A 13h30, l’entrée du TGI de Valence est déjà bien gardée.
Devant les portes, trois fourgons de la police nationale sont postés et bien remplis de flics, ce qui est inhabituel en termes d’effectif pour cette ville. La preuve en est la réaction d’étonnement des piétons et piétonnes en voyant le dispositif. Il faut préciser qu’une école maternelle est située quasiment en face et qu’une rue piétonne n’est pas loin.
Sur l’ail gauche du tribunal, le camion de la gendarmerie qui transporte les détenus arrive, ces derniers sont enfermés dans les box en métal à l’intérieur du véhicule.
Un flic est posté dans la petite cour du tribunal avec un fusil hi-tech de type G36, en guise de comité d’accueil pour les prisonniers. La famille de José Torres le salue en escaladant le muret qui sépare la rue du tribunal et la cour.
Retour aux portes du palais.
A quelques mètres des camions, il y a une team de six flics composée uniquement de gradés, soit un commandant, deux adjudants chefs, une sergente chef et deux sergents chef. En tenue complète : portable, talki, matraque télescopiques, menottes, flingues, gazeuses, gilets.
Ils bloquent le passage et filtrent avec vérification d’identité pour ne laisser rentrer que les membres de la famille des détenus. Après avoir sorti leurs cartes de presse, les journalistes (trois médias différents environ) vont eux aussi pouvoir passer les portiques jusqu’à la salle d’audience.
Par contre, les flics ont bien identifié aux abords du tribunal des gens qui ne sont pas de la famille mais qui souhaitent quand même rentrer pour pouvoir assister au procès. L’audience est pourtant libre d’accès mais elle leur sera refusée. La compagne de Romain Leroy elle, obtient sa permission de rentrer par les flics après le début du procès parce qu’ils l’ont vu discuter avec des personnes qui étaient venues en soutien pour les prisonniers.
Il est 14h00 passée.
Le procès a déjà commencé, aucune info ne nous parvient, c’est le commandant qui contrôle les entrées. Une demi heure plus tard, on est toujours plantés devant les marches du tgi, les flics font des allers retours dans leurs camions pour se relayer, regarder leur portable. Aucun signe de tension. Nous sommes toujours à distance, on attend dans le silence et personne ne va ne serait-ce que leur demander pourquoi on ne peut pas rentrer. On a bien compris qu’ils ne lâcheraient pas là -dessus. Il est 15h00 quand une personne leur dit calmement qu’on a le droit de rentrer parce que l’audience est publique. Un adjudant répond qu’on peut écrire au tribunal pour se plaindre. Castration, vexation et provoc habituelles des flics. C’est leur taf, il maîtrisent.
La charge des flics.
Peu de temps après, trois flics font mine d’aller vers leur camion et là le commandant dit : « On y va ! ». Ils chargent et leurs collègues postés sur les marches du tgi les rejoignent. Frappes de matraque télescopique dans les articulations (coudes, genoux) et l’estomac. Le genre de coups qui peut coûter un rendez-vous chez le généraliste et dix séances de kiné derrière. Ils choppent et se mettent à plusieurs sur deux personnes. L’une d’entre elles se retrouve les deux mains dans le dos à genoux dans les cailloux (y’avait des travaux devant le palais), limite les flics se bousculent entre eux pour pouvoir appuyer leur genou entre les omoplates de l’interpellé. L’autre personne se fait amener manu militari dans l’un des camions. La violence des flics a fait monter la pression et tout le monde garde ses distances avec eux. Une personne voyant les flics s’exciter sur un interpellé leur lance : « arrêtez de l’étrangler ! ». Le commandant déboule et met un coup de gazeuse à main : « allez barrez vous !! ». Les deux interpellés sont en route pour le comico. Devant le tribunal les flics reprennent leur place et les gens restent en retrait, méfiants, avec l’idée en tête qu’il peut y avoir une autre charge. Il n’y en aura pas.
Que dit la presse locale ?
Le lendemain, le journal Le Dauphiné publie un article (ici) au titre et premier paragraphe étonnant, pour ne pas dire à coté de la plaque :
Le procès des mutins mais aussi des conditions de détention,
Bien malgré les magistrats, malgré les avocats et même malgré les prévenus eux-mêmes, le procès, hier, des deux détenus soupçonnés d’être à l’origine de la mutinerie qui a touché la maison centrale de Valence, le 27 novembre dernier, est devenu, au fil de l’audience, le procès de la prison et des conditions de détention.
Le journaliste n’a visiblement pas compris que la juge a voulu piéger les détenus en leur donnant l’illusion que la salle d’audience se transformait en un lieu prêt à recevoir leurs doléances. Cela lui permet de faire son travail dans la non conflictualité tout en poussant les accusés à se livrer à elle en lui exposant les dysfonctionnements de la prison. Mais critiquer la prison dans un tgi n’a aucun sens et se retourne forcément contre le prisonnier. C’est avouer à la présidente de séance qu’on n’accepte pas ses conditions de détention et qu’on s’oppose à la matonnerie.
La juge a donc été très « intelligente » dans sa façon de mener le procès et le verdict prononcé est très lourd. Cinq années fermes se rajoutent à la peine initiale des détenus. C’était donc bien le procès des prisonniers mais sûrement pas celui des conditions de détention et de la prison. Les juges ont pris parti pour l’Administration Pénitentiaire. Le tout s’est déroulé dans une salle toute acquise aux magistrats sans qu’aucune personne extérieure ne puisse témoigner du déroulement du procès et faire un compte rendu détaillé.
Plus largement, dans sa logique de contre insurrection, l’État renforce tous ses outils répressifs. La nouvelle prison de valence en est un parfait exemple. Ce qui est alarmant c’est que des détenus qui arrivaient à supporter l’enfermement dans d’autres prisons plus anciennes, décrivent comme invivables leurs conditions dans cette centrale qui ne dit pas son nom. L’isolement sensoriel, la solitude, le poids du temps et le régime ultra disciplinaire rappellent les anciens QHS. Mais contrairement à ce qu’on peut lire parfois, ce centre pénitencier ne dysfonctionne pas, au contraire il joue son rôle d’élimination des indésirables.
C’est donc en toute logique qu’à l’intérieur, certains détenus refusent de se laisser tuer à petit feu.
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