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ANALYSES ET RÉFLEXIONS ARMEMENT - MILITARISATION / FLICAGE - SURVEILLANCE
AUVERGNE-RHONE-ALPES  
Publié le 17 juin 2022 | Maj le 22 juin 2022

Armement et technolologies sécuritaires : l’hydre à deux têtes


L’émission de La machine à découdre, sur Radio Dio, co-organisée par Le Couac et Halte au contrôle numérique, a reçu ce 12 juin 2022 un représentant de l’Observatoire des armements (Centre de documentation et de recherche sur la paix et les conflits), et des membres de NINA-Lyon.

Le samedi 25 juin à 15 h devant la CCI de Lyon, Place de la Bourse, 21 Rue de la République, est prévu un rassemblement autour de l’appel « La guerre se fabrique près de chez vous : Industries d’armements en Auvergne-Rhône-Alpes ».
Il est organisé par NINA-Lyon, avec le concours de l’Observatoire des Armements.

La guerre menée par le régime de Poutine contre les Ukrainiens est venue raviver les peurs d’un conflit généralisé en Europe. Le traitement médiatique, qui se polarise sur les souffrances effectivement dramatiques de la population, occulte le débat nécessaire sur la politique d’investissement dans l’armement et les technologies sécuritaires, ainsi que sur les usages et ventes extérieures de ces matériels.

Sans consultation démocratique, nos gouvernements décident d’une forte augmentation du budget qui y est consacré et du développement de nouvelles armes, au grand bénéfice des entreprises d’armement et de sécurité (non seulement les principaux majors du secteur, mais aussi une myriade de petites et moyennes entreprises réparties dans l’ensemble du territoire, notamment dans la région Auvergne-Rhône-Alpes).

Ainsi, des entreprises de notre région peuvent fournir des armes ou des systèmes de cybersécurité à des Etats comme l’Arabie Saoudite ou les Emirats Arabes Unis - qui les utilisent au Yémen - ou à Al Sissi pour réprimer le peuple égyptien. Elles peuvent aussi être retournées contre la population française, celle des banlieues populaires ou des gilets jaunes (après le Flash Ball, Verney-Carron vend le Super Pro 2 aux polices nationales et municipales).

Loire et armement, même combat ?

La Loire est, historiquement, un département qui a largement participé à la fabrication d’armes. Particulièrement Saint-Étienne, renommée Armeville à la Révolution française, où une manufacture royale y fut installée dès 1765. D’autres implantations eurent lieu à Saint Chamond et à Roanne, regroupées ultérieurement dans le GIAT (Groupement industriel des armements terrestres), devenu Nexter Group en 2003. Le rapprochement avec les allemands de KMW a donné naissance à Krauss-Maffei Nexter Defense Systems (KNDS), employant 8 300 salariés, dont 3 300 en France.

Après la fermeture du site stéphanois de la MAS (devenu la cité du design), reste le site de Roanne (le plus gros de France, avec près de 1 500 salariés, qui fabrique chars, véhicules de transport et canons), celui de Saint Chamond (NBC systems, 70 salariés, qui produit des masques et des systèmes de filtrage) et OPTSYS à Saint-Étienne (une trentaine de salariés dédiés à l’optique "protégée").

Par ailleurs, le secteur privé local a aussi contribué, en produisant des armes de chasse (notamment Manufrance, marque désormais limitée à la distribution) ou militaires et sécuritaires. L’un des derniers fleurons de cette industrie en est Verney-Carron (producteur, entre autres, du flash ball), rachetée par Cybergun, société dédiée à l’"airsoft", pour des joueurs utilisant des répliques d’arme à feu…

Cybersécurité et recherche

Le secteur de la cybersécurité est très présent dans la région AuRA, qui concentre 20% de la recherche nationale en la matière. La Loire y participe, principalement par le Laboratoire Hubert Curien, dépendant de l’Université Jean Monnet. Ses activités vont des recherches sur les datas (notamment détection des fraudes), sur la vision par ordinateur dans des "environnements sévères", sur l’analyse d’images de micro-expressions, sur la résistance aux attaques cryptographiques et sur la sécurité de documents d’identité.

L’application de techniques militaires au civil est croissante, et les activités mixtes (destinées aux deux, les "biens à double usage") rendent moins lisibles les frontières entre ces productions et leurs utilisations.

Le dernier rapport de l’Observatoire des armements, intitulé "La guerre se fabrique près de chez vous", a fait l’objet d’une présentation par deux étudiantes en science politique de Lyon, Élisa et Marie. Il montre la responsabilité des petites et moyennes entreprises de la région Auvergne-Rhône-Alpes dans l’alimentation de conflits internationaux et dans la répression de population.

Au milieu d’un inventaire de tout le complexe militaro-industriel régional, ce rapport présente, pour la Loire, les activités de Nexter (p.10), de Verney-Carron (p.12-13) ... et notre combat (victorieux) contre le projet Serenicity en 2019 (p.11, voir extraits ci-dessous).

Micros, mais aussi caméras et dispositifs de reconnaissance faciale "algorithmique" dont nous avons fait un inventaire pour la Loire. La convergence du militaire et de la surveillance de masse pour toutes et tous se confirme !

Extraits du rapport de l’Observatoire des armements 2022

Quand la société civile empêche l’installation "de grandes oreilles" dans un quartier populaire de Saint Etienne

Créée en 2018, Serenicity est une start-up spécialisée en cybersécurité qui, selon son site Internet, a pour ambition de "créer un large système de sécurité et de défense dédié aux villes, PME et grands groupes". Son président et co-fondateur n’est autre que Guillaume Verney-Carron, en charge de l’export et, depuis 2014, directeur de l’entreprise d’armement Verney-Carron.

À titre d’expérimentation, la municipalité de Saint Étienne projetait d’installer "des grandes oreilles" dans un quartier populaire, à savoir des capteurs enregistrant les sons et susceptibles de détecter des "bruits suspects". Des alertes pouvaient ensuite être envoyées à la police. Pour cela elle avait fait appel à Serenicity.

Mais en octobre 2019, le projet a fait l’objet d’un avertissement de la part de la CNIL pour "traitement illicite des données personnelles" car le système mis en place par l’entreprise pouvait capter aussi les voix !

Quelques mois plus tard, la mairie a fini par renoncer au projet (voir communiqué commun).

Selon l’enquête de La Quadrature du net, "le projet prévoyait en réalité deux phases : une première avec l’installation de ces capteurs et une seconde avec l’utilisation de drones "automatiques” équipés de caméras […] permettant de mobiliser les moyens d’intervention adaptés à la situation". La création d’une application de dénonciation citoyenne permettant aux habitants la "signalisation de problèmes" avait également été envisagée, avant d’être abandonnée "au vu des nombreuses contraintes techniques et juridiques qui se posaient."

Le renoncement à ces projets est le fruit d’une mobilisation menée par un collectif de plusieurs associations (Ligue des droits de l’homme, Stop Linky 5G Loire et Halte au contrôle numérique) qui a organisé de nombreuses actions et réunions publiques. "Nous essayons d’informer et de faire en sorte que les habitants se réapproprient le sujet. On a vraiment progressé puisque beaucoup de jeunes se mobilisent.

Nous organisons des actions comme un défilé carnavalesque contre les micros ou des rassemblements, tels que celui sur la reconnaissance faciale", confie Denis, un des animateurs du collectif Halte au contrôle numérique...

Pour écouter l’émission

Pour nous contacter : Halte au contrôle numérique

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