Les équipes nationales ont toujours été des vitrines des régimes et des gouvernements. Dans un monde où les tensions diplomatiques et identitaires s’intensifient, le rôle politique des équipes nationales prend forcément plus de relief. L’exposition médiatique de compétitions comme l’Euro a contribué à banaliser la profusion de drapeaux et le rituel des hymnes nationaux est devenu un élément de folklore.
L’Ukraine et l’épisode de son maillot propagandiste
Au-delà de ce folklore patriotique, ces événements peuvent aussi importer les conflits diplomatiques et géopolitiques. Et quel meilleur support que le maillot de l’équipe nationale, épargné par la publicité, pour faire passer un message sur la scène internationale ? L’Ukraine et la Macédoine du Nord n’ont pas manqué l’occasion.
Avant même l’ouverture de l’Euro, les Ukrainiens et leur maillot arborant les frontières du pays, revendiquant la Crimée sécessionniste, ont allumé la première mèche et provoqué la colère de la Russie. Les deux pays sont en conflit depuis 2014 avec la sécession sous influence russe de la Crimée et le déclenchement de la guerre au Donbass, où règnent en maîtres les milices d’extrême-droite des deux bords, comme les néo-nazis du Régiment Azov côté ukrainien. La présence de la Crimée sur le maillot ainsi que la mention du slogan belliqueux “Gloire à l’Ukraine, Gloire aux héros” ont été reçues comme des provocations par la Russie qui a demandé à l’UEFA d’intervenir. Pour sauver les meubles, l’UEFA a donc demandé à l’Ukraine de faire un compromis et de supprimer seulement la deuxième partie du slogan “Gloire aux héros”, jugée trop politique. L’Ukraine a accédé à cette demande ayant reçu de l’UEFA la garantie de pouvoir commercialiser le maillot d’origine avec le maintien en entier de ce slogan issu des manifestations patriotiques de la place Maïdan qui avaient mené au renversement du gouvernement pro-russe de Ianoukovytch en 2014.
La Grèce, non-qualifiée, ne veut pas rester spectatrice de l’Euro
Autre maillot, autres tensions, avec celui de la Macédoine du Nord qui ré-alimente les braises d’une crise qui dure entre nationalistes grecs et macédoniens à cause du nom de l’ancienne république yougoslave. En gros, la Grèce refusait que la Macédoine s’appelle ainsi car c’est la région septentrionale du pays s’appelle déjà ainsi. D’où les slogans du type : “il n’y a qu’une seule Macédoine et elle est grecque”. Bêtise crasse du nationalisme ! L’accord de Prespa signé entre les deux pays en 2018 est censé avoir entériné l’appellation “Macédoine du Nord”. Mais finalement, tant côté grec que macédonien, cette affaire n’a pas apaisé les tensions chauvines et nationalistes. C’est par la publication du nouveau maillot en vue de l’Euro 2021, par la Fédération de Football de Macédoine (FFM) et l’équipementier Jako, que ces tensions s’y sont invitées. Ce maillot a provoqué une vague de mécontentement dans les rangs des supporters. La Fédération a donc fait marche arrière et l’équipe macédonienne joue finalement le premier Euro de son histoire avec le maillot qu’elle porte depuis 2016 et qui est aux couleurs du drapeau national. Problème, la Grèce, qui ne participe pas à l’Euro 2021, en profite pour mettre son grain de sel et exiger qu’apparaisse la précision “du Nord” à côté de l’acronyme “FFM” sur l’écusson. Elle y voit une entorse à l’accord de Prespa, qui ne concerne pourtant que les institutions financées par l’État. Ce qui n’est pas le cas de la Fédération de Football de Macédoine.
L’insulte anti-albanaise d’Arnautovic
Pour son premier match dans la compétition, la Macédoine du Nord s’est donc présentée avec son maillot historique. Mais c’est une autre polémique qui l’a vite remplacée. Malgré la tentative de son coéquipier David Alaba de lui fermer la bouche, l’attaquant autrichien d’origine serbe Marko Arnautovic a célébré son but en éructant des propos insultants à l’encontre d’Ezgjan Alioski, milieu macédonien d’origine albanaise : “j’ai baisé ta mère, l’Albanais !“. L’attaquant du club de Shangaï, qui avait il y a quelque temps exprimé sa foi orthodoxe dans les médias, n’a pas pu résister à affirmer sa serbité face à son adversaire albanais d’origine. Ou comment un simple match entre l’Autriche et la Macédoine du Nord, importe les tensions identitaires jamais réglées entre Serbes et Albanais. L’implosion de la Yougoslavie, suite à une guerre marquée par les multiples massacres ethniques, notamment de la part des milices serbes, n’a pas calmé les tensions identitaires.
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