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SAINT-ÉTIENNE  
Publié le 6 décembre 2018 | Maj le 25 avril 2020 | 1 complément

3 mois fermes pour vol : bilan des premiers procès de samedi


Ils sont trois jeunes hommes d’une vingtaine d’années chacun, l’un d’entre eux a une Obligation de Quitter le Territoire, l’autre a déjà été enfermé. Ils ont été interpellés en même temps que 11 autres personnes le jour de la manifestation des gilets jaune samedi dernier dans le centre ville. Ils sont en colère et c’est normal, ils fuient à l’approche de la police et c’est compréhensible, pourtant le système juridique, comme à son habitude abat sa répression sur ces pauvres bougres et les condamne lourdement. Récit d’une des comparutions par une personne qui était dans la salle...

« Les policiers disent bien qu’ils vous ont repéré avec un sac plastique »

Tribunal correctionnel, mercredi 5 décembre, jour des comparutions immédiates, 13h30.
Un jeune homme, menotté, pénètre dans le box des accusés. Il est accompagné d’une interprète et entouré de deux policières en uniforme. Après 48h de garde à vue et un mandat de dépôt prononcé, l’audience commence.

Interpellé samedi 1er décembre à l’intérieur d’un salon de coiffure de la rue du 11 novembre, dans un « contexte que tout le monde a en tête », Driss* est alors soupçonné de vol et dégradation en réunion. Quelques minutes auparavant, des « individus pénétraient dans un commerce [le Carrefour d’Anatole France], la police a été appelée ». Une équipe de flics arrive sur les lieux. A leur vue Driss « a peur », il fuit, un sac plastique siglé Casino Shop à la main, véritable pièce à convictions de l’audience. Dans sa course, le jeune homme laisse tomber le sac contenant trois bouteilles. Deux se cassent. La bouteille de Gin non brisée est munie d’un antivol. Les flics récupèrent le sac et pourchasse Driss. Il se réfugie dans un commerce de la rue. L’interpellation a lieu à l’intérieur. Menottage. « Palpation sommaire effectuée sur le moment ». Le pantalon de Driss « glisse au sol » lorsque l’équipe de keufs le fait asseoir à terre.

Driss est amené au poste. Au cours de la première audition il déclare qu’un « policier lui a mis un doigt dans les fesses » lors de son menottage. Un médecin proctologue l’examine et conclut à « l’absence de pénétration ». Au cours de la deuxième audition, Driss déclare avoir été victime « d’attouchements et de coups portés au moment de l’interpellation ».

La Présidente du tribunal ne s’encombre pas tellement des conditions de l’interpellation. Elle se contente des dépositions des quatre flics. Le dossier est mince. Ce que veut la Présidente c’est connaître les « revendications sociales » qui justifiaient la présence de Driss à la manifestation des Gilets Jaunes. Elle veut comprendre ce qu’il faisait samedi dernier place Anatole France en fin de journée. Driss dit ne pas avoir porté de gilet, sa légitimité semble, pour la Présidente toujours, amoindrie. Ajouté à cela l’OQTF qui plane sur sa tête depuis le mois de janvier et la Présidente ne conçoit pas que Driss veule et puisse manifester.

L’accusation de vol et dégradation passe au second plan, l’avocat des parties civiles entre dans la danse. En effet, suite aux accusations de Driss, une enquête semble avoir été mené dans le service de police concerné. Les quatre fonctionnaires formant la patrouille à l’origine de l’interpellation de Driss ont senti « l’opprobre jetée sur eux ». Ils veulent être reconnus comme victimes d’une accusation mensongère, d’une « dénonciation calomnieuse ». Ils veulent des dommages et intérêts. Ils se sont constitués partie civile. Leur avocat, certainement bon dans son genre, enchaîne les phrases chocs et tourne en boucle sur le contexte de l’interpellation et les « violences urbaines » : « Le comportement [de Driss] est strictement et simplement abject ». « Tout ce qu’il arrive à faire c’est du parasitisme, du pillage ». Et réclame 1500€ par tête pour permettre aux keufs de garder la face face à ces « faits particulièrement traumatisants ».

La Proc est parfaite dans son rôle et n’en revient pas qu’on puisse mettre en doute les paroles et les actes des policiers, chargés « de faire régner la paix sociale et l’ordre public ». Elle rappelle qu’au cours de la soirée de samedi « des scènes de guerre que l’on peut connaître sur des terrains militaires » se sont déroulées. Bref, Driss n’a « rien à faire sur le territoire national » pour elle. Elle réclame 10 mois de prison ferme avant l’expulsion.

L’avocat de la défense semble vouloir ramener une once de raison. Il évoque tour à tour, les conditions de vie précaires de Driss, sans-papier, sans domicile et sans emploi, les « personnes les plus impliquées dans les exactions de samedi qui ne semblent pas inquiétées », les gestes et procédures d’interpellation, l’intégrité physique qui peut être mis à mal lorsqu’on est fouillé et la réalité, surtout la réalité : la Cour s’intéresse depuis 40 minutes à trois bouteilles volées…

Suspension d’audience. Délibération. Verdict. Trois mois de prison fermes et 200€ x 4 à verser aux bleus au titre de dommages et intérêts. Une prime de noël pour des fonctionnaires intouchables et sur-armés. La zonz pour du gin. La banalité de la répression.
a**b

* le prénom a été modifié


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  • Les deux autres arrêtés ont pris six et huit mois de sursis pour un feu de poubelle et incendie d’un chalet du marché de noël

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