L’été, ce moment de détente et de transformation de la force de travail en travail de la consommation, est aussi le moment où tout l’assemblée se vide. Toute ? Non, il y a toujours une poignée qui résiste à l’appel de l’auto-bronzant et du tourisme de masse. Et bien sûr ce sont les textes les plus dégueus qui en sortent.
Un article de Rebellyon nous détaille les contenus de :
la loi sur les ingérences étrangères
le rapport du Sénat intitulé :
Luttes contre les influences étrangères malveillantes
Pour une mobilisation de toute la nation face à la néo-guerre froide.
Deux condensés de textes bellicistes qui, pour l’un rajoute des outils de contrôle et de repression envers les personnes « soupçonnées d’ingérence étrangère » ; et pour l’autre, va plus loin dans la prospective propagandesque du « narratif national » pour ... mobiliser la nation toute entière face à la néo-guerre froide. Deux outils donc pour alimenter la peur de l’étranger mais aussi pour, de la part de l’Etat, transformer en traitre toute personne qui oserait critiquer la guerre...ça vous rapelle rien ?
Précisons en passant que le fameux groupe sénatorial de reflexion sur les ingérences étrangères est composé de rédacteurs ... PS !
Un été, comme on le voit, riche de « concordes nationales » diverses et variées, laisse place à la rentrée. Et l’école doucement reprend la main.
Soumission Nationale et Uniformes
Promesse de Macron 1er, le Service National Universel a eu du retard à l’allumage, à grand renfort de youtubeurs mascus (tiboinshape), de prose nationaliste (la jeunesse s’engage), de chantage à la réussite scolaire (parcoursup) et de collaboration résiliente des profs, on voit que son nombre d’inscrits progresse.
Le 13 septembre, la Cour des comptes publiait son rapport sur le SNU. En quelques mots, le SNU ne motive pas les jeunes (taux de désistement à 28%),il coute cher, sa généralisation est très mal préparée et pourrait couter jusqu’à 5 milliards d’euros, sa gouvernance interministérielle (éducation nationale et armées) « demeure à construire », et l’objectif de mixité sociale n’est « pas atteint ».
On a vu comme un seul homme les medias de droite reprendre l’info, pourquoi ? Ben tiens, pour le débat citoyen evidemment ! Visez plutôt les comm’ du Figaro :
Face aux critiques de la Cour des comptes, le ministère ne pouvait pas faire l’impasse d’un communiqué pondu illico afin de tenter de sauver les meubles. On apprendra entre autres que les jeunes sont très contents de leur séjour et que le SNU est un « formidable outil d’émancipation et d’engagement citoyen ». Encore un bel exemple du « narratif positif » de l’Etat.
Dernier point lexical qui a retenu notre attention, concernant la généralisation du SNU, la Cour des comptes estime qu’il semble difficile « d’imposer cette nouvelle sujétion (un séjour de cohésion obligatoire) à cadre constitutionnel constant ».
En effet, les adultes français.es n’ignorent pas qu’ils et elles sont des sujets de l’Etat français avant d’être des individus. Qu’en est-il des jeunes ?
Le Monde cite le Conseil d’Etat qui en 2019 avait précisé que la généralisation demanderait une révision constitutionnelle. Ce qui pose deux problèmes : « En premier lieu, il convient de savoir si le SNU relève des »sujétions imposées par la défense nationale aux citoyens« , selon les termes e la Constitution. En second lieu, se pose la possibilité d’imposer une sujétion aux mineurs : la loi ne permet a priori d’imposer des sujétions qu’aux citoyens, statut dont ne relèvent pas les jeunes de 15 à 17 ans, placés sous l’autorité de leurs parents. »
Rassurons nous, et nos gosses, bien que seulement suspendu en 1997, le service militaire n’est pas prêt de revenir en France mais ça n’est pas le cas partout. Déjà plusieurs pays d’Europe font machine arrière.
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La Lituanie a rétabli le service militaire en 2015, la Suède en 2018, la Lettonie en 2023.
L’Allemagne y reflechit et le Danemark, la Suisse, la Finlande, la Norvège, la Grèce et l’Estonie, elles n’ont jamais supprimé le service militaire obligatoire.
En Lituanie, on revient aussi sur des textes.
Par exemple la convention d’Oslo, ce traité international signé par 112 pays qui visait à interdire l’usage des bombes à sous-munitions. Les bombes à sous-munitions, ce sont ces bombes qui éclatent en larguant d’autres munitions, donc aussi d’autres bombes. Une arme dont le but est ainsi de frapper massivement et de manière indiscriminée. Ce type d’engin est un fléau particulièrement mortel pour les civils qui pourraient se trouver à proximité d’attaques.
De plus, lorsque les sous-munitions n’explosent pas de suite, il y a toujours le risque qu’elles se déclenchent sous vos pas. On comprend bien la motivation à interdire ce genre d’armes.
Bien sûr, ni la Russie, ni les Etats-Unis, ni la Chine, ni l’Ukraine, ne figurent parmi les signataires.
Cependant le parlement européen plaidait en 2008 pour ce texte, se targuant d’adhérer à des valeurs opposées aux autres grandes puissances qui sont, par définition, des méchants.
Eh bien la Lituanie a décidé de se retirer de la convention d’Oslo. Figurez-vous que parfois c’est pratique de mettre les « valeurs » de côté, ou plutôt, d’un seul côté. Comprenez : Poutine est un méchant puisqu’il utilise des bombes à sous-munitions. Donc (c’est là que c’est perfide) nous on s’autorise aussi à utiliser les bombes à sous-munitions, mais ça ne fait pas de nous des méchants parce que avant on avait des valeurs, mais maintenant on est en guerre.
Dans la bouche d’une « spécialiste des questions internationales et des pays baltes », ça donne :
« Beaucoup d’accords sur les mines ou les armes à sous-munitions avaient été signés pour se mettre en conformité avec les valeurs occidentales, après l’ère soviétique. Aujourd’hui la situation est différente : la priorité n’est plus d’afficher des valeurs, mais d’assurer la protection des citoyens. »
La logique n’a qu’à bien se tenir.
Dans le même genre, on peut lire dans Libération du 11 septembre : 90 000 soldats, 400 navires, 120 aéronefs… Vladimir Poutine lance avec la Chine un exercice militaire XXL dans le Pacifique.
Là où ces descriptions de déploiements spectaculaires d’engins tous plus mortifères les uns que les autres nous glacent d’effroi, les journalistes de Libé oublient de faire le lien avec les exercices Steadfast Defender ou Orion.
Steadfast Defender est un exercice géant de l’OTAN qui s’était tenu entre janvier et mai 2024 et avait mobilisé, pareil, 90 000 soldats et des centaines d’engins.
Pour Orion, c’était une belle idée de la France, l’exercice avait mobilisé 12 000 soldats et surtout, c’était pour « la cohésion nationale » et le lien « armée-nation ».
Qu’on se comprenne, si nous faisons le parallèle entre les différents exercices militaires, ça n’est pas pour défendre l’un ou l’autre des « camps » mais précisément pour démasquer la polarisation en cours, la fabrique de l’ennemi bref, la préparation à la guerre.
Qui l’eut cru ? Pour améliorer votre cohésion entre camarades, vous pouvez demander de l’aide aux bidasses !
Retour en France, un article du site obsarm.info, daté du 3 septembre 2024, décortique un rapport parlementaire par lequel on comprend que la valeur des exportations de « bien à double usage » en direction d’Israel avait été multipliée par ... 6 en 2023.
Ca fait maintenant presque un an que l’armée israelienne pilonne la Palestine avec des engins de plus en plus meurtriers, que des groupes et des associations dénoncent les carnages à répétition sur place mais c’est bien connu, les industriels tiennent à leurs clients comme une moule à son rocher. Aucune considération éthique à avoir, c’est précisément la loi du marché comme dirait l’autre.
En parlant d’éthique, on attend impatiemment le 25 septembre jour de fin du procès de plusieurs généraux de l’armée française au coeur d’un procès pour corruption et favoritisme qui s’est ouvert le 16 septembre.
L’Usine Nouvelle, 26 aout 2024
Il en est quelques-uns qui ont refusé de cautionner ce que faisait leur entreprise. Il s’agit par exemple d’employé.es de l’entreprise étasunienne DeepMind, la division IA de Google, qui dénoncent depuis le printemps la discordance entre les principes IA de l’entreprise et les contrats passés avec des organisations militaires.
Est notamment pointé du doigt le fameux projet Nimbus, un contrat de 1,2 milliards de dollars passé avec l’armée et le gouvernement israéliens. Un service cloud destiné à rationaliser toutes les opérations gouvernementales et militaires d’Israel.
Ce cloud donnerait à Israel des capacités de detection faciale, de traitement automatisés d’images ou même « d’analyse de sentiments ».
Lettres, protestations, manifestations, Google n’en a que faire.
En avril dernier déjà, l’entreprise la plus puissante du monde annonçait avoir licencié 28 employés après que certains d’entre eux ont participé à des manifestations contre le contrat de cloud de l’entreprise avec le gouvernement israélien.
Là où l’Usine Nouvelle montre l’implacable rouleau compresseur idéologique de la firme, nous voyons le courage de quelques employé.es qui ont pris conscience de la machine à laquelle ils et elles collaboraient.
Un encouragement venu d’outre mer qui pourrait inspirer nombre d’employé.es de ce côté de l’Atlantique !
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