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ANALYSES ET RÉFLEXIONS EXPLOITATION ANIMALE
Publié le 23 décembre 2019 | Maj le 31 mai 2020

Antispécisme


Tout remonte au début des années 70. Un psychologue et écrivain nommé Richard D. Ryder crée le terme de spécisme (speciesism) pour décrire l’exclusion de la sphère morale et juridique dont font l’objet les animaux.
Voici ce qu’il écrit :

« Depuis Darwin, les scientifiques admettent qu’il n’y a aucune différence essentielle “magique” entre les humains et les autres animaux, biologiquement parlant. Pourquoi, dès lors, faisons-nous morale-ment une distinction radicale ? Si tous les organismes sont sur un seul continuum biologique, nous devrions aussi être sur ce même continuum. »

En 1975, Peter singer écrit un livre s’intitulant Libération animale qui est inspiré des travaux de Richard D. Ryder. Son livre connaît un grand succès et a permis de faire connaître plus largement ce qu’était le spécisme et son antagoniste, l’antispécisme.
Singer explique que le spécisme viole le principe d’égale considération des intérêts. Il écrit au début de son livre :

« Les racistes violent le principe d’égalité en donnant un plus grand poids aux intérêts des membres de leur propre race quand un conflit existe entre ces intérêts et ceux de membres d’une autre race. Les sexistes violent le principe d’égalité en privilégiant les intérêts des membres de leur propre sexe. De façon similaire, les spécistes permettent aux intérêts des membres de leur propre espèce de prévaloir sur les intérêts supérieurs des membres d’autres espèces. Le schéma est le même dans chaque cas. »

Le spécisme est le fait de considérer que le critère de l’espèce est pertinent pour discriminer les animaux ; l’antispécisme vient s’opposer à cette vision. Cette lutte politique considère que le critère de l’espèce n’est pas un argument valable pour discriminer les animaux (humains et non-humains).

Source d’énergie du spécisme

Le spécisme est nourri par de fort piliers religieux : le christianisme, l’islam et le judaïsme n’y sont pas pour rien. Elles prônent toutes les trois une vision de supériorité de l’humain ou de l’homme.

Genèse 1:26 :

« Puis Dieu dit : Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre. »

Les différentes interprétations donnent lieu à beaucoup de différences dans les pratiques religieuses, comme c’est le cas de l’islam où une partie des croyants de cette religion sont vegans ou végétariens pour des raisons morales et/ou éthiques.
Malgré les différences dans les interprétations, l’idée de supériorité et de spécisme est toujours présente.

Le spécisme est également fondé sur un pilier économique car l’exploitation animale rapporte beaucoup d’argent.
Par exemple l’industrie de la viande et des produits laitiers fait usage de propagande dans le monde politique, dans les médias, les pubs qu’on peut voir à chaque arrêt de tram ou dans les vidéos d’influenceurs comme Squeezie. Même à l’école des lobbyistes s’invitent auprès de jeunes enfants.

La filière laitière française fait 29,4 milliards de chiffre d’affaires annuel.
En 2017, la filière bovine française a obtenu, quant à elle, un chiffre d’affaires de 10 milliards d’euros.

Nous retrouvons ensuite à l’origine du spécisme un pilier culturel de la domination, que l’État et autres groupuscules se donnent à cœur joie d’alimenter.
Réfléchir à l’antispécisme et arrêter de discriminer des animaux en raison de leur espèce remettrait en cause des schémas oppressifs qui sont de la même structure que dans le sexisme, le nationalisme, le capitalisme ou dans d’autres idéologies discriminantes. Une majorité de personnes utilisent ces schémas oppressifs.
On peut constater aujourd’hui et avec l’histoire que l’être humain tient malheureusement beaucoup à ses privilèges. Les gouvernements, les fascistes et autres oppresseurs n’ont donc pas intérêt à aller vers une société antispéciste mais plutôt à réprimer ces militant.es.

En 2017 et 2018, suite à des caillassages de vitrines de boucheries et un incendie dans un abattoir, le gouverne-ment a condamné fermement ces actes et mis beaucoup de moyens en œuvre pour les arrêter en n’hésitant pas à les qualifier de terroristes [1].

Enfin, le spécisme est une conséquence de l’héritage philosophique anthropocentrique qui a construit des pensées pendant longtemps et même encore aujourd’hui. Des philosophes comme René Descartes, Aristote et d’autres ont promu des croyances spécistes et elles se sont transmises au cours de l’Histoire.

René Descartes comparait les animaux(non-humains) à des machines :

« Je sais bien, écrit Descartes, que les bêtes font beaucoup de choses mieux que nous, mais je ne m’en étonne pas ; car cela même sert à prou-ver qu’elles agissent naturellement et par ressorts, ainsi qu’une horloge, laquelle montre bien mieux l’heure qu’il est, que notre jugement ne nous l’enseigne. »

Aristote avait classé la nature selon une échelle graduée de perfection, allant des plantes aux êtres humains, son système comprenant douze graduations.

Voici les 5 premières graduations classées dans l’ordre dé-croissant :
I. les êtres humains,
II. les Quadrupèdes vivipares,
III. les Cétacés,
IV. les Animaux sanguins ovipares,
IV. les Céphalopodes,
V. les Crustacés

Rappelons tout de même que tous les animaux ont de la sentience et sont doués de sensibilité ; ils ont la capacité d’avoir des émotions. Il a aussi été démontré que plusieurs espèces animales ont la capacité de se projeter dans l’avenir. Nous sommes donc loin de pouvoir parler d’un animal comme étant une machine.

Comment se traduit le spécisme aujourd’hui ?

L’exploitation animale est omniprésente aujourd’hui dans notre mode de vie occidental, mais la plupart des dominations que l’humain effectue aujourd’hui sur les autres animaux s’inscrit dans le but de produire de la nourriture destinée à l’alimentation humaine.

Chaque année plus de 1000 milliards d’animaux sont tués par l’humain pour son alimentation. Cette estimation est très vague car les animaux marins sont comptés en tonnes et non pas en individus.
Dans ces chiffres tous les dommages collatéraux causés ne sont pas pris en compte, or ils tuent beaucoup d’autres animaux : sur plus de 90 millions de tonnes de poisson pêchées chaque année, environ 7 à 20 millions de tonnes sont relâchées mortes ou gravement blessées.
L’impact sur le réchauffement climatique de l’élevage est de 14,5 % à travers la contribution aux gaz à effet de serre (étude de la FAO en 2013) – réchauffement climatique qui va causer la mort et la souffrance de milliards d’animaux. D’autres problèmes écologiques sont aussi liés à l’élevage[[Pour en savoir plus, aller sur le site https://www.viande.info.

Les animaux non-humains sont utilisés pour le divertissement avec la chasse, la corrida, les cirques, les zoos, la pêche, les courses de chevaux et de chiens, les parc aquatique, l’équitation et les combats d’animaux (coqs, chiens) et même pour la musique.

Exploiter pour des cosmétiques et pour la science, cela se traduit à la fois par des tests en laboratoire et par l’utilisation de leur graisse à l’intérieur des produits.
Est-ce un progrès d’enfermer des animaux et de les torturer au nom de la science ?
Aujourd’hui nous pouvons disposer d’autres techniques d’expérimentation qui sont pour la plupart des tests in-vitro sur des cellules humaines en culture.
Nous nous servons des autres animaux pour construire des habits et des chaussures. Une vie de souffrance pour des sacs, canapés, capuches en fourrure, pulls, chaussettes...
D’autres conséquences de ces productions sont tout aussi impressionnantes : la production de cuir est l’une des plus importantes sources de pollution qui touchent le Gange, ce sont parallèlement des millions d’humains exploités pour fabriquer tous ces textiles.
Nous avons même domestiqué et créé des animaux dans le but de leur apprendre l’obéissance pour pouvoir leur lancer un bâton dans un parc de jeux une fois par semaine ou pour guider des personnes mal-voyantes.
Des magasins vendent des rats en tant qu’animal de compagnie à mettre en cage toute leur vie pour du plaisir personnel tandis qu’on les massacre avec des pièges atroces (comme la technique de la colle qui consiste à attendre qu’un animal marche dessus et qui, dès qu’il pose une patte dessus, y reste collé jusqu’à la fin son agonie).

Les descriptifs ci-dessus sont des listes non exhaustives et il reste malheureusement beaucoup d’autres exemples, comme les utilisations de pesticides.
L’exploitation animale reste une souffrance, qu’elle soit au fond d’un jardin ou dans une usine.

Pour lutter contre ces différentes exploitations, on peut devenir vegan.
En 1944 Donald Watson, qui a créé le terme vegan, le définit de cette manière :

« Le Véganisme est une philosophie et une façon de vivre qui cherche à exclure, autant qu’il est pratiquement possible, toutes les formes d’exploitation et de cruauté envers les animaux, que ce soit pour se nourrir, s’habiller, ou pour tout autre but ; et par extension, le véganisme soutient et encourage le développement et la mise en œuvre d’alter-natives sans utilisation d’animaux, pour le plus grand bien des êtres humains, des animaux et de l’environnement. »

Le véganisme est donc le comportement éthique et/ou moral qui refuse autant que possible d’exploiter les animaux et qui boycotte toutes les formes d’exploitation animale. Être vegan est indispensable pour lutter contre le spécisme. Rappelons quand même que les vegans ne sont pas forcément antispécistes. On peut être vegan et considérer les autres animaux comme inférieurs.

La lutte antispéciste, autoritarisme ?

La lutte antispéciste est souvent qualifiée d’antidémocratique mais cela dépend de ce qu’on inclut dans le concept de démocratie.
Démocratie signifie pouvoir au peuple ; si on inclut dans le peuple les animaux non-humains alors le déni de démocratie devient le fait d’exploiter les animaux mais pour cela il faudrait les considérer comme des personnes.
Nous ne pouvons pas faire une démocratie si nous ne donnons pas de droit aux animaux non-humains, aux enfants, aux sans-papiers...
L’animalisme est l’idéologie qui veut donner des droits à tous les animaux.

Le lion chasse bien la gazelle ?

À noter que le culte de la virilité n’y est pas pour rien dans ce genre de propos parce qu’en général, c’est la lionne qui chasse la gazelle mais passons outre.
Pour parler des libertés individuelles, la question de la prédation est souvent employée par des détracteurs de l’antispécisme pour expliquer que cela n’a pas de sens d’interdire aux humains de manger d’autres animaux et de les exploiter. Tandis qu’à côté on laisse le lion et tout autre prédateur manger et exploiter d’autres animaux.
D’un point de vue philosophique il est tout à fait légitime de vouloir interdire l’exploitation qu’exerce le lion sur d’autres animaux, tout comme la légitimité de se battre contre l’exploitation qu’exerce l’humain envers les animaux non-humains.
Mais se rattachant à la pratique on voit bien qu’il y a des problèmes aujourd’hui à appliquer ce principe.
Sans compter le fait que nous n’avons pas de moyens pour expliquer aux lions et à tout autre prédateur non-humain ce qu’est le spécisme et pourquoi il doit arrêter ; il est impossible de l’empêcher d’exploiter les gazelles pour les tuer et les manger car sinon des catastrophes écologiques et sociales se produiraient comme la surpopulation de gazelles et les famines engendrées liées au manque de nourriture. Cela est la même chose en France avec les loups qui sont importants pour les écosystèmes malgré le fait qu’ils attaquent des animaux.
Aujourd’hui l’humain massacre déjà les écosystèmes en voulant essayer de les contrôler. Donc, pour l’instant, l’humain n’a pas les moyens et aptitudes à intervenir dans la prédation des autres espèces.

Résistance et action directe

Nous pouvons agir sur notre consommation en devenant vegan.
On aura aussi besoin de sensibilisation et de montrer que des alternatives sans utilisation de l’exploitation animale sont possibles.
De ce côté L214, vegan impact, le parti animaliste et d’autres associations font beaucoup de boulot.
Malheureusement la technique du petit colibri ne suffit pas, la forêt continue de brûler, alors organisons la résistance.

Nous n’allons pas vous conseiller d’aller faire de l’action directe pour stopper ce massacre et cette domination commis par des humains car cela est illégal et violent.
N’allez pas voir ce site directaction.info qui recense de façon participative des actions de libération animale et de délinquance faits dans le monde et en France pour stopper l’idéologie discriminante qu’est le spécisme.
Nous vous conseillons d’attendre que cela change avec le temps et manger du tofu sur votre canapé. Il ne faut surtout pas que vous alliez casser la boucherie ou faire brûler l’abattoir à côté de chez vous ou même que vous décidiez de sauver un animal d’un abattoir et de le placer dans un refuge illégal.

Le projet politique qu’est l’antispécisme commence à se faire connaître et entendre, des militants.es antispécistes sont de plus en plus déterminés.es et sont prêt à résister.

Ne lâchons rien, soutien à tous les animaux opprimés.es.

[Ni Oubli Ni Pardon]

LOU

P.-S.

Pour lire le Gueuloir n°5 : 4480 ;
Site d’actions antispéciste : directaction.info ;
Conséquences écologiques de l’élevage : https://www.viande.info/ ;
Dessins : https://www.insolente-veggie.com/.

Notes

[1Modification post publication dans le journal : Castaner a mis en place une cellule initulée « Demeter » pour faire de l’antispécisme une priorité des renseignements. Cf. le communiqué du ministère de l’Intérieur.


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