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ACTUALITÉS RÉPRESSION - PRISON
Publié le 24 novembre 2007 | Maj le 17 décembre 2018

Chronique d’une arrestation annoncée - Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples (LIDLIP)


MATHIEU CRETTENAND*

PAYS BASQUE - L’arrestation, début octobre, des membres de la direction du parti séparatiste basque Batasuna est révélatrice du climat actuel qui règne au Pays basque à la suite de la rupture du cessez-le-feu par l’ETA.

Quatre mois après l’annonce de la rupture du "cessez-le-feu permanent" par l’organisation séparatiste basque Euskadi Ta Askatasuna (ETA) (7 juin 2006), l’automne a amené avec lui une vague d’arrestations sans précédent dans le milieu indépendantiste basque. En effet, le 4 octobre dernier, au nom de la lutte contre le terrorisme, le juge Baltazar Garzón a ordonné l’arrestation de vingt-trois cadres politiques du parti atasuna, lequel représente entre 12% et 15% de l’électorat au Pays basque espagnol. Cette rafle n’a de spectaculaire que son ampleur. Depuis l’échec du processus de paix initié officiellement par le gouvernement espagnol de José-Luis Zapatero en juin 2006, et surtout à l’approche des élections législatives nationales (mars 2008), la pression judiciaire et politique sur les membres du milieu indépendantiste était devenue toujours plus insistante. La détention des membres de la direction du parti indépendantiste cadre donc logiquement avec la politique menée par les autorités espagnoles au fil du temps. Pour rappel, Batasuna est un parti interdit en Espagne depuis 2003 pour être considéré comme le bras politique de l’ETA.
Une vengeance politique ?

L’annonce par l’ETA de la rupture des négociations avec le gouvernement a provoqué l’ire des autorités espagnoles. Pour ne pas devoir payer le prix politique de l’échec du processus de paix aux prochaines élections nationales, le gouvernement socialiste a choisi une nouvelle fois la manière forte pour répondre au défi de l’indépendantiste basque. L’histoire semble se répéter à l’infini au Pays basque depuis la transition démocratique espagnole, puisqu’aucun des gouvernements n’a été, jusqu’à aujourd’hui, capable de mener à terme un processus de résolution du dénommé « conflit basque ». Encore une fois, les pires prévisions ont eu raison des espoirs qu’avait suscité cette nouvelle volonté de dialogue politique pour obtenir une résolution pacifique du conflit. La récente détention des membres de la direction de Batasuna correspond malheureusement à un schéma habituel du gouvernement espagnol, alternant le bâton et la carotte avec le parti indépendantiste selon les circonstances. Pour les milieux indépendantistes, la rupture de la trêve par l’ETA, et par conséquent des négociations, annonçait le retour des temps difficiles, ceux-ci ne faisant sans le moindre doute que débuter.

En analysant la situation actuelle, un mois après ces détentions, on ne peut éviter de soupçonner dans l’arrestation de la direction de Batasuna ne vengeance politique. En effet, en criminalisant aux yeux de l’opinion publique les mouvements liés au séparatisme basque, le gouvernement socialiste, avec l’appui du pouvoir judiciaire, fait preuve d’opportunisme politique et évite d’assumer sa part d’échec dans le processus de négociations. Cependant, en agissant ainsi, le gouvernement oublie momentanément que les questions de fond du conflit n’ont toujours pas trouvé de solutions durables et pacifiques. Alors, pourquoi cette conclusion si catastrophique, alors qu’une proposition d’accord était encore sur la table au mois de mai 2007 ? Le gouvernement espagnol s’est-il risqué dans ce processus sans être décidé à s’engager dans une solution durable pour le conflit ? Pour sa part, le séparatisme basque a-t-il fait preuve d’intransigeance dans ses revendications ? Ce sont autant de questions auxquelles il faut répondre pour prendre le pouls actuel du conflit basque.

Les négociations du processus de paix Le processus de paix qui s’est achevé en juin dernier constituait la troisième tentative de trouver une solution à la question basque depuis la transition démocratique espagnole (1975-1978). A nouveau, deux concepts étaient au centre des négociations : le droit à décider du peuple basque (l’autodétermination) et la territorialité (regroupement des régions constituant le Grand Pays basque, en particulier les Communautés autonomes du Pays basque et de la Navarre, la partie française étant définitivement traitée à part). En acceptant de négocier politiquement de la question, il semble bel et bien que le gouvernement de Zapatero était décidé à trouver une solution négociée au conflit basque. Néanmoins, un retour sur le contenu des négociations filtré par la presse basque et espagnole nous surprend du manque d’ouverture des autorités espagnoles au moment de se compromettre réellement pour une solution mettant un terme à la lutte armée. En effet, l’issue des négociations était de toute évidence imaginable depuis l’initiation du dialogue.

Durant les deux rounds de négociations – en automne 2006 et en mai 2007, dont certaines réunions ont été effectuées sous les auspices du Centre pour le dialogue humanitaire Henry-Dunant –, deux modèles pour le Pays basque s’affrontaient : d’un côté, la gauche nationaliste exigeait a constitution d’une nouvelle Communauté autonome composée du Pays basque actuel (Euskadi) et de la Navarre avec une consultation préalable de la population ; de l’autre côté, le gouvernement socialiste ne proposait qu’une réforme institutionnelle dans les Communautés autonomes Basque et de Navarre, avec la possibilité de constituer un organe commun entre les deux régions, mais en aucun cas la création d’une nouvelle Communauté autonome. Le refus systématique du gouvernement d’entrer en matière sur les propositions du mouvement séparatiste provoqua la décision de l’ETA de mettre un terme au cessez-le-feu déclaré le 22 mars 2006. En refusant de continuer à négocier sur cette base, l’organisation armée annonçait qu’elle ne déposerait jamais les armes pour une demi-solution au Pays basque. La résignation de la direction de Batasuna à la décision de l’ETA contribuait pour sa part à faire perdurer le conflit. A cinq mois des élections législatives nationales prévues le 9 mars 2008, il est plus qu’improbable que le gouvernement et les partis politiques se risquent dans un nouveau processus de paix. En effet, le coût politique d’un tel processus exige aujourd’hui des acteurs politiques de mesurer avec soin toutes leurs positions et leurs interventions publiques en relation au conflit basque. De plus, d’un point de vue électoral, la décision de l’ETA de refaire entendre les armes astreint les autorités espagnoles à multiplier les actions répressives pour démontrer à la société espagnole sa ferme volonté de démanteler la structure de l’organisation en utilisant tous les moyens policiers et judiciaires, y compris contre des groupes n’ayant rien à voir avec la lutte armée. Néanmoins, penser que la répression de l’Etat sera capable à elle seule d’anéantir compètement l’ETA est une vision iréelle. L’ETA n’a pas besoin de milliers de membres pour jouer son rôle dans le conflit. Le renouvellement constant de ses militants nous enseigne qu’elle n’a actuellement aucune difficulté pour se régénérer et poursuivre sa fonction de stimulation d’un processus de négociation. Marge de manoeuvre étroite.

Ainsi, même privée de justification et de légitimation depuis les attentats islamistes du 11 mars 2004 de Madrid, la violence politique qui attire l’attention internationale sur le conflit basque semble fatalement condamnée à fonctionner et à se perpétuer de la même manière. A moins qu’un gouvernement ne fasse preuve de volonté politique en acceptant les réformes institutionnelles nécessaires à la résolution du conflit. Zapatero osera-t-il une nouvelle négociation s’il est réélu en mars 2008 ? Rien n’est moins sûr. Toutefois, l’alternative du parti de la droite, le Parti populaire, ne laisse pas beaucoup de marge de manoeuvre au nationalisme basque dans la recherche d’une solution au conflit.

Note : *Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples (LIDLIP).

P.-S.

Note : *Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples (LIDLIP).


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