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Publié le 28 octobre 2005 | Maj le 14 juin 2020

Depuis les frontières entre le Maroc et l’Espagne... Témoignages de sans papiers


Assassinats et déportations sans frontières

Les témoignages qui suivent résument et reflètent bien la vision des migrants de Nador sur la tentative d’assaut de Melilla.

Voilà des témoignages qui font suite à un article déjà publié sur le Numéro zéro, à propos des gens qui ont essayé de passer les frontières à Ceuta et Melilla, entre le maroc et l’espagne.

Aux alentours de 2h30 du matin (heure marocaine), nous sommes arrivéEs devant les barbelés de la frontière. Nous avons vu quatre hélicoptères, trois espagnols et un marocain. A peine traverser le premier grillage, ils ont commencé à tirer dans notre direction et à lancer des gaz lacrymogènes. J’ai vu deux corps tomber à côté de moi. La police marocaine nous encerclait par derrière et la police espagnole par devant. Certains flics espagnols se trouvaient sur le territoire marocain et ça tirait de chaque côté.

Moi-même j’ai transporté un blessé sur mes épaules atteint d’une balle au pied. A l’hôpital de Nador, il y a un copain blessé qui a vu sept corps arriver, soit 7 morts. Ici dans la forêt, il y a encore beaucoup de blesséEs qui n’ont reçu aucune aide médicale. Il y a trente deux personnes blessées, et beaucoup le sont par balle.
Les fractures aux pieds et aux bras sont courantes et puisque l’on est totalement encercléE, il n’y a toujours aucune assistance d’organisation humanitaire pour les premiers soins. Les épiceries marocaines ont peur de nous vendre de la nourriture. Nous n’avons attaqué personne...la situation est asphyxiante. Même si avant ils nous attrapaient, au moins nos vies étaient moins en danger.
Maintenant, ils nous emmènent dans le Sahara, il ne nous reste plus qu’à choisir entre mourir dans le désert ou fusilléEs sur les barbelés.

Il est impossible de comptabiliser le nombre de disparuEs, mais on sait que depuis samedi 1 octobre une soixantaine d’autobus avec à son bord une quarantaine/cinquantaine de personnes ont été déportés dans une zone frontière avec l’Algérie et le Maroc, en plein désert où les combats sont fréquents... soit un calcul sordide de 2400 personnes. Des déportations massives dans le désert pour que les problèmes s’arrêtent, pour que l’on n’entende plus jamais parler d’eux. Des groupes d’immigrants ont dénoncé la mort de trente six personnes plus tous/tes les autres dont on n’aura jamais de nouvelles car, de toute manière : qu’est ce qu’elle vaut la vie d’un pauvre ? Sur les TV et les radio d’Afrique noire, on parle de génocide ou encore de chasse au noir. Même les enfants en bas âge sont déportés. La situation des femmes est particulièrement préoccupante : elles sont en permanence exposées à la violence sexuelle lors de leurs incarcérations, puis lors de leurs déportations encadrées par les autorités étatiques d’Espagne comme du Maroc.

Un autres témoignage explique et résume le processus de déportation par les autorités marocaines.

La nuit où nous avons essayé d’entrer, on avait réussi à passer les deux barbelés et je me suis retrouvé face à face avec la garde civile, qui m’ont fait repartir avec une violence inouïe que jamais je n’aurais penser trouver dans un pays démocratique. Ils m’ont remis aux autorités marocaines avec d’autres.

Au total, on était 155 personnes qui se portaient bien et une vingtaine avec des blessures de degré divers. Les forces de l’ordre marocaines et espagnoles ont tiré à balles réelles. Lorsque l’on était en haut des barbelés, les espagnols tiraient et on voyaient les corps tomber plus bas. Je me rappelle les morts et à l’intérieur de tout mon être, je meurs moi aussi. Comme à l’habitude, les autorités marocaines nous ont transportés jusqu’à la ville d’Oudja. Quand je suis arrivé là -bas, j’ai trouvé un grand nombre d’africainEs qui venaient de différents endroits du Maroc. J’en ai vu beaucoup expédiéEs par l’ACNUR et qui disent être sous protection temporaire des Nations Unies. J’ai aussi des copains qui avaient un visa d’entrée pour le Maroc et ou un tampon qui n’avait pas encore expiré. J’ai vu des femmes et des bébés, des femmes enceintes. Ils nous ont mis dans des autobus. Nous avons continué à croire qu’ils nous emmèneraient à la frontière de Oudja à seulement 20km. Il y avait quatorze bus, mais qui nous emmenaient à 600km de Oudja, c’est pas tout à fait la même chose !

Ce n’est qu’un peu plus tard que les cars se sont arrêtés et que des camions militaires et des jeeps sont arrivéEs pour nous séparer en petits groupes et nous faire pénétrer dans le désert, nous laissant là -bas sans eau et sans nourriture. Les marocains nous ont juste dit que les lumières que l’on voyait au loin, étaient celles de l’Algérie. Nous avons marché toute la nuit vers ces lumières et avons vu que ce n’était qu’un campement militaire algérien. Ils nous ont donné de l’eau et de la nourriture. Des copains n’en finissaient pas d’arriver, nous les avions perdu dans le désert. Je vous jure que ceux/celles qui ne sont pas arrivéEs, sont mortEs. Les algériens nous ont transportéEs en jeep et en camions militaires et pour nous montrer le chemin afin d’éviter le campement militaire marocain. Les marocains ne doivent pas te voir car ils n’hésiteront pas à te déporter une nouvelle fois. Il y a des déportations de blesséEs avec des jambes cassées, n’ayant pas pu marcher, ils sont restéEs dans le désert, laisséEs à leur propre sort. Nous ne pensons pas à nous qui allons bien mais à ceux/celles qui sont restéEs dans le désert. Nous demandons à ce qu’on aille les chercher là-bas par hélicoptère. Les heures comptent...

Plus d’informations sur Indymedia Estrecho, on peut y trouver une carte très précise qui répertorie les camps de rétention, les frontières, les dispositifs militaires, etc.


Proposé par raoule
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