Roz, comme la plupart des personnes trans, a subi des agressions sexuelles, face auxquelles il nous semble plus qu’important de réagir. Mais nous voulons affirmer que ce n’est clairement pas l’unique raison pour laquelle nous et nos camarades trans nous suicidons.
Aujourd’hui, nous sommes là pour Roz, mais nous avons des pensées pour Pippa, pour No, pour Sté, pour Ivana, pour Sacha, pour Doona, et toustes les autres, la liste ne pouvant pas être exhaustive. Notre quotidien est rempli de deuils de proches et de personnes inconnues, de la peur de qui sera la prochaine et de la peur d’être la prochaine.
Le suicide des trans n’est pas un acte politique mais un acte de désespoir. Ce qui n’en fait pas moins que ces morts sont politiques. Et nous n’en pouvons plus de ces politiques de martyrs.
Quand on est une personnes trans, il existe dans nos vies de nombreuses raisons qui nous poussent au suicide. A commencer par la transphobie, et pour les personnes transfem la transmisogynie, qui est présente dans toutes les sphères de nos vies, dans ce monde qui fait tout pour que nous n’existions pas. Cette transphobie et cette transmisogynie, qui entraînent trop souvent des rejets familiaux et de nos entourages. Cette transphobie et cette transmisogynie qui nous rendent précaires, d’autant plus
quand nous avons moins de 25 ans et/ou sommes sans papier. Cette transphobie et cette transmisogynie structurelles qui compliquent toutes nos démarches administratives, notre accès à un travail et dans la continuité à un logement.
Nous sommes nombreux·ses à être travailleureuses du sexe en raison de cette précarité. Métier rendu plus dangereux depuis les lois de pénalisation des clients, de lutte contre le proxénétisme et de parcours de sortie de prostitution de 2016. Nous en profitons pour exprimer tout notre soutien aux travailleuses du sexe de Gerland qui se font expulser au nom d’une morale qui entraîne des arrêtés putophobes qui mettent en péril des conditions de travail et des vies de nombreuses personnes. Cette même morale qui nous pousse à avoir honte d’être trans, honte d’exercer ce métier.
Quand on est trans, nous sommes psychiatrisé·es de force, ou au contraire, on nous refuse des soins. Nos accompagnements médicaux sont foireux, avec une norme médicale qui sous-hormone les meufs trans qui veulent s’hormoner, ce qui a des effets néfastes sur notre santé mentale et physique. On vit avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête puisqu’il y a un seul labo qui produit l’intégralité de la testostérone et qui, pour des raisons de profit, arrête d’en fournir, créant des pénuries, comme c’est le cas actuellement, empêchant nombre de personnes d’avoir accès à des hormones vitales. Avec une interdiction de vente, de détention et de consommation d’œstrogènes
injectables, qui est pourtant une des méthodes les plus appréciées d’hormonothérapie chez les personnes transfem, nous poussant à l’illégalité juste pour avoir accès aux hormones qui nous conviennent. Avec en plus de tout ça, nos soucis de santé qui sont discrédités par les médecins à cause de notre transitude et mal voire pas pris en charge comme il se doit.
Tout ça cumulé et/ou d’autres raisons font que nombre d’entre nous ont diverses addictions, qui renforcent cette précarité et l’isolement social déjà présent par le fait même d’être trans. La toxicophobie nous tue !
Quand on est trans, on doit dealer au quotidien avec la honte et la culpabilité. La honte et la culpabilité d’être trans, d’être pauvre, d’être fou/folle, d’être tox, la culpabilité d’être, de faire ou au contraire de ne pas faire. On n’est jamais assez, on est toujours trop !
Ce week-end, on aimerait pouvoir être à l’existransinter, le plus gros rassemblement trans et/ou inter de fRance, et nous restons ici, à la mémoire de notre sœur Roz, avec qui on aurait aimé manifester et foutre le bordel à panam. Par ailleurs, l’existransinter est probablement un des plus gros rassemblements en fRance à s’élever contre la loi raciste et coloniale de Darmanin. Et ça ne vous choque pas que ce soit une manifestation de personnes autant minorisées que les trans et/ou inter qui se soulèvent les plus massivement contre cette loi passée quasi sous silence pendant le mouvement social contre la réformes des retraites, mouvement social qui bénéficie surtout aux cis dyadiques, Les trans et/ou inter n’arrivant déjà pas à l’âge actuel de la retraite au vu de nos conditions de vie.
On en a marre d’exister que si l’on brille ou si l’on meurt ! On en a marre de devoir briller quand on est détruit·e de l’intérieur ! On n’en peut plus que ce soit les plus cassé·es qui soient obligé·es de prendre soin des plus cassé·es !
On est nombreux·ses ce soir, où étiez-vous le 20 novembre dernier, pendant que nous
commémorions nos mort·es ? Combien y avait-il de personnes cis pour le TDoR, le jour du souvenir trans ? Combien y avait-il de personnes pas pute le 17 décembre pour la journée mondiale contre les violences faites aux travailleureuses du sexes ? Et à contrario, combien de personnes sont là quand nous faisons la fête, quand nous sommes resplendissantes ? Combien de personnes viennent nous voir pour nous dire à quel point on est belle et inspirante dans ces moments-là ? Si on brille, c’est pour ne pas vriller ! Et des fois on fait les deux en même temps, mais combien de cis s’en rendent compte ?
Nous avons encore des question à vous poser. Est-ce que vous seriez là si Roz n’avait pas été violée ? Est-ce que vous seriez là si elle était « juste » morte à cause de la transmisogynie, de la toxicophobie, de la précarité ? Juste parce que c’était une punk schlag qui en chie ?
Quand est-ce vous deviendrez de vrai·es allié·es pour les luttes trans ? Que vous allez vous battre pour que les vivant·es restent vivant·es ?
A nos camarades trans assassiné·es, à nos camarade trans vivant·es, à notre sœur Roz, every day is trans day of vengeance ! Chaque jour est le jour de la vengeance trans !
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