Je m’apprête à prendre le tram vers Carnot pour aller au taf. Mais aujourd’hui grosse surprise vers 8h30 j’aperçois une bonne cinquantaine de jeunes du lycée Pro Benoit Charvet se diriger vers le centre ville. Ça renverse des poubelles et ça chante sur les rails du tram. Les badauds hallucinent, ils n’ont même pas eu le temps d’infuser leur caféine que quelques jeunes essayent de rentrer en force dans le petit casino en face de la rue Grand Gonnet.
Chez les badauds, ça commente méchant « mais quand est ce qu’ils vont leur envoyer l’armée » râle une vieille réac, tandis qu’une daronne à l’épicerie craint juste de devoir payer les frais des poubelles renversées. Au delà de ça elle comprend la rage « mon frigo il est vide chez moi aussi ».
Les jeunes continuent leur chemin, définitivement habités par la rage et la satisfaction de louper une journée de cours. Évidemment les trams sont arrêtés, alors les usager’es râlent pas mal. Arrivés devant la préfecture, une maigre rangée de flics leur barre la route, après quelques « macron démission » et « nique la police », ils forcent le barrage et continuent vers place du peuple.
Ellipse.
Vers midi, du coté de l’hôtel de ville, des restes de barricades enflammées bloquent le passage des trams, au niveau des arcades, coté jean jaures, ça chauffe pas mal. Les flics barrent l’accès à la place et envoient des grenades lacrymo chaque fois que les manifestants s’approchent trop. Le cortège que j’avais croisé ce matin a triplé de volume. Le nombre de personnes présentes est dur à déterminer, il n’y a pas vraiment de cortège et ça court dans tous les sens. C’est jeune dans l’ensemble et super mixte, autant de nanas que de mecs. Quelques gilets jaunes un peu plus vieux ont l’air d’avoir échoué sur place, ils errent un peu hagards, mais n’hésitent pas à ravitailler les plus jeunes en sérum phy. Des flics municipaux et quelques CRS protègent l’accès à l’hôtel de ville. Devant l’impossibilité d’aller plus loin, la joyeuse troupe se replie rue de la résistance, mais toujours impossible d’avancer. Alors on rebrousse chemin vers place du peuple et on envoie une nouvelle barricade, ça crie, ça insulte et ça chahute la police... Mais ça reste gentil, au pire quelques bouteilles en verre qui volent vers les kisdés, mais rien de bien grave. Du coté des uniformes par contre ils ouvrent les vannes des lacrymos. Après quelques minutes sur place, les jeunes décident de monter le ton et de chasser une rangée de baqueux direction square violette. Cette fois-ci ils ont sorti les flash ball. On reconnaît le bruit distinctement, le claquement qui annonce l’arcade ouverte ou la mâchoire explosée. Les flics poussent d’un cran et inondent la place du peuple de lacrymo, tout le monde se replie vers le square Waldeck Rousseau ou dans les petites rues adjacentes.
Arrivés devant H&M on découvre la chance d’avoir des conteneurs à verre individuels, pratique.
Pendant quelques minutes le crédit agricole et le franchisé Apple vont se transformer en chamboule tout, l’intégralité de deux poubelles à verre iront s’écraser sur leurs vitrines.
L’ambiance est plus tendue, mais ça reste mobile, jamais plus de 5 minutes au même endroit. Le tram s’enfuit tandis que la foule lui court après jusqu’à Centre 2, tout ça au son slogan du jour : « Macron Nique ta mère » scandé par 150 jeunes en transe, surprenant !
Arrivés devant C2 les flics nous dépassent et viennent bloquer la seule entrée encore en état. Ils barrent l’entrée ? Pas grave pensent les jeunes, on aura qu’à ouvrir une borne incendie et dégommer un bus. Au bout de quelques minutes, les renforts arrivent et le cran monte encore. Ils vident le carrefour à coup de lacrymo, mais surtout à coup de rafales de flashball.
Les manifestant’es se regroupent un peu plus bas devant la fac et s’en prennent au horodateurs et arrêts de bus.
Je me rend compte maintenant que la mobilité et l’énergie des manifestant’es jouent grave sur le moral et la stratégie des keufs, ils perdent patience. Les jeunes ne se cristallisent sur aucune cible en particulier. Si ça passe pas, on bouge ailleurs. Ça ressemble au chat et à la souris. Saint-Étienne c’est leur terrain de jeu pour la journée. Et en plus d’être réactives et rapides, illes sont attentifs et sympas. La circulation n’est pas interrompue ? c’est eux qui s’en occupent.
Les flics noient tout le monde sous la lacrymo ? les jeunes vont chercher les mamies coincées dessous.
Il est pas loin de 14h, ça fait déjà deux bonnes heures que les flics courent dans tout les sens, ils décident d’appuyer une bonne fois pour toute et pressent tout le monde en direction d’Anatole France. Une pile de barrière en métal vient s’enfoncer dans les vitrines du carrefour city, puis tout le monde reprend son chemin vers place du peuple. Au niveau du franchisé Apple, la vitrine saute et quelques agités en profitent pour s’y engouffrer et anticiper leurs courses de noël. A ce moment là , les flics prennent tout le monde en sandwich et c’est la débandade. Un petit groupe se faufile jusqu’à la bourse du travail puis remonte sur la colline des pères. Les flics n’ont visiblement plus rien à perdre puisqu’ils tirent au flash ball par rafales et dans le dos. Un peu plus loin, une voiture banalisée et 3 camions de CRS foncent à contre sens dans une rue après deux gamins qui s’enfuient en courant, ralentis par leur sac à dos. Ils lèvent les mains en l’air, les flics les embarquent.
Il est 14h30, fin de la partie.
A samedi !
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