Actualité et mémoire des luttes à Saint-Étienne et ailleurs
MÉMOIRE ANTIFASCISME
PARIS & ALENTOURS  
Publié le 9 février 2024

9 février 1934 : émeute antifasciste dans l’Est parisien


Après la manifestation antiparlementaire du 6 février 1934, conduite par les ligues d’extrême-droite, un vaste front antisfasciste se construit partout en France. Le 9 février, le Parti communiste appelle à manifester en masse place de la République, réclamant notamment l’arrestation du préfet de police Jean Chiappe et la dissolution des ligues fascistes. Des affrontements violents opposent flics et manifestants : plusieurs ouvriers sont abattus, des centaines sont blessés.

La manifestation du 12 février 1934, qui accompagne la grève générale de 24 heures appelée par les syndicats unitaires et confédérés [1], est souvent présentée comme la principale réaction de la gauche française à l’émeute antiparlementaire du 6 février 1934. La rencontre des cortèges communistes et socialistes aux cris de « Unité ! » est vue comme le point de départ du processus qui mènera à la réunification syndicale et au Front Populaire. Mais dans les jours précédents, de nombreuses manifestations antifascistes ont lieu dans toute la France. Le 9 février, le Parti communiste appelle les ouvriers socialistes et communistes à « prépare[r] dans l’action la grève revendicative et politique de masse pour lundi », en manifestant en masse place de la République. Cette manifestation, moins connue que celle du 12 février, est violemment réprimée. Nous proposons ci-dessous le compte-rendu qu’en fera le journal L’Humanité le lendemain [2]. Évidemment, le récit que propose « l’organe central du parti communiste » est très orienté. Il a néanmoins le mérite de plonger les lecteur·ices au cœur des affrontements de cette nuit-là, pendant laquelle « durant cinq heures, travailleurs communistes et socialistes réunis pour la lutte contre le fascisme disputent héroïquement la rue à la police de Chiappe et de Bonnefoy-Sibour » [3].

Boulevard Magenta, magnifique démonstration de front unique

À 19 heures, les groupes commencent à se former boulevard Magenta, aux alentours de la République. Vers 19h30, un barrage de cavaliers s’établit à l’entrée du boulevard Magenta. Les flics font brutalement circuler les gens et les refoulent dans les avenues autour de la place. Quelques incidents se produisent. Deux ou trois passants sont malmenés.

Vers 19h43, une première charge d’agents dégage les abords de la place jusqu’à Lancry. À 20 heures, la foule se reforme sous la direction de membres du parti et des J.C. [4] et regagne les abords de la place de la République. Une très violente charge se déclenche en même temps qu’éclate l’Internationale et les cris de « Vivent les Soviets ! Les Soviets partout ! » Les agents matraquent aux coins des rues les isolés. Plusieurs blessés tombent autour du métro Lancry [5]. Une fois la charge passée, les manifestants se rassemblent de nouveau, et sur des bancs montent des orateurs du parti qui font acclamer nos mots d’ordre. Près de 2 000 ouvriers sont rassemblés et chantent l’Internationale.

À ce moment, une colonne de socialistes, parmi lesquels une grosse majorité de jeunes, descend boulevard Magenta, venant de la gare de l’Est. Ils sont accueillis avec enthousiasme et tout le carrefour Lancry retentit du cri : « Unité d’action ! » Puis ce sont les cris : « Place de la République ! »

Toute la masse avance vers la place. Un car apparaît alors et doit se sauver devant les menaces de la foule hostile. Cependant, une nouvelle charge partie de la place de la République chasse les manifestants dans les rues latérales. De nombreux blessés. On arrête des voitures pour emporter ceux-ci. Là-dessus, voici un nouveau car de flics ; des gardes à cheval balaient le boulevard Magenta. Vers 20h30, le boulevard est déblayé jusqu’au coin du boulevard de Strasbourg.

Manifestations et charges faubourg Saint-Martin

Cependant, au débouché de la rue du Faubourg-Saint-Martin, auprès de la gare de l’Est, plusieurs centaines d’ouvriers sont rassemblés : À 20h30, ils manifestent aux cris de « Assassins ! Assassins ! »

La manifestation commence à se développer. Tout à coup arrivent plusieurs nouveaux camions desquels des agents extraordinairement équipés et ayant manifestement reçu des consignes sortent et se mettent à charger à coups de matraque, « revolver en main », dans toutes les petites rues environnantes. Il y a à cette bagarre, en quelques instants, plusieurs dizaines de blessés.

Parmi eux, nous relevons un camarade socialiste, Marcel Bourgeois, qui semble gravement blessé et un autre camarade du Secours Rouge d’Argenteuil, également sérieusement touché. Aussitôt leur mauvais coup commis, les flics sautent dans les camions et disparaissent à toute vitesse.

2 000 manifestants devant la gare de l’Est

À 20h45, devant la gare dé l’Est, au carrefour Magenta-Strasbourg, 2 000 manifestants environ acclament notre camarade Doriot qui harangue la foule tandis que retentissent l’Internationale et les cris de « Vivent les Soviets ! » Une charge remontant du boulevard Magenta balaye avec sauvagerie les abords de la gare de l’Est. Vers 20h50, une charge en sens inverse se précipite dans la rue Saint-Martin. Au coin de la rue Saint-Martin et du boulevard Magenta, l’asphalte ruisselle de sang. De tous côtés, les blessés sont recueillis dans les cafés à moitié fermés. L’indignation de la population du quartier est à son comble.

P.-S.

La suite de cet article à lire sur le site paris-lutte.infos

Notes

[1Suite à la scission de la CGT en 1921, deux confédérations syndicales coexistent : la CGTU, proche du parti communiste, et la CGT, proche de la SFIO.

[2Édition du 10 février 1934.

[3Proche de l’extrême-droite, Jean Chiappe est préfet de police de Paris du 14 avril 1927 au 3 février 1934. Sa révocation est une condition posée par les socialistes à leur soutien au nouveau gouvernement Daladier. C’est pour protester contre la révocation de Chiappe que les ligues d’extrême-droite mainfestent le 6 février. Bonnefoy-Sibour est son successeur au poste de préfet de police.

[4Jeunesses communistes.


Proposé par malina
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