Actualité et mémoire des luttes à Saint-Étienne et ailleurs
ACTUALITÉS RÉPRESSION - PRISON / RÉSISTANCES ET SOLIDARITÉS INTERNATIONALES
SAINT-ÉTIENNE / CHILI  
Publié le 25 août 2009 | Maj le 13 décembre 2020

Au Chili, le « délit de solidarité » et les lois anti-terroristes sévissent aussi


jeudi 10 septembre - 19H30 - dans l’immeuble occupé du 10 av Denfert-Rochereau. À synthé
soirée de soutien et d’info sur lutte mapuche au chili, avec bouffe prix libre, projection, débat/discussion
Tout l’argent récolté pendant la soirée ira en soutien aux prisonniers politiques mapuches

Depuis bientôt deux décennies, communautés et organisations Mapuche (peuple autochtone dont la population est estimée à environ 800.000 personnes et dont le territoire historique se trouve dans le sud du Chili et de l’Argentine) ont initié un nouveau cycle de revendication et de mobilisation afin de récupérer leur territoire et les droits civiques, politiques et sociaux qui y sont associés. Les actions de "récupération de terres" se sont souvent soldées par une répression policière entraînant des centaines d’arrestations, de blessés ainsi que l’assassinat par la police de plusieurs jeunes mapuche. Des dirigeants, militants et membres de communautés ont été condamnés lors de procès iniques, par des lois anti-terroristes datant de la dictature, à des peines de 5 à 10 ans de prison ferme pour des faits qu’ils récusent.

Suite aux nombreux rapports, dénonciations et rappels à l’ordre d’organismes des droits humains nationaux et internationaux, les gouvernements qui se sont succédés, et dernièrement celui dirigé par Michelle Bachelet, se sont vantés de mettre en place différents mécanismes législatifs et institutionnels en faveur des Mapuche. Outre le fait que ces différentes mesures sont contestées par les organisations indigènes qui n’ont été aucunement consultées et n’ont pas participé à leur élaboration, on constate que sur le terrain, les droits indigènes sont bafoués quotidiennement et la criminalisation des revendications des communautés est devenue une politique d’Etat – politique de stigmatisation de ceux/celles qui luttent et de criminalisation des mouvements sociaux. On dénombre une cinquantaine de prisonniers politiques Mapuche, dont certains se plaignent de violences, tortures et du manque de défense juridique, tandis que chaque semaine la police militaire réalise des opérations violentes au sein des communautés se soldant par des enfants blessés et traumatisés, et par des arrestations et humiliations d’hommes et femmes.

Les quelques journalistes indépendants et documentaristes chiliens et étrangers qui se sont intéressés à ces situations ont également fait les frais de cette répression : menaces, confiscation du matériel de travail, perquisition de leur domicile (et de ceux de leurs familles), garde à vue… certains affrontent aujourd’hui de lourd procès et des montages politico-judiciaires pouvant les condamner jusqu’à 15 ans de prison ferme. Toute personne non-mapuche sympathisant avec cette lutte est ainsi susceptible d’être accusée de mettre en péril l’Etat de droit.

Julia, jeune française, vivant avec sa fille de 21 mois, près des communautés du lac Lleu LLeu, en a fait la mauvaise expérience...

DÉCLARATION PUBLIQUE DEPUIS LE WALLMAPU
22 MAI 2009

Depuis le Wallmapu, territoire Mapuche occupé par l’Etat chilien depuis un peu plus d’un siècle, en mon nom Julia Gayout, je communique les faits suivants :

1 – La communauté Mapuche de Choque du lac Lleu Lleu où je vis (Sud du Chili) a initié une récupération de terre en juin 2008 réclamant plus de 100 000 hectares de terres ancestrales aujourd’hui plantées de pins et d’eucalyptus et aux mains des entreprises multinationales forestières Volterra y Mininco. La communauté a donc commencé à couper des arbres pour pouvoir cultiver la terre. Depuis lors, la communauté est complètement assiégée par les différentes forces répressives du Chili et en particulier par la PDI (police d’investigation). Le lac Lleu Lleu était déjà militarisé (campements des forces spéciales sur les terres des entreprises forestières, contrôles d’identités arbitraires, brutalité policière) pourtant la situation est chaque fois pire. Face aux agressions permanentes et aux persécutions de la part de l’Etat chilien, par l’intermédiaire de la PDI ou du GOPE (CRS locaux), la communauté de Choque a résisté et a repoussé les assauts consistant à vouloir réduire à néant la récupération de ses terres.

2 – Après tout un travail d’espionnage durant l’été et conformément au nom de l’opération policière qui vise à détruire la résistance Mapuche, torturer, emprisonner et tuer ses membres et sympathisants ("Opération Patience"), la PDI s’est finalement abattue brutalement le 11 avril au matin dans plusieurs foyers de la communauté et à Cañete, arrêtant 11 personnes, perquisitionnant violemment les maisons et menaçant jusqu’aux enfants avec des armes. Les Mapuche détenus ont été brutalement frappés par la PDI pour les forcer à avouer leur participation dans des attaques et un vol. Il s’avère que la police cherche aussi désespérément des armes dont il n’existe aucune trace et prétend donc découvrir de supposées cachettes en torturant les Mapuche physiquement et psychologiquement.

3 – Je me trouve moi-même menacée par le procureur du ministère public de Cañete pour délit de “recel” . Il paraîtrait qu’une carte SIM de portable volé aurait été installée dans mon propre portable pour effectuer des appels. Durant l’interrogatoire auquel j’ai été convoquée de manière obligatoire, une semaine après une perquisition médiatique dans ma maison, j’ai gardé le silence ; ce qui m’a valu plus d’une menace, à savoir : le refus du titre de séjour de permanence définitive, une peine de prison allant de deux mois à cinq ans et un possible ordre de détention applicable à n’importe quel moment.

4 – La perquisition de ma maison est complètement ridicule et démontre une fois de plus que le Chili n’a toujours pas effectué sa transition démocratique dans la pratique puisque la majeure partie des mes affaires emportée par la PDI se compose de documents et de livres qui ont à voir avec mes opinions politiques. De plus, cette perquisition a été accompagnée d’un chantage et de pressions médiatiques correspondant à l’éternelle rengaine raciste du journal Mercurio qui consiste à vouloir discréditer la lutte Mapuche au travers de faux liens avec l’étranger et visant l’emprisonnement des Mapuche.

5 – Si tout va bien, je serais en France du 30 mai au 9 juillet et souhaite pouvoir participer à des activités d’information de la lutte Mapuche et de dénonciation de la répression. Toute personne voulant appuyer les prisonniers politiques Mapuche et qui désire me contacter peut le faire par mail : bastaderepresion chez gmail.com

Julia Gayout

Autres références en français sur le Web :
http://mapuche.free.fr
http://www.mapuches.org
http://latelelibre.fr/index.php/200...

En español :
http://www.weftun.cjb.net
http://www.kilapan.entodaspartes.net

Le témoignage de Julia Gayout de retour dans son foyer perquisitionné, et après avoir été interrogée par le procureur de Cañete

Dimanche 17 mai, lac Lleu LLeu
J’ai tellement la rage que j’ai besoin de lâcher ce que j’ai sur le coeur et au diable les communiqués formels.
Avec les nerfs en pelote, je reviens enfin chez moi le samedi 16 mai dans la soirée après m’être assurée qu’il n’existe pas d’ordre de détention contre moi et après avoir laissé ma fille de 1 an et neuf mois en lieu sûr où elle n’aura pas à souffrir des pressions policières.

En découvrant l’état de ma maison, on pourrait penser que des voleurs pressés ont désespérément cherché quelque chose de valeur mais non…
Les documents laissés par la police ne laissent pas de doutes, ce sont eux, ceux de la PDI (police d‘investigation) qui ont laissé ma maison sans dessus dessous, à l’intérieur et à l’extérieur. Ils ont même laissé dehors les fringues de ma fille au sol, mouillées et pleines de terre. Ils ont marché sur mon lit avec leurs sales godasses et en plus ils se sont barrés avec un tas de choses qui n’apparaît pas sur leurs documents. Un autre bout de papier jeté au sol m’attire l’attention : une citation au ministère public de Cañete : Il est daté du 15 mai et me cite le 18 à 10 heures du mat’. Mais la perquisition a eu lieu le 8 mai et ce papier se trouve au sol, assez loin de la porte et baigne dans une marre d’eau : ils sont donc entrés une seconde fois ? Au moins cette fois, ils m’ont laissé une vraie citation et sans show médiatique ! Pourtant la communauté est une fois de plus assiégée, les allez et venues de voitures inconnues ne cessent pas, sans parler des gens qui passent et repassent de jour comme de nuit. En ce moment même, je prête attention aux voitures qui vont et viennent de l’Hôtel Camping Lorcura à côté de ma maison, de la même manière que durant le week-end de la Semaine Sainte quand la PDI a arrêté 11 personnes de la communauté, perquisitionnant violemment de nombreuses maisons et laissant plusieurs mamans seules sans revenus pour subvenir aux besoins de leurs foyers.

Les documents laissés par les flics décrivent (en partie) ce qu’ils ont emporté et en haut à droite apparaît le délit pour lequel j’ai gagné ma célébrité : "vol avec intimidation". Rien à voir avec ce que disaient les medias la semaine dernière. Je ne sais pas moi comment je ferais un vol avec intimidation avec un bébé dans les bras ni comment ils peuvent établir une relation entre ma maison et un fait pareil mais la liste des choses perquisitionnées est à mourir de rire : entre autres choses un livre d’Histoire de José Bengoa (Histoire d’un conflit est le titre) et 20 The Clinic (journal pseudo alternatif de la démocratie chrétienne). Ce seront je suppose des preuves de connexions idéologiques avec des voleurs qui intimident... A cela, il faut ajouter qu’ils ont effectivement emporté un livre qui a à voir avec les basques (ETA, Proceso en democracia) mais je ne suis pas sûre que cela puisse réellement m’élever à l’honorable rang dont la presse a fait écho, à savoir, être le bras droit de Batasuna au Chili. Ils ont bien sûr aussi emporté plusieurs livres anarchistes et l’un des titres qui apparaît sur leur document est "consumisme libertaire". C’était sans doute "communisme libertaire" mais on pardonnera l’ignorance de celui qui l’a écrit, la qualité principale d’un flic étant sûrement l’analphabétisme politique. Ça me fait d’ailleurs beaucoup de peine qu’ils n’aient pas fait grand cas de mes livres féministes et antispécistes puisqu’ils s’en sont allés avec une vision tout à fait partielle de mes opinions mais bon on sait bien aussi que la police préfère les clichés à la vérité. Ce qu’il manque (qu’ils ont oublié d’écrire) sur les documents de la perquisition sont entre autres choses : 200000 pesos (faut diviser par 700 pour l’avoir en euros), une pièce de mon chauffage à bois, ce qui rend impossible son fonctionnement et plus ou moins 20 pots de 1 litre, de liqueurs maison de fruits et de plantes…Ça nous donne une idée du bourrage de gueule que ces policiers culottés ont pu se gagner avec leurs amis des entreprises forestières !

On parle de 200 millions de pesos... 200 millions de pesos que l’entreprise forestière Mininco offre pour emprisonner les mapuche. Ce sont les flics eux-mêmes qui s’en sont vantés auprès des mapuche fraîchement prisonniers de la Semaine Sainte pendant qu’ils les emmenaient tout droit se faire taper sur la gueule en guise de pré-interrogatoire... Ils étaient bien contents les flics : pas mal d’argent et de promotions brillaient dans leurs yeux : les mêmes promotions que se sont gagnées les assassins en uniforme d’Alex Lemun et de Matias Catrileo.

Pourquoi ont-ils perquisitionné ma maison si médiatiquement, quand par ailleurs les medias apportent zéro couverture aux prisonniers ? Parce que le père de ma fille est mapuche ? Parce que je vis dans une communauté qui a initié une récupération de terre et qui s’oppose par ailleurs à l’installation d’une entreprise minière hautement polluante ? Un peu plus que ça. Je suis un petit rouage au milieu de la campagne diffamatoire menée par le journal Mercurio contre les mapuche. Cette campagne prétend établir de supposées connexions entre les mapuche et l’étranger pour délégitimer leur lutte et les emprisonner. Avec la perquisition de ma maison, la PDI et les medias qui suivent les directives du Mercurio ont fait un coup médiatique comme pour donner du crédit à ces supposées connexions. Il convient aussi de mentionner l’attitude peu professionnelle du procureur Ximena Hassi qui se permet de me convoquer oralement, via la télé, à un interrogatoire, un vendredi soir quelques heures après la perquisition sans même attendre que passe le week-end pour essayer de prendre contact avec moi de façon plus discrète et plus officielle. Ceci a permis aux medias de raconter tout un tas d’histoires sur mon compte et de me laisser dans le doute total loin de ma maison et seule avec ma fille. Ces medias se sont même permis de divulguer un tas de choses sur ma vie privée et mes supposées définitions idéologiques. Ils ont même publié l’identité du père de ma fille ajoutant qu’il ne serait à la maison que de temps en temps...!!! Mais est-ce que je permettrais moi de leur demander dans quels lits se trouvent leurs femmes ou leurs maris pendant qu’ils écrivent leurs mensonges sur les mapuche ? Mais bon en fait l’attitude du procureur et des medias en plus des perquisitions violentes de la PDI n’ont rien de surprenant puisque cela fait partie d’une persécution systématique contre les mapuche démontrant non pas un manque de professionnalisme sinon la volonté délibérée de violer les droits des mapuche et de ceux qui en sont proches.

Lundi 18 mai

De nouveau chez moi et de nouveau j’écris avec une oreille dehors. Les rumeurs vont bon train, nous pensons qu’il va y avoir de nouvelles perquisitions cette semaine. La répression n’arrête pas, l’enquête est déclarée secrète pour six mois, aucun avocat n’a accès aux dossiers. Le gouvernement veut des résultats et les pressions politiques sont énormes sur les juges, les commissaires, les directeurs de prisons... Nous avons les flics sur les talons en permanence, et nous chuchotons dans nos maisons parce que nous avons toutes les raisons de croire que s’y trouvent des micros.

Aujourd’hui, je me suis rendue au ministère public pour l’interrogatoire, pas le temps de trouver un avocat évidemment... Cette fois je suis sortie libre mais avec l’impression que ça va pas forcément durer. Le procureur qui m’a reçu parlait français avec des fleurs dans la bouche et de jolies manières dans les gestes. Il m’a même fait la bise ce c...! Malgré toute ma froideur et ma colère, il ne s’est pas laissé démonter et a gardé sa courtoisie jusqu’à la fin. Même quand il m’a menacé de compromettre ma demande de permanence définitive, de m’enfermer entre deux mois et cinq ans et de dicter à tout moment un ordre de détention contre moi, il est resté aimable. Il s’est juste agacé devant mon obstination à garder le silence et a laissé percevoir une petite désillusion quand je lui ai passé, sur sa très insistante demande, mon (nouveau) téléphone et qu’il s’est aperçu que ce n’était pas celui qu’il voulait. Etait également présent un avocat de la défense publique qui défendait très bien les intérêts de son employeur et le commissaire de la PDI. Tous ces petits messieurs m’ont donc informée que j’étais effectivement interrogée (inculpée ?) pour délit de "recel" parce que supposément la carte SIM d’un portable volé aurait été insérée dans mon propre portable pour effectuer des appels. Donc ça, ça vaudrait entre deux mois et cinq ans de privation de liberté.

Voila, c’est un peu long et pourtant y aurait bien plus à dire...

Plusieurs amis m’ont demandé ce qu’ils pouvaient faire, eh ! bien les éternelles mêmes activités de solidarité... Défendre la lutte des mapuche, dénoncer la répression, de toutes les manières que ce soit. Ici, nous avions dans l’idée, en plus des activités publiques d’informations et de dénonciations, d’organiser un voyage d’observateurs qui pourraient venir ici pour visiter les prisonniers et leurs familles et puis essayer ici aussi de dénoncer la répression et les mécanismes politiques qui en sont la cause. Le Chili déteste que des étrangers viennent se mêler aux mapuche, ça l’emmerde plus que tout, ce qui constitue à la fois un risque pour ces éventuels observateurs et en même temps un bon moyen de mettre des bâtons dans les roues. Je serais en France du 30 mai au 9 juillet et serai donc à disposition de toutes propositions, activités tranquilles et moins tranquilles.

Voici quelques liens pour celles et ceux qui parlent castillan…

Voilà ce que répercutent les médias sur cette affaire :
- les articles du journal Mercurio
- un article du journal Austral
- un article du journal El Sur
- un article de la radion La Cooperativa

Et, pour lire directement ce que les Mapuche ont à dire :
- Témoignages de perquisitions récentes
- Des images de la militarization de lac Lleu Lleu
- Communiqué de la Coordinadora Arauco Malleco
- Lettre ouverte des Prisonniers Politiques Mapuche de Concepción
- Lettre ouverte des Prisonniers Politiques Mapuche de Lebu
- Compte rendu d’un médecin qui a pu ausculter précairement les PPM de Concepción
- Communiqué public de la communauté Yeupeko après une nouvelle attaque des flics


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