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MARSEILLE & ALENTOURS  
Publié le 6 décembre 2020 | Maj le 14 décembre 2020

Mort de Zineb Redouane : éléments de contre-enquête à deux ans des faits


Il y a deux ans, à Marseille, Zineb Redouane recevait en plein visage la grenade lacrymogène qui a occasionné sa mort le lendemain à l’hôpital. Article publié par le collectif Désarmons-les !

En mars 2019, nous rencontrions pour la première fois sa fille Milfet et sa meilleure amie Imen, ainsi que l’une de leurs soutiens. A partir de là, nous n’avons cessé d’être en contact et de coopérer dans le but d’élucider les circonstances de la mort de Zineb Redouane. Nous les remercions par ailleurs du fond du cœur pour la confiance qu’elles nous ont accordé.

A partir des bribes d’informations en notre possession, et parce que le secret de l’instruction empêche très clairement les familles de victimes et leurs alliés objectifs à s’organiser pour permettre une contre-enquête digne de ce nom, les privant d’un accès aux lieux et preuves, nous avions émis des hypothèses sur les circonstances de ce drame.

S’il n’y avait pas un monopole d’Etat sur les enquêtes et une mise au secret des éléments de l’enquête pour toute autre personne que l’avocat en charge du dossier, nous pourrions sereinement enquêter et soumettre à la question (au sein d’un comité restreint constitué par les proches de la victime et des juristes de confiance) chacune de ces hypothèses, pour les valider ou les invalider.

En deux ans, rien n’a permis en effet à la partie civile de communiquer par elle-même et selon les modalités qu’elle aurait choisies sur le fond de l’enquête, n’ayant pas tous les éléments en main et étant paralysée par le secret de l’instruction.

Néanmoins, la contre-enquête a avancé et certaines hypothèses ont été invalidées :

1. Nous avions pensé qu’une autre arme que le Cougar aurait pu blesser mortellement Zineb, telle que le Lance-grenades multicoups Penn Arms. Cette hypothèse reposait sur la présence sur le corps de Zineb de DEUX blessures correspondant à DEUX impacts quasi-simultanés, au torse et au visage. Les éléments médicaux de l’enquête permettent de dire aujourd’hui qu’il s’est bien agi d’une grenade MP7 tirée par un Cougar, et non de deux grenades MP3 tirées par un Penn Arms.

Notons que l’enquête de police ne s’est pas penchée sur cette hypothèse et que l’autopsie française n’explique pas de façon détaillée l’origine de la blessure au torse. On est forcé de déduire de cette autopsie que la grenade MP7 a d’abord heurté le torse de Zineb, avant de venir frapper sa joue droite.

2. Nous avions pensé que le policier auteur du tir mortel pouvait appartenir à une autre brigade de police que les CRS de Saint-Étienne. Cette hypothèse reposait sur la présence sur les lieux entre 18h et 19h d’une brigade des Compagnies d’Intervention équipée d’un lanceur Cougar, mais aussi sur les déclarations au téléphone de Zineb elle-même quelques secondes avant d’être blessée. Les policiers qui la visaient y sont décrits de la manière suivante : en tenue, avec un casque aux bandes bleues et des protections de partout sur le corps, devant la voiture. Les BANDES BLEUES caractérisent les Compagnies d’intervention et non les CRS. Zineb précise également la présence d’une voiture, or les Compagnies d’intervention étaient disposés près d’une rangée de six voitures sérigraphiées “police”. Des vidéos montrent par ailleurs ces policiers débuter la dispersion des manifestants à l’aide de grenades lacrymogènes.

Notons que la déclaration de la victime elle-même ne fait l’objet d’aucune investigation spécifique, tandis que les Compagnies d’Intervention ne sont pas concernées par l’enquête, alors que leur présence avant ou pendant les faits auraient certainement permis de rétablir l’intégralité du déroulé des faits au croisement de la Rue des Feuillants et de la Cannebière.

L’État ayant le monopole sur les enquêtes et aucune contre-enquête impliquant l’avocat de la partie civile n’ayant pu avoir lieu, il n’a pas été possible d’aller plus en avant sur ces deux points.

Pour autant, nous avions émis une troisième hypothèse, que nous avons validée et que nous maintenons fermement :

3. Le policier auteur du tir qui a mortellement blessé Zineb, et cela quelle que soit son unité d’appartenance (les images sont de trop mauvaise qualité pour en attester) est un TIR DE FAÇADE, en TIR DIRECT, donc un TIR IRREGULIER. En effet, il est attesté que celui-ci se situe sur les voies de tram descendant la Cannebière, juste devant la vitrine du magasin C&A, à une distance de 35 à 37 mètres de la fenêtre où se trouve Zineb. C’est l’endroit où Zineb elle-même a localisé le policier qui la visait. A cet endroit, le tireur est dans l’incapacité totale de tirer sur les manifestants présents dans la Rue des Feuillants (angle mort) et semble avoir voulu effectuer ce que l’on nomme un “TIR DE FACADE”, c’est-à-dire utiliser le mur comme surface de rebond afin que les palets lacrymogènes se répandent dans l’angle mort par ricochet.

Notons que le tireur apparaît sur les images de vidéo-surveillance, en mauvaise qualité et partiellement dissimulé par le toit de la station de tramway, mais qu’il tire distinctement en direction de l’immeuble de Zineb.

Voici une liste non exhaustive des incohérences et dissimulations entourant l’affaire :

- l’appartement a été scellé le 5 décembre 2018 et aucun enquêteur n’y a remis les pieds depuis cette date ;
- la grenade apparaît au dossier le 4 décembre, soit trois jours après les faits, récupérée dans la caisse à radio d’un véhicule de pompiers ;
- un adjoint du procureur, André RIBES, était présent auprès de l’unité responsable du tir, sans être mis en cause ;
- un agent présenté par les témoins comme un agent de police municipale a fait pression sur Zineb alors qu’elle était blessée dans la cage d’escalier pour récupérer les clés de l’appartement, avant de s’y introduire et de s’y maintenir seul durant près de 10 minutes ;
- les CRS ont refusé l’expertise des 5 lanceurs cougar visés par l’enquête, qui n’ont par conséquent pas été expertisés ;
- les CRS ne se souviennent de rien ;
- les Compagnies d’Intervention présentes ce soir-là au même endroit ne sont pas concernées par l’enquête ;
- les scellés de l’appartement ont été brisés en janvier 2020 sans qu’aucune enquête ne soit diligentée pour violation des scellés ;
- l’appartement a été vidé de l’intégralité des meubles de Zineb Redouane et relouée dans la foulée en avril 2020, sans qu’aucune enquête ne soit diligentée pour modification de scène de crime et vol ;

Lister des incohérences fait également partie de l’élaboration d’une contre-enquête. Hélas, l’absence de moyens d’investigation et de prise sur le dossier d’instruction empêche de réaliser les actes nécessaires à la manifestation de la vérité. Nous condamnons le monopole de l’Etat sur les enquêtes, qui laisse à celui-ci également le monopole sur la vérité officielle. Et la vérité officielle n’est pas la vérité, l’affaire Zineb Redouane en étant une parfaite démonstration.

Alors que nous publions cet article, une contre-enquête réalisée en coopération avec Forensic Architecture et Disclose vient d’être rendue publique, permettant à tout-un-chacun de se réapproprier les circonstances des faits et de se forger un avis sur ce qu’il s’est véritablement passé, à partir d’éléments clés qui sont habituellement dissimulés au grand public :
PAS VUS PAS PRIS – ENQUÊTE SUR LA MORT DE ZINEB REDOUANE

P.-S.

Article publié par le collectif Désarmons-les !


Proposé par kounéli
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Le CRS responsable de la mort de Zineb Redouane à Marseille est de Saint-Étienne

La rumeur circulait depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux affiliés aux Gilets Jaunes - La France en colère, La Loire en colère, etc. Elle a été ensuite confirmée par un article de « La Provence » datant du 3 juillet. C’est donc bien un policier de la brigade CRS 50 de Saint-Étienne qui avait dans les mains le lanceur Cougar responsable de la mort de Zineb Redouane.

Publié le 19/07/2019

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