Lutte informationnelle, propagande de guerre
Si nous introduisions par des pubs grossières, il y a des formes de propagande plus fines. Eh oui, il faut bien que des deux côtés, chaque soldat soit convaincu qu’il ou elle agit, mutile, viole, tue pour le bien, la liberté, la démocratie, peu importe. La guerre qui sévit en Ukraine depuis un an accélère evidemment la course aux armements au niveau mondial, mais Le Monde nous dit aussi, dans son numéro du 21 février. « Ce qu’un an de guerre a changé », que la guerre a accéléré la transition energétique. Trop cool, on fait plus d’éolien et de photovoltaïque ! Dans les mêmes pages on pourra lire quelques pépites de la secrétaire d’État adjointe américaine Wendy Sherman qui se dit « frappée par la façon dont [les Ukrainien.nes] acceptent les conditions très difficiles dans lesquelles ils doivent vivre et par leur détermination à défendre leur pays et leur manière de vivre ».
Elle rajoute, sans complexe sur le caractère méritocratique, de sa phrase « Personne ne devrait jamais tirer un trait [elles et] eux. Ils [et elles] sont inventifs, créatifs ». Ah donc si ce sont des gens qui peuvent intégrer la start-up nation il faut les défendre alors. Nous on croyait que c’était juste parce que c’était des êtres humains. Elle concluera « Nous nous battons tous pour que nos économies restent propères et nos peuples en sécurité ». Evidemment, de la part d’une dirigeante du pays le plus puissant du monde, on ne pouvait pas s’attendre à beaucoup mieux. Ce qui nous interroge ici c’est que le même journal a publié exactement les mêmes discours près de deux mois avant, en se servant de textes d’enfants russes qui étaient cette fois « révélateurs de la propagande de Moscou ». « Cher protecteur de notre patrie », « je ne peux que deviner combien tu as peur et combien c’est dur en ce moment », « la vie paisible des peuples slaves dépend de vous » . Mince alors, arrêtez-tout, on n’avait pas compris au début mais en fait tout le monde se bat pour une vie paisible, pour la liberté et pour sa patrie. Sauf que d’un côté c’est de la propagande. De l’autre, du notre, le chef d’État Major français appelle ça « la lutte informationelle ». Plutôt que les media nous écrivent le script à l’avance, il est crucial de nous demander que signifie « défendre son pays », y a t’il quelque chose qui me rend prêt.e à tuer un être humain ? Ces questions, nous devons nous les poser parce que le monde entier fait turbiner ses usines de mort, parce que l’Allemagne relance le débat sur un retour du service militaire, parce qu’en France, le SNU a vocation à devenir obligatoire.
L’industrie de la guerre reprend du service
Avec 413 milliards d’euros prévus pour le nouveau budget militaire français, la France s’aligne sur l’esprit du temps qui est au massacre. Les industriels se frottent les mains d’avoir depuis un an un salon de l’armement grandeur nature. On lira par exemple que le canon Caesar s’est « particulièrement distingué sur le champ de bataille », comme s’il s’agissait d’une équipe de foot. Les bombes pleuvent et risquent de déferler pendant longtemps. Safran est contente d’avoir décroché un contrat auprès de la DGA pour ses drônes tactiques Patroller, devant sa rivale Thales ; qui elle, n’est pas en reste, puisqu’elle vend déjà des batteries anti-aériennes à l’Ukraine, des lunettes de vision nocturne à l’armée russe, des logiciels de cryptage au gouvernement français, des outils de contrôles de frontières à l’Europe, et des moyens de bombarder des civils à l’Arabie Saoudite. Mais cela ne semble pas suffisant puisque Macron a demandé aux industries françaises de « rentrer dans une économie de guerre » et l’Union Européenne se plaint d’un rythme de production de munitions trop lent.
Spectacle et cohésion nationale
En attendant que les usines se mettent au diapason, Orion, l’exercice de Haut Engagement Militaire (HEMEX) débute dès ce dimanche dans le ciel et sur les plages de Sète. C’est tout l’arsenal français (porte avions, hélicos amphibie, chars Leclerc, Griffon etc.) qui sera déployé dans le Sud de la France pour jouer à la guerre. Jusqu’en mai, de grandes manœuvres avec près de 20 000 soldats sont prévues. En deux phases, les bidasses simuleront une déstabilisation du gentil Arnland par le méchant Mercure via des groupuscules paramilitaires (Ukraine 2014, simulée de Sète à Castres) puis une invasion de Arnland (Ukraine 2022, simulée autour de Verdun). Présenté comme un exercice par l’Etat-Major, ça ressemble quand même furieusement à une répétition générale pour une « guerre de haute intensité » en plus d’être un moment propice pour que la population puisse admirer les armes de son cher pays, comme nous le rapelle, en conclusion, un article du site de l’agglomération de Sète.
ORION représente ainsi l’occasion pour la population de voir les militaires en action et de leur témoigner leur soutien. Ce contact avec les territoires manifeste la vitalité du lien armées-nation, contribuant à la cohésion nationale
Dans la Loire et autour de Armeville (ancien nom de Saint-Étienne) ça fait déjà quelques mois que, sur fond de souverainisme, les usines sont courtisées pour accélerer les cadences. A Firminy, l’usine Aubert&Duval qui fond les canons CAESAR avait été mise sous les projecteurs comme un fleuron de l’industrie de guerre en collaboration avec Nexter à Roanne. A Saint-Étienne, Verney-Carron, qui produisait les flashball, les fusils Lebel puis les FAMAS reprend du service. Après avoir bénéficié d’un apport de 20 millions d’euros par CyberGun (sic), elle cherche 10 000 m² de terrain pour s’agrandir et pouvoir fournir aux armées et à la police 100 000 armes « légères » (flingues et fusils d’assaut) franco-françaises par an.
Réarmement et propagande belliciste nous font froid dans le dos, créons des espaces de discussion avant d’être emporté.es par l’urgence et la crispation.
Rdv Samedi 25 février à 19h à la Cale, 16 rue Royet.
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