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ACTUALITÉS RÉPRESSION - PRISON
ISERE (38)  
Publié le 20 mars 2011 | Maj le 25 novembre 2021 | 3 compléments

Mouvement de révolte à la prison de Saint-Quentin Fallavier (Isère)


Les medias nous ont appris que le jeudi 24 février, une mutinerie avait eu lieu au centre pénitentiaire de Saint-Quentin Fallavier. Comme toujours dans les « grands » medias, nous n’avons entendu que le point de vue des syndicats de surveillants. En tous cas surtout pas celui des prisonniers révoltés. Nous (des animateurs d’émissions de radio anti-carcérales de saint-étienne et de valence) sommes allés devant la prison pour chercher d’autres sons de cloche...

On nous avait dit dans les journaux et à la télé qu’une quarantaine de détenus avaient refusé de retourner en cellule après la promenade, et qu’ils avaient détruit des grillages.
Des ERIS (Equipes Régionales d’Intervention et de Sécurité) étaient alors intervenues en grand nombre (3 à 6 cars selon les versions). Ce sont des équipes spéciales de surveillants pénitentiaires, super équipés, super entraînés, et cagoulés, qui interviennent entre autres pour ramener l’ordre dans les prisons [1].
Cela s’est passé à l’heure des parloirs, donc des personnes venues visiter un proche détenu étaient devant la prison. Elles ont entendu des tirs à l’intérieur et vu deux ambulances entrer et sortir. Une centaine de gendarmes sont aussi intervenus.
La version « officielle », c’est-à-dire celle des syndicats de surveillants, est que cette révolte est causée par la nourriture servie par la sodexo, entreprise privée qui gère la nourriture servie aux prisonniers depuis janvier : viande avariée, rupture de la chaîne du froid...
Le syndicat UFAP pénitentiaire de st-quentin avait par ailleurs publié deux communiqués une semaine avant ce mouvement de révolte : ils dénonçaient les tensions internes à la prison, comme toujours imputées uniquement à la violence des détenus. Ils demandaient qu’un grand nombre de prisonniers soit transféré afin de rétablir l’ordre, et sollicitaient le soutien des autorités et la présence des ERIS pour « parer à l’éventualité d’une rebellion organisée par la population pénale » et « sécuriser le personnel ».
Ils dénonçaient aussi déjà, une semaine avant la révolte, les problèmes graves liés à la gestion de la nourriture par la Sodexo. On aurait pu croire qu’ils dénonçaient cela par compassion pour les détenus. Mais non : ils craignaient que ces derniers, exaspérés ne se rebellent et que cela pose un problème de sécurité !
Bref, une semaine avant le blocage de la promenade par quelques dizaines de détenus, les syndicats de surveillants affirmaient que la situation était tendue, notamment à cause des problèmes de nourriture, et ils demandaient un renfort sécuritaire.
Une fois de plus les surveillants dénoncent ce qui se passe en prison uniquement du point de vue de la sécurité et de leur sécurité. Ils se plaignent et demandent uniquement des moyens répressifs. Ils ont quasiment le monopole de la parole au sujet de la prison et en donnent une vision très subjective.

Décrire les surveillants comme désemparés et désarmés face à des détenus violents et impunis est une technique fréquente de la part de leurs syndicats. Souvent, quand on écoute la parole des prisonniers, elle dit autre chose … !

Cette révolte nous touche.

Nous ne savons pas précisément ce qui l’a déclenchée ni comment elle s’est déroulée mais nous savons que les prisonniers ont 1000 raisons de se révolter, que leur parole ne circule quasiment pas à l’extérieur, et que le moindre mouvement de protestation en prison est très dûrement réprimé..

Donc nous sommes allés devant la prison une semaine après ce mouvement pour recueillir infos et témoignages, pour faire circuler d’autres versions que celles de l’AP et des syndicats de surveillants. Nous avons discuté avec des détenus du centre de semi-liberté [2], et avec les gens qui allaient voir un proche au parloir, pour leur demander s’ils pouvaient faire sortir des informations et proposer du soutien face à la répression, si nécessaire.

Voilà les quelques infos que nous avons recueillies. Bien entendu elles sont partielles et il y a diverses versions, car il est très difficile d’obtenir des infos sur ce qui se passe derrière les murs. Nous ne prétendons pas à une quelconque objectivité, mais c’est sûr que ces paroles sont révélatrices d’autres sons de cloches que ceux de l’Administration Pénitentiaire.

Des dizaines de prisonniers de la maison d’arrêt [3]. avaient donc refusé de rentrer en cellule à 11h à la fin de la promenade, et ce jusqu’à 15h.

Tout le monde nous a dit que, suite à ce blocage, il y avait eu de 30 à 40 transferts (détenus déplacés dans une autre prison pour casser la rebellion et sanctionner, isoler et éloigner certains prisonniers), certains ont notamment été envoyés en région parisienne.
Et tout le monde nous a dit que les mitards (cellules du quartier disciplinaire) étaient remplis, soit une trentaine de personnes ainsi punies. Déjà, pas besoin d’être un fin mathématicien pour constater que 60 ou 70 personnes ont été sanctionnées alors qu’on nous parlait de 30 prisonniers qui bloquaient la cour. Souvenons-nous qu’avant même ce mouvement, les syndicats demandaient un transfert en nombre. Ils ont obtenu ce qu’ils voulaient : faire taire et calmer les prisonniers.
Autre sanction collective : de nombreuses personnes nous ont rapporté que sur au moins un étage entier (et probablement toute la prison), les prisonniers ont été enfermés en cellule pendant au minimum 4 jours sans aucune sortie, aucune promenade, rien. De quoi devenir fou. Ce genre de punition collective suite à une révolte en prison, qui touche tous les prisonniers même ceux qui n’y ont pas participé, est une technique systématique de répression en prison. Même les détenus du centre de semi-liberté qui, à l’écart, n’ont absolument pas participé, ont été enfermé en cellule tout le week-end. Le prétexte fourni : le manque de personnel. Un détenu en semi-liberté nous fait remarquer que pourtant, depuis la privatisation d’une grande partie des services quotidiens dans la prison, les surveillants sont aussi nombreux alors qu’ils ont moins de travail : ils ne gèrent quasiment plus que la surveillance et la sécurité.

Ensuite, on nous a parlé d’un déploiement d’ERIS et de gendarmes énorme. Imaginez des détenus désarmés face à une armée de robocops cagoulés. Evidemment les forces sont démesurées et déséquilibrées. On sait qu’il y a eu des tirs de flashballs, des détenus tabassés, avec au moins un bras cassé.
Il nous semblerait logique que des détenus subissent aussi la répression judiciaire mais nous n’arrivons pas à savoir si des procès sont prévus. Il serait important de se renseigner sur ces procès et de soutenir les accusés.

Plusieurs personnes ont confirmé la version officielle : la cause du mécontentement était la bouffe avariée servie par la sodexo. Mais d’autres nous ont aussi expliqué qu’une fouille de cellules avait eu lieu la veille à 21h, ce qui semble peu réglementaire, et avait dans tous les cas passablement énervé les détenus. Une fouille est une sorte de perquisition de cellule lors de laquelle les affaires personnelles peuvent être mises sans dessus dessous, renversées, abîmées...
Des dizaines de prisonniers auraient alors décidé de protester en organisant pour le lendemain le blocage de la promenade.

Une autre version rapporte que les « détenus incontrôlables » seraient un groupe de jeunes détenus faisant des gags aux surveillants : se cacher dans la cellule d’un autre, jeter du dentifrice dans le dos d’un surveillant, etc. Tout serait parti de là.

Quand on leur a demandé s’ils connaissaient les raisons de ce mouvement, les prisonniers du centre de semi-liberté ou les proches en ont raconté plusieurs, et ont révélé en fin de compte qu’une longue liste de mécontentements, cumulés, ont pu mener à cette révolte :
- depuis leur privatisation, les cantines (système par lequel les prisonniers peuvent acheter des produits par correspondance) fonctionnent n’importe comment : on reçoit de la lessive alors qu’on avait demandé du café, etc.
- la nourriture est infâme,
- quand ils sont deux en cellule, les détenus paient chacun pour une seule télé et un seul frigo... donc ils paient double !
- Les activités sont quasi inexistantes et pas satisfaisantes,
- ...

Ça nous semble important de soutenir des prisonniers qui se révoltent, de faire savoir ce qui s’est passé, pourquoi et comment...

Il nous a semblé que des gens avaient envie de parler mais avaient un peu peur. Face à la machine carcérale, la méfiance est un réflexe. Les prisonniers n’ont pas l’habitude qu’on leur propose de parler et qu’on s’intéresse à ce qu’ils ont à dire. Pourtant ça nous semble primordial. Le silence autour de ces évènements nous effraie.

Bref, nous cherchons toujours des informations sur cette révolte et ses suites !
Nous cherchons de manière générale des infos, témoignages et points de vue sur la prison.

Ecrivez-nous !

Emission Papillon
chez Radio Dio
14 bis rue de roubaix
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42002 Saint-Étienne cedex 1
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L’émission Papillon est diffusée en direct sur Radio Dio, 89.5FM à saint-étienne, le 1er dimanche du mois, de 17h30 à 19h. (écoutable à la maison d’arrêt de la Talaudière)
Ecoutable en direct sur internet : www.radiodio.org
Elle est aussi rediffusée le 3e mardi du mois à 20h sur Radio Canut, 102.2 FM à lyon, donc écoutable entre autres à la Maison d’arrêt de Corbas.

P.-S.

A noter qu’un autre mouvement de révolte a eu lieu quelques semaines plus tôt à la Maison d’Arrêt du Val d’OIse, à Osny. Fait très rare : au bout d’une semaine de tensions et de protestations, ce sont deux cent prisonniers qui ont fini par refuser de remonter en cellule. Comme toujours : répression féroce, transferts, sanctions disciplinaires et procès... Et on n’entend nulle part le point de vue des prisonniers eux-mêmes. Quelques infos :
http://juralibertaire.over-blog.com/article-mutinerie-a-la-maison-d-arret-d-osny-val-d-oise-4-fevrier-66523971.html

Notes

[1A savoir que des témoignages répétés montrent comment le rôle des ERIS, c’est d’être violents. Par exemple, trois prisonniers ont porté plainte pour « violence » de la part des ERIS qui les ont selon eux tabassés en cellule à la prison de Corbas, suite à des mouvements de protestations. Plus d’infos en cliquant ici.

[2Bâtiment à l’écart du reste de la prison, dont les détenus peuvent sortir une partie de la journée, pour travailler ou chercher un emploi.

[3Le centre pénitentiaire de st-quentin comporte une maison d’arrêt, un centre de détention et un centre de semi-liberté.


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