Actualité et mémoire des luttes à Saint-Étienne et ailleurs
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SAINT-ÉTIENNE  
Publié le 12 novembre 2023 | Maj le 19 novembre 2023

Rencontre « Tenir la ville »


Le livre : Collectif Asphalte, Tenir la ville. Luttes et résistances contre le capitalisme urbain, Éditions Les Étaques, Lille, 2023, 384 p, 20€.

La rencontre : rendez-vous le samedi 18 novembre 2023 à partir de 18h30 à la Cale (16, rue Royet, St-Étienne).

Autodéfense sanitaire : parce qu’on préfère vivre avec nos camarades qu’avec le virus, le masque sera obligatoire pour cette présentation.
Des masques FFP2 seront mis à disposition et des purificateurs d’air seront installés.

Présentation de Tenir la ville. Luttes et résistances contre le capitalisme urbain

Un livre pour donner du souffle aux combats qui agitent nos villes sur le logement, l’écologie, l’organisation du pouvoir, la justice sociale, la mobilité. Ils ont en commun d’émaner de mobilisations qui mettent l’espace au cœur de la lutte pour l’émancipation, l’autonomie et les conditions de vie. Ce point commun et cette diversité ne doivent pas masquer le fait que la question spatiale, et en particulier la question urbaine, manque aujourd’hui d’une perspective politique radicale. En réunissant une série de contributions, nous tentons de défricher un chemin, tracer une feuille de route. Nous voudrions que les rencontres autour du livre participent de cet effort. Quelques lignes de l’introduction pour préciser notre propos.

[Ce texte est un condensé de l’introduction du livre]

« Il fait froid dans nos HLM, mais nous on est chauds »,
« Non aux expulsions »,
« S’ils expulsent les potagers, on labourera le bitume »,
« On ne veut pas être concertés, on veut décider »,
« Non aux Zones à forte Exclusion »

La conflictualité est permanente dans les espaces urbains : entre locataires et propriétaires, entre population et pouvoirs publics ou intérêts privés, entre acteurs de l’urbanisme eux-mêmes. Qu’elle emprunte les chemins de l’illégalité ou ceux de la négociation, elle engendre une multitude de résistances quotidiennes, individuelles ou collectives. Mais les luttes – moments où cette conflictualité surgit et conduit à un affrontement, quels qu’en soient le terrain et les modalités – sont assez rares. Et si, comme l’illustrent ces slogans, les luttes existent, elles n’atteignent pas (encore) le seuil critique à même de faire de l’espace un enjeu et un clivage central des luttes politiques.

Politiser la question urbaine

Pourtant, deux composantes du rapport à l’espace se nichent au cœur des préoccupations quotidiennes : les transports et le logement. Sans même parler de leur qualité et des rythmes qu’ils nous imposent, ce sont les deux premiers postes du budget des ménages français, représentant respectivement 16,4 % et 16,3 % de leurs dépenses [1] (le taux d’effort lié au logement des 20 % des ménages les plus modestes atteint même 22,1 %). Et pourtant, les mouvements sociaux qui se préoccupent de ces deux sujets sont rares. Le mouvement des Gilets jaunes a démarré sur le prix de l’essence, mais sans se saisir véritablement de la question de l’habiter et de la dépendance à l’automobile. La baisse des aides au logement en 2020 ou la hausse générale des loyers de 3,5 % en 2022 ont engendré des protestations des syndicats étudiants ou des collectifs luttant contre le mal-logement, mais n’ont provoqué aucun mouvement d’ampleur, alors même qu’elles concernaient une part conséquente de la population dans un contexte économique tendu. En 2023, les mobilisations contre la loi Kasbarian-Bergé qui, au prétexte de « protéger les logements contre l’occupation illicite », renforce la répression contre le squat et les locataires en défaut de paiement, ont illustré la faiblesse des forces politiques qui se préoccupent du logement. Elles n’ont de plus eu aucun écho dans la mobilisation massive contre la réforme des retraites. L’envolée des prix des loyers et des transactions immobilières depuis le mitan des années 1990 [2] n’a pas suffi à en faire un sujet de mobilisation majeur.

Les mouvements sociaux n’ont pourtant pas manqué, mais la question du travail occupe le devant de la scène, sans focaliser le regard sur les besoins que les salaires et les revenus doivent couvrir (se loger, se déplacer, se chauffer, entre autres). De la même manière, ces enjeux sont peu présents sur la scène politicienne. Lors des échéances électorales, la question de l’accession à la propriété écrase celle du logement et du foncier et le prix de l’essence invisibilise celle des mobilités. Dans la bouche des élus, les différentes formes de ségrégation sont masquées par un jargon dépolitisant qui maquille tout projet urbain en action en faveur d’une ville « durable », « inclusive » et « résiliente ». Enfin, la question de la production de la ville échappe largement à ses habitantes et habitants, car elle est pensée de façon technocratique. Légitimés par leur expertise professionnelle réelle ou supposée, les ingénieurs, les architectes ou les promoteurs qui la conçoivent ne rendent que très rarement compte de leurs actions.

L’objectif de cet ouvrage est de contribuer à politiser la question urbaine, c’est-à-dire de contribuer à en faire un enjeu de pouvoir central des luttes pour l’émancipation, à la fois par une montée en conflictualité — penser l’espace urbain comme objet et terrain du conflit — et par une montée en généralité — montrer comment la question spatiale influence d’autres enjeux et se trouve elle-même traversée par de nombreux rapports sociaux (de classe, de race, de genre, de handicap). Ce livre part du constat que l’espace urbain est déjà un objet de luttes et de résistances : les initiatives fourmillent dans de nombreuses villes ou dans leurs périphéries, autour de projets capitalistes spécifiques ou autour de grandes questions politiques. Nous prenons donc le parti de raconter un certain nombre d’expériences et de présenter des réflexions en cours, pour donner à voir un panorama de combats pour l’espace — pour le défendre, le préserver, décider de ses destinées et des manières de l’habiter — et par l’espace — au sens où celui-ci représente une ressource et un outil pour s’organiser face aux forces étatiques et capitalistes. Les chapitres se répondent et se complètent, mettent en exergue la diversité des objets, des relations aux territoires, des personnes impliquées, des cultures politiques et des stratégies de lutte. Ils donnent à voir leur convergence et permettent d’analyser la dynamique en cours.

Outiller les luttes, nourrir les résistances

Le capitalisme urbain — c’est-à-dire la manière dont l’économie capitaliste façonne et gouverne les espaces urbanisés — peut apparaitre comme un rouleau compresseur impossible à arrêter. Que faire contre la spéculation immobilière ? De quelle manière mettre en échec les plans d’un promoteur ou d’un maire ? Comment penser un espace public moins hostile et plus propice aux activités de toutes et tous ? Comment trouver tout simplement un espace où habiter ? Ces questions restent souvent en suspens, flottant sur un pessimisme fondé par la dissymétrie du rapport de force entre les citadins et citadines, d’un côté, et les acteurs de l’urbanisme, de l’autre. Le capitalisme urbain est pourtant un colosse aux pieds d’argile, qui échoue régulièrement sous le poids même de ses contradictions. Si de nombreux projets ne vont pas à leur terme pour des raisons politiques, techniques ou financières, leurs échecs résultent aussi des luttes et résistances qui fragilisent leurs promoteurs, ou parviennent à ralentir suffisamment leur mise en œuvre.

Ces luttes héritent cependant d’une série de défaites et de demi-victoires qui ont rabougri la perspective de concevoir la ville comme un véritable front de lutte. Si, comme nous le pensons, l’urbain peut redevenir un point central des luttes pour l’émancipation, il s’agit d’arracher du pouvoir à l’État et au Capital et de construire les imaginaires d’une ville désirable. Cela implique d’éviter de se figurer des monstres inattaquables et surtout de montrer comment il est possible de trouver les moyens de construire une capacité d’action collective.

C’est ce que dessinent, sans triomphalisme, les expériences restituées dans chacun des chapitres de cet ouvrage. L’objectif n’est pas de dresser un catalogue aux accents publicitaires, qui donnerait aux combats relatés ici une force qu’ils n’ont que sur le papier. Aussi désirable soit-elle, la dynamique à l’œuvre n’est, à ce stade, pas à même d’ébranler l’ordre établi. Ces luttes existent et ont des dimensions en commun. L’espace est leur objet. Elles se confrontent à la fois au Capital et aux pouvoirs publics. Leurs moyens d’action sont en partie les mêmes. S’y jouent des tensions entre le jeu institutionnel et ses en-dehors. Elles tentent de résoudre des difficultés en termes d’organisation et de coalition causées par l’hétérogénéité des espaces sociaux dans lesquels elles se déploient. Celles et ceux qui les mènent sont attachés à leurs espaces de vie et sont bien décidés à y rester et à les tenir.

Nous pensons que seuls un retour critique sur ces différentes expériences et la confrontation réflexive entre chacune d’elles peut permettre de les renforcer. C’est pourquoi les chapitres présentent aussi les limites et les faiblesses des combats relatés, ainsi que leurs éventuels dépassements. Ils s’articulent aussi entre eux, lorsque des réflexions sur des problématiques ou des modes d’action éclairent en creux les contradictions et les points aveugles d’autres luttes.

Pour développer son propos, cet ouvrage s’appuie sur vingt-quatre chapitres qui montrent et racontent autant de modalités de prise de pouvoir sur l’espace et sur sa production, dans le but de faire circuler ces expériences au-delà des territoires et des champs politiques où elles existent. Les exemples présentés sont essentiellement français, par conséquent inscrits dans un même contexte politique et réglementaire, mais le récit d’expériences belges, espagnoles et uruguayennes vient nourrir une réflexion plus générale. Leurs formes varient : certains chapitres sont des récits de luttes et de résistances particulières, tandis que d’autres présentent des réflexions sur des thématiques spécifiques en s’appuyant sur des exemples de conflits variés, et que d’autres encore sont des entretiens avec les protagonistes de certains combats.

L’intention du livre s’incarne aussi par son caractère collectif : quarante-neuf personnes y ont contribué, dont trente et une ont participé à l’écriture. Nous espérons que les échanges autour de l’ouvrage permettront de pointer ses limites, et de combler de ses manques. Comme coordinateurs et coordinatrices du présent ouvrage, nous avons sollicité des personnes engagées de différentes façons, qu’il s’agisse de militants et militantes en prise directe ou de chercheurs et chercheuses solidaires des combats qu’ils et elles documentent. Celles et ceux qui ont accepté notre invitation à écrire, à apparaitre dans un entretien, à proposer des illustrations forment le Collectif Asphalte, groupe composite qui signe ce livre. Nous espérons que cet ouvrage pourra nourrir les imaginaires, les réflexions et les actions de demain.

Le livre sera disponible gratuitement en pdf sur le site de l’éditeur.

Le Collectif Asphalte

Asphalte parce qu’on colle à la rue et qu’on ne veut pas laisser la place. Parce qu’il nous fallait trouver un nom qui exprime notre attachement pour la ville et le caractère profondément collectif du projet. Parce que ça sonnait bien, ni tout à fait politiquement correct, ni tout à fait un amour béat. Parce que nous pensons qu’il faut s’amalgamer pour faire pièce à l’aménagement capitaliste de nos vies et aux différents rapports de domination qui structurent nos espaces. Parce que nous pensons qu’écrire un livre c’est participer à défricher un chemin, à tracer une feuille de route.

Notes

[1Source : Insee, enquête Budget de famille, 2017.

[2En France, entre 1995 et 2020, le prix de vente moyen d’un mètre carré de logement a été multiplié par 2,8, de 1 056 €/m² à 2 807 €/m², et même par 4,3 à Paris. Dans le même temps, le pourcentage de ménages propriétaires de leur logement est passé de 42 % à 58 %. Source : SeLoger.com.


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