Petit rappel des faits :
le 16 mai 2009, Roselyne Bachelot-Narquin annonce en grande pompe la « dépsychiatrisation de la transidentité ». Il s’agit en fait de la reclassification de la transidentité de l’ALD 23 (troubles psychiatriques) à l’ALD 31 (hors liste).
En février 2010, rebelote, Roselyne Bachelot-Narquin fait sa pub lors de la publication du décret rendant effective son annonce du 16 mai (le 10/02 au journal officiel).
Un petit décodage nous montre ce qu’il en est vraiment...
Avant tout, qu’est-ce qu’une ALD ? C’est une affection longue durée. Il s’agit d’une liste d’affections, en réalité plus de 400 pathologies regroupées en trente catégories. Établie par l’assurance maladie française, elle permet un remboursement intégral des soins. Figurent dans la liste des ALD par exemple les diabètes, les cancers, les hépatites, les maladies chroniques ou encore l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH).
Pour bénéficier d’une ALD, coûteuse pour l’état et très spécifique, il est donc nécessaire d’établir un diagnostic, ou plus largement un « protocole thérapeutique ».
Il existe une catégorie d’ALD dite « hors liste » (numéro 31), permettant elle aussi un remboursement à 100%, qui concerne en théorie les affections graves pour lesquelles la durée prévisible des soins est supérieure à 6 mois. C’est désormais cette ALD qui concerne les personnes trans, alors qu’auparavant c’était l’ALD 23 (troubles psychiatriques).
Alors, pourquoi ce décret ne va pas dans le sens d’un dépsychiatrisation de la transidentité ? Parce que dans les faits, rien ne change : les trans’ restent considéré-e-s comme des personnes malades. Malades, donc à soigner, pas responsables ni capables d’effectuer des choix...
*** puisqu’il faudra toujours qu’un médecin établisse un diagnostic pour obtenir le droit à l’ALD 31
*** puisque la transidentité figure toujours dans le DSM IV (4e édition du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) et la CIM 10 (Classification Internationale des Maladies, de l’Organisation Mondiale de la Santé), deux listes internationales des maladies mentales, qui restent de solides références pour les médecins en France comme ailleurs (il faut savoir que l’homosexualité a été retirée du DSM en 1973 !)
*** puisque la HAS (Haute Autorité pour la Santé) vient de rendre un rapport qui préconise un diagnotic et un suivi psychiatrique obligatoires ainsi qu’un test de vie réelle d’une durée d’un an et demi minimum aux personnes désirant transitionner (c’est-à-dire vivre dans le genre vers lequel on souhaite aller dans sa vie quotidienne AVANT d’avoir accès aux traitements hormonaux et opérations), ce qui fait du parcours trans’ une longue séries d’épreuves
Le Ministère de la Santé affirmait d’ailleurs que « cette déclassification ne veut pas dire absence de recours à la médecine, ni renonciation au diagnostic médical des troubles de l’identité de genre ou abandon du parcours de prise en charge ».
Et pourtant...
Les associations trans’ portent pourtant toute une séries de revendications, mais elles ne sont pas entendues. Y figurent par exemple :
La dépathologisation de la transidentité et son retrait des listes internationales de maladies mentales (DSM IV et CIM 10) ;
La dépsychiatrisation effective de la transidentité parce qu’il est intolérable que les différentes étapes de la transition restent soumises au bon vouloir des psychiatres ;
La reconnaissance de la transphobie comme discrimination au même titre que le racisme ou l’homophobie, et par conséquent, la prise en compte de la transphobie par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) ;
Un réel échange entre la HAS, le Ministère de la Santé, les personnes trans et les associations qui les représentent, pour que les trans, qui sont les premierEs concernéEs, soient enfin acteur-ice-s dans la révision du rapport sur la prise en charge de la transidentité en France ;
La suppression du recours aux expertises médicales, humiliantes et souvent vécues comme des viols, et ce y compris pour les personnes ayant été opérées à l’étranger ;
Un accès facilité au changement d’état civil, sans stérilisation forcée ;
L’arrêt des opérations sur les enfants dont la vie n’est pas en danger et des traitements de normalisation prescrits sans le consentement éclairé de l’enfant et/ou de l’adulte intersexué ;
Des études épidémiologiques sur la santé des personnes Trans, et en particulier sur la prévalence du VIH-Sida ;
Des campagnes de prévention contre les IST en direction des personnes trans.
Voilà une bonne séries d’idées et d’actions à entreprendre si la France veut réellement aller vers une meilleure prise en compte des personnes trans’, et non pas seulement passer pour l’avant-garde en étant « le premier état à dépsychiatriser la transidentité » !
Sources / plus d’infos :
http://www.outrans.org
http://chrysalidelyon.free.fr
http://transidentite.fr
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