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Publié le 25 mai 2004 | Maj le 24 octobre 2020

Répression en Algérie : le Printemps Noir n’est pas fini ! « c’est la terreur à Tkout »


Hamid Ferhi, président de la coordination du mouvement citoyen d’Alger et responsable du MDS revient de Tkout où il a séjourné quatre jours avant d’être chassé de la ville par la gendarmerie. Il est le témoin direct des évènements qui ont secoué cette petite localité des Aurès soumise à une répression féroce d’un pouvoir décidé à briser les reins au mouvement citoyen qui dérange tant.
(source/photo : journal le Matin d’Algérie, du 25 mai 2004)

Le Matin : Est-il vrai que la gendarmerie de Tkout vous a chassé de la ville dimanche soir ?

Hamid Ferhi : Effectivement, j’ai été interpellé dimanche soir par la gendarmerie de Tkout, alors que je me trouvais dans un café. Ils ont fouillé toutes mes affaires, mais alors là vraiment toutes, mes notes, les déclarations, tous les papiers que j’avais sur moi, avant de me demander de quitter la ville. Ils m’ont dit que j’étais indésirable ici, que je n’avais aucun droit de rester sur place. Puis ils m’ont demandé de choisir : quitter la ville seul ou être chassé par la force. Les gendarmes étaient venus nombreux. Une dizaine environ. Six d’entre eux ont investi le café où je me trouvais et le reste était stationné dans une Land Rover au coin de la ruelle où se trouve ce café. J’ai décidé de quitter les lieux sans faire de tapage. Vous savez, une terreur terrible s’est installée dans cette région.

Qu’est-ce qui a motivé votre déplacement à Tkout ?

J’y suis allé en tant que membre du mouvement citoyen et responsable du MDS (Mouvement démocratique et social) dont un membre, je vous le rappelle, a été arrêté lors des évènements qui ont secoué la ville le week-end dernier. Il s’agit du responsable du bureau MDS de Tkout, Djamel Mereghi, lequel est accusé d’avoir affiché en ville une déclaration que nous trouvons tout à fait normale. On lui reproche d’avoir utilisé le terme de « système pourri » dans ce communiqué et d’avoir appelé à la mobilisation. A aucun moment Djamel Mereghi n’a cependant appelé à une manifestation.

Très peu de témoignages directs nous sont parvenus de Tkout. Que se passe-t-il exactement là -bas ?

Le plus frappant est ce climat de terreur qui s’est abattu, et qui continue à sévir d’ailleurs, sur cette ville. La population a vraiment très peur, et tout a été fait pour entretenir cette situation. Les gendarmes continuent à organiser des descentes nocturnes durant lesquelles les jeunes sont tabassés et contraints de rentrer chez eux et de ne plus bouger. J’ai d’ailleurs assisté à l’une de ces opérations à travers les persiennes d’une maison dans laquelle je me trouvais et entendu de mes propres oreilles les insultes et vulgarités débitées par les gendarmes en direction de cette population. Ils rentrent dans les domiciles pour, prétextent-ils, rechercher les fugitifs, mais l’objectif est en réalité de maintenir ce climat de terreur. Les gens ont fini par ne plus sortir la nuit, un couvre-feu s’est installé de fait. La peur s’est emparée de la ville, voilà ce que je peux vous dire. On ne l’a pas assez dit, mais il ne faut pas oublier que des personnes interpellées suite aux émeutes qui se sont déclenchées ont été torturées. J’ai personnellement rencontré des jeunes qui m’ont décrit les sévices dont ils ont été victimes. Ils les ont torturés au niveau des parties génitales. Ce sont les plus jeunes, ils ont été ensuite relâchés. Certaines de ces personnes n’étaient même pas sur place au moment où les évènements ont éclaté.

La ville est toujours encerclée ?

Absolument. Les barrages ont été même renforcés dimanche en prévision de la visite de la délégation des aârouch de Kabylie dont une partie, dans laquelle se trouvait Belaïd Abrika, a été refoulée. Certains d’entre eux ont pu cependant se faufiler et assister au procès qui s’est déroulé hier à Arris. Une grande pression a été exercée sur les notables de la ville pour que personne ne les accueille. Pour revenir aux barrages, il en a été dressé trois entre Arris et Tkout et sept entre Tkout et Biskra. La population refuse d’ailleurs de se déplacer, elle préfère les éviter.

Avez-vous eu des informations au sujet des prisonniers ?

Ils sont détenus dans des conditions effroyables. Ils sont entassés à raison de 38 personnes dans des cellules de 3,5m sur 6m. Les chiffres sont contradictoires, mais nous pensons qu’une soixantaine de personnes est actuellement en prison.

Que deviennent les fugitifs ?

Après avoir erré quelques jours dans les montagnes et les forêts, ils ont réussi à trouver un chemin pour se réfugier chez des amis dans d’autres villes, y compris la capitale.

Quel est, selon vous, l’objectif des autorités dans cette affaire ?

Le but essentiel est de mettre fin à la contestation. Ils veulent donner l’exemple avec Tkout car il représente le mouvement citoyen dans l’interwilayas. En fait, ils veulent en finir avec le mouvement citoyen dans sa globalité. Je me suis également déplacé à Ouled Rechache, plus connu sous le nom de Zoui, à Khenchela ; la répression qui s’est abattue sur les délégués du mouvement il y a quelques jours est similaire à celle qui sévit à Tkout. A la seule différence, ce sont les CNS qui mènent les opérations. Les forces de l’ordre ont des listes et recherchent les animateurs du mouvement. Là aussi les personnes arrêtées ne se trouvaient même pas sur les lieux au moment où les émeutes ont éclaté. C’est le cas de Hamid, un étudiant arrêté et torturé. Ouyahia a signifié clairement que la récréation était finie. Il a déclaré face aux caméras que pour un pneu brûlé les gens seront punis.

De quelle manière peut évoluer la situation à Tkout selon vous ?

C’est très difficile de se prononcer pour le moment. Ce qui est sûr, c’est que la population menace d’entreprendre une grève générale et de reprendre les émeutes si les prisonniers ne sont pas relâchés.

Propos recueillis par Abla Chérif
24-05-2004


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