l’allongement du congé maternité et le maintien de la rémunération à 100%, l’allègement du temps de travail des femmes enceintes… tous ces droits, prévus jusqu’alors dans les conventions collectives de branche professionnelle, pourront être demain remis en cause par accord d’entreprise. C’est le cas également des primes d’ancienneté, de départ en retraite ou de licenciement.
Les outils de l’égalité professionnelle en entreprise sont aussi touchés. La loi prévoit aujourd’hui une négociation annuelle « égalité professionnelle qualité de vie au travail » et oblige l’entreprise à fournir des données aux salarié.e.s sur les inégalités professionnelles femmes-hommes. Les ordonnances permettront, par accord d’entreprise, de changer le contenu de la négociation, de choisir les données sur l’égalité à transmettre (ou non), et de passer d’une négociation annuelle à une négociation quadriennale…Voire de ne pas négocier du tout.
De plus, les ordonnances incluent la fusion des instances des représentants du personnel ce qui sonne la disparition du CHSCT (le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail). En plus d’avoir un grave impact sur la santé et les conditions de travail de tout le monde, la suppression du CHSCT aura des conséquences sur la prévention des violences sexuelles alors que 20% des femmes déclarent avoir déjà subi du harcèlement sexuel sur leur lieu de travail.
Il faut également noter l’hypocrisie du gouvernement d’Edouard Philippe qui, tout en assurant que « l’une des priorités du quinquennat est les droits des femmes », a supprimé le Ministère dédié à l’égalité entre les femmes et les hommes pour le remplacer par un simple secrétariat d’État, et, par la même occasion, a réduit de 25% le budget alloué aux associations féministes. Associations qui entre autres s’occupent de conseiller, d’aider et d’accueillir les femmes battues et/ou violées.
Les ordonnances de la loi travail version Macron touchent évidemment le prolétariat masculin. Cependant la résistance collective ne doit pas invisibiliser les problématiques spécifiques aux femmes, mais plutôt les souligner. Les luttes pour l’égalité femmes-hommes et anti-racistes ne sont pas des combats annexes ou divisant les mouvements sociaux, mais doivent être entièrement intégrées à tout acte militant et révolutionnaire afin d’atteindre une libération entière de l’humanité, car 50 % des « Hommes » sont des femmes.
Femmes : êtres humains considérés comme spécifiques, différents ou comme inférieurs souvent dès la naissance selon des explications naturalistes (forme des organes génitaux), des places dans la production/reproduction et/ou dans le système des genres (exemple : bonne-femme, femme trans, mère, pute, commère, étudiante, sorcière, migrante…).
Féminisme : Ensemble de courants et de pensées politiques qui partent du constat de la hiérarchie des sexes/genres pour proposer une transformation des rapports sociaux institutionnels et/ou quotidiens. Par exemple : féminismes première vague, féminismes d’État, féminismes luttes des classes, féminismes matérialistes, féminismes séparatistes, féminismes différentialistes, « black » féminismes, anarchaféminismes, féminismes intersectionnelles, féminismes islamiques, transféminismes, féminismes décoloniales, écoféminismes...
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