Les travaux et enquêtes de cette Commission ont permis en février 2005 de déposer 6 plaintes contre X pour « complicité de génocide et complicité de crime contre l’humanité » auprès du doyen des juges d’instruction du tribunal aux armées.
Ces associations organisent une rencontre le mardi 22 mars prochain à 18h30 dans les locaux de l’Université Lyon III (voir ci-dessous ou pièce jointe) et lancent une pétition (cf. texte joint) Cette pétition sera remise à la Préfecture et au Palais de justice en juin prochain.
Avec la participation de
Georges KAPLER : « présentation de témoignages dans le cadre de la Commission d’enquête citoyenne »
Antoine NYAGAHENE : historien rwandais, professeur de géopolitique africaine à BIOFORCE. Auteur du livre « Histoire et peuplement. Ethnies, clans et lignages dans le Rwanda ancien et contemporain »
Laure CORET : Secrétaire d’Aircrige et coordonnatrice de l’ouvrage : « L’horreur qui nous prend au visage. L’État français et le génocide au Rwanda »
Quelques explications
Pour la comparution devant la justice internationale ou les juridictions nationales compétentes des Français complices de génocide au Rwanda.
Depuis 1990 la France est activement présente dans la région des Grands Lacs africains, notamment en soutenant le Président rwandais Habyarimana dans la guerre civile qui déchirait le Rwanda. Cette guerre civile est l’origine du génocide de 1994. D’avril à juillet 1994 (FAR), en cent jours, un million de Tutsis ont été exécutés par les milices Hutus, les Forces armées rwandaises et la Garde présidentielle, pour le simple fait d’être Tutsi. Ce génocide a été précédé du massacre de Hutu refusant la politique génocidaire du gouvernement rwandais. La France, en formant, armant et encadrant les FAR et la Garde présidentielle, en soutenant diplomatiquement et financièrement le pouvoir génocidaire, a des responsabilités dans le génocide.
La complicité française a d’abord été mise en lumière par les enquêtes du sénat belge, de l’OUA, de l’ONU, alors que les conclusions de la Mission d’information parlementaire française de 1998 - qui n’avait pas les moyens d’une mission d’enquête - dédouanaient les autorités françaises.
Une Commission d’Enquête Citoyenne, organisée en mars 2004 par 4 associations françaises (Survie, Cimade, Aircrige, Observatoire des transferts d’armements), a démontré les graves implications de la France dans le génocide. Les travaux et enquêtes de cette Commission ont permis en février 2005 de déposer 6 plaintes contre X pour « complicité de génocide et complicité de crime contre l’humanité » auprès du doyen des juges d’instruction du tribunal aux armées.
Des premiers travaux de la Commission d’enquête citoyenne, du livre de Patrick Saint Exupéry L’inavouable (éd. les Arènes, mars 20004) et d’interviews dans la presse, nous avons extrait les quelques éléments ci dessous
La France au Rwanda de 1990 à 1993
Entre 1990 et 1993 La France a soutenu le gouvernement du président Habyarimana, collaboré et participé à la formation des militaires des Forces armées rwandaises (FAR), vendu des armes régulièrement au gouvernement alors que le Rwanda était déchiré par la guerre civile. Les 150 hommes qui assuraient ce travail de formation d’officiers et de sous-officiers rwandais provenaient du 8e régiment parachutiste d’infanterie de marine (RPIMA) et du 2e REP, deux régiments de la 11e division parachutiste.
En 1993 un rapport de la FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme) et de Human Rights Watch parle d’un génocide en préparation en livrant le témoignage d’un « repenti » des escadrons de la mort rwandais ; un rapport de l’ONU parle quant à lui de la nécessité de détruire les caches d’armes installées sur le territoire par les forces rwandaises. Ces rapports sont remis à l’Elysée ; ils resteront sans effet.
Le rapport d’enquête du sénat belge publie une note de service des renseignements belges qui dénonce « une participation française allant bien plus loin qu’il n’est admis officiellement », par exemple : deux militaires français mettaient le réseau téléphonique sur écoute, surtout les téléphones des ambassades.
L’échec du processus d’Arusha (négociation entre toutes les parties rwandaises en août 1993) allait libérer les forces destructrices et assassines contre la population tutsi et les Hutu refusant de transformer leur voisin en cible.
La France durant le génocide
L’assassinat du président Habyarimana le 6 avril 1994, alors que son avion atterrissait sur l’aéroport de Kigali, restera le prétexte utilisé par les milices hutu pour déclencher le génocide contre les Tutsi.
Le 27 avril 1994, 20 jours après le début du génocide, la France a accueilli à l’Élysée, au Quai d’Orsay et à Matignon, le ministre des Affaires étrangères du pouvoir génocidaire - le GIR (Gouvernement intérimaire rwandais) -, Jérôme Bicamumpaka, accompagné d’un leader réputé pour son fanatisme ; et ce malgré les avertissements d’organisations des droits de l’Homme, qui ont mis en garde l’exécutif français contre la caution ainsi apportée aux autorités en train d’administrer le génocide.
Le 10 mai 1994 le général Huchon, chef de la coopération militaire française, reçoit le général Rwabalinda, conseiller en chef de l’état major des FAR. Une liaison sécurisée sera mise en place entre le ministre de la Défense du gouvernement génocidaire et le général Huchon.
Entre le 19 avril et le 18 juillet 1994, selon le journaliste Patrick Saint Exupéry, deux sociétés dont l’entreprise française Dyl Invest ont organisé 6 livraisons d’armes pour un montant de 5485395$. Curieusement, Dominique Lemonnier, fondateur de Dyl Investn est décédé d’une crise cardiaque après un repas à Annecy en 1997.
Selon l’historien Gérard Prunier, Philippe Jehanne, conseiller DGSE du ministre de la Coopération Michel Roussin, a admis que la France livrait des armes au camp du génocide ; dans un entretien avec Médecins sans Frontières, le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, a déclaré avoir mis fin aux livraisons d’armes fin mai 1994 (alors que le génocide est aux trois-quarts achevé), tout en laissant entendre que l’Élysée pouvait continuer.
En juin 1994, lors du lancement de l’opération « Turquoise », l’armée française choisit pour y participer les hommes qui avaient dans les années antérieures soutenu le combat des FAR et la stratégie de constitution de milices.
Le 1er juillet 1994 vers 13h, à Bisesero, le journaliste Patrick Saint Exupéry constate : « À quelques mètres de moi se tenait un officier de cette unité d’élite qu’est le GIGN. Il était debout raide sur ses jambes et paraissait ailleurs. Je me souviens de l’avoir fixé à cause d’un détail : sur son uniforme de gendarme il portait une vareuse de l’armée rwandaise. Il s’est tourné vers nous et a dit : »L’année dernière, j’ai entraîné la garde présidentielle rwandaises« . Il avait formé les tueurs. »
Les commentaires de deux témoins qui disent tout en si peu de mots.
Le général Dallaire, qui a dirigé la mission de l’ONU chargée de la paix au Rwanda, déclare au journal Le Monde le 9 décembre 2003 : « Voyons, l’ONU ne peut rien ! L’ONU n’a pas de troupe ! L’ONU était sous le joug des États-Unis et de la France qui, pour des raisons diverses, ont tout fait pour torpiller ma mission et fini par aider les auteurs du génocide. »
Hubert Védrine a déclaré à Patrick Saint Exupéry : « Si nous avons une responsabilité au Rwanda c’est à la manière de Nixon et Kissinger qui enclenchèrent le processus menant au génocide cambodgien ! »
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