Dans "Minuit dans le siècle", on parle donc des origines du fascisme et de ses transformations, des rapports entre fascisme et police, entre fascisme et racisme ou entre fascisme et colonialisme, de la culture fasciste et des États fascistes, de la manière dont les fascistes investissent aujourd’hui le terrain de l’écologie. On explorera aussi des insurrections antifascistes du passé, des luttes qui sont menées ici et maintenant, des stratégies qui ont été et sont mises en œuvre par les mouvements antifascistes, des succès comme des échecs. "Minuit dans le siècle" est un podcast produit pour Spectre.
Crédits musique
Générique : Kino Sousa.
« Grândola vila morena » de Zeca Afonso.
« Nothing’s more important than fighting fascism », discours de Fred Hampton.
L’image qui illustre ce podcat a été réalisée à partir d’une photographie intitulée « Firemen spraying burning building on 14th St., trolley in foreground », hébergée par la Library of Congress.
Quatre épisodes à écouter sur la plate forme de podcast spectremedia.org
#1 Pourquoi un podcast antifasciste ?
Dans cet épisode introductif de "Minuit dans le siècle", Ugo Palheta rappelle que nous avons besoin de mieux comprendre le fascisme, pour mieux combattre ses résurgences. Il revient sur le fascisme historique, celui de l’entre-deux-guerres, et sur la manière dont il a survécu, muté et appris à se dissimuler, afin de retrouver l’oreille de millions de personnes à travers le monde. Le fascisme est à nouveau une force politique, tendue vers un objectif : briser tous les projets et mouvements d’émancipation ; et consolider ainsi par la force le capitalisme racial et patriarcal. À cette force il nous faut opposer, non pas des consciences vertueuses ou des institutions politiques moribondes, mais une autre force : celle des exploité·es et des opprimé·es se soulevant contre toute domination, pour l’égalité. C’est pourquoi "Minuit dans le siècle" accordera une place importante aux révoltes antifascistes, aux stratégies pour affronter le fascisme, aux victoires comme aux défaites. Possibilité du fascisme, nécessité de l’antifascisme.
#2 Fascisme : vieux démons et nouveaux monstres
La montée du terrorisme d’extrême droite, l’assaut trumpiste contre le Capitole aux Etats-Unis, les appels à peine masqués de Bolsonaro à un coup d’État au Brésil, la radicalisation islamophobe de Modi en Inde, ou encore la progression électorale des extrêmes droites en France et plus largement en Europe, signifient-ils que le fascisme est de retour ? Fait-on face à un phénomène différent qui justifierait un cadre d’analyse radicalement autre ? Pour espérer répondre à cette question, la connaissance du fascisme historique est indispensable. L’historien Enzo Traverso nous aide dans cet épisode à nous orienter dans la profusion de travaux et de débats autour du fascisme, mais aussi de l’antifascisme.
À travers un retour sur différents points de controverse concernant la définition même du fascisme, ses origines, sa dimension « révolutionnaire » ou encore ses rapports avec le communisme, Enzo Traverso nous permet de mieux appréhender ce qui fait la singularité du fascisme. Question cruciale car si celui-ci ne constituait qu’une politique parmi d’autres, il n’y aurait pas lieu de s’attarder. Or, le fascisme constitue le grand Autre de la politique d’émancipation, en tant que projet d’écrasement de toute capacité d’organisation et de résistance du côté des exploité·es et des opprimé·es. Enzo Traverso nous permet donc ici d’y voir plus clair, préalable nécessaire pour poser sur de meilleures bases le problème du renouveau nécessaire de l’antifascisme, dans ses rapports étroits avec l’émergence d’une alternative au capitalisme néolibéral.
Grand connaisseur de l’historiographie du fascisme, Enzo Traverso est aussi un fin observateur des transformations contemporaines de l’extrême droite. Il fallait au moins cela pour tenter de cerner un phénomène politique aussi discuté, insaisissable et protéiforme. D’autant que celui-ci n’est pas seulement un objet d’histoire mais le support de polémiques permanentes, depuis son émergence. Si la discussion politique se trouve en grande partie esquivée en France, notamment en raison de la fable persistante selon laquelle les valeurs républicaines auraient immunisé la société française contre la tentation fasciste, il suffit de constater l’intensité du débat aux États-Unis, au Brésil ou en Inde pour mesurer à quel point le fascisme fait pleinement partie de notre présent, ne serait-ce que sous la forme d’une question : celle de sa résurgence, évidemment sous des formes nouvelles.
Auteurs et livres évoqués pendant l’épisode
Hannah Arendt, Le Système totalitaire
Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme
Stéphane Courtois, Le Livre noir du communisme
François Furet, Le Passé d’une illusion
Emilio Gentile, Qu’est-ce que le fascisme ?
George L. Mosse, La Révolution fasciste
Gérard Noiriel, Les Origines républicaines de Vichy
Ernst Nolte, La Guerre civile européenne
Robert Paxton, Le fascisme en action
Zeev Sternhell, Ni droite ni gauche
Zeev Sternhell, La Droite révolutionnaire
Zeev Sternhell, L’Histoire refoulée
Enzo Traverso, La Violence nazie
Enzo Traverso, L’Histoire comme champ de bataille
Enzo Traverso, Les Nouveaux visages du fascisme
#3 Peste brune et greenwashing : vers l’écofascisme ? (partie 1)
Par Paul Guillibert ET Ugo Palheta
C’est assez méconnu mais l’écologie est une vieille préoccupation des extrêmes droites, du nazisme à diverses variétés du néofascisme contemporain. Et aujourd’hui, en concurrence avec le greenwashing néolibéral d’un Macron, cherchant à "verdir" le capitalisme et voyant dans le marché la solution au changement climatique, on trouve un greenwashing néofasciste, qui prétend que le salut viendrait de la fermeture des frontières et qui repeint en vert la xénophobie. Dans ce nouvel épisode de "Minuit dans le siècle", qui marque le début d’une série sur l’écofascisme (et plus largement sur les rapports entre les extrêmes droites et l’écologie), on explore avec le philosophe Paul Guillibert la manière dont les fascistes pensent l’environnement, s’approprient la question du climat, élaborent des arguments et popularisent des solutions (qui n’en sont pas). On voit également avec lui comment l’écologie est le terrain d’une refondation intellectuelle et politique du racisme et de l’extrême droite. Et mieux, on discute de comment s’opposer aux politiques écofascistes et de quelle écologie nous avons besoin.
#4 L’islamophobie : racisme institutionnel et locomotive du néofascisme
Dans ce nouvel épisode, on tente de mieux comprendre l’islamophobie avec le sociologue Marwan Mohammed, chargé de recherche au CNRS et auteur notamment d’un livre fondamental sur la question avec Abdellali Hajjat, intitulé : "Islamophobie. Comment les élites fabriquent le problème musulman" (La Découverte, 2013). À la fois discrimination systémique, racisme institutionnel et discours de stigmatisation, l’islamophobie est au coeur des tendances néofascistes de notre temps. D’où la nécessité, d’un point de vue antiraciste et antifasciste, de combattre l’islamophobie sous toutes ses formes, d’où qu’elle vienne, aux côtés des musulman·es.
On revient donc avec Marwan Mohammed sur les origines, lointaines et contemporaines, de l’islamophobie, on s’intéresse à ses relations historiques avec l’antisémitisme, et on essaie de saisir la manière spécifique dont fonctionne les discours islamophobes, comment ils contribuent à construire l’islam et les musulman·es comme un « ennemi de l’intérieur », une menace mortelle pour la République et/ou la France, et à justifier non seulement des discriminations, mais aussi des mesures autoritaires et des violences.
Ce tour d’horizon fait apparaître que si l’extrême droite propage évidemment les formes les plus brutales d’islamophobie, elle n’a sans doute pas été – au cours des dernières décennies – l’actrice principale en la matière. Elle a surtout profité de la banalisation de ces discours dans le débat public, à droite évidemment mais aussi dans des pans entiers de la gauche.
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