La décision d’aujourd’hui n’a rien de surprenant : elle s’inscrit dans la continuité d’une jurisprudence déployée depuis cinq ans par le Conseil constitutionnel, en parallèle de la Cour de justice de l’Union européenne (relire l’explication détaillée de l’action de La Quadrature du Net). Cette jurisprudence tend à replacer l’autorité judiciaire dans son rôle de contrôle préalable de l’administration, notamment quand il s’agit de lever l’anonymat des internautes. Or, la raison d’être de la HADOPI était précisément de contourner la justice afin de surveiller le plus plus grand nombre d’internautes et de les dissuader de partager des œuvres en ligne. Puisqu’il lui est enfin imposée de passer par la justice, la raison d’être de la HADOPI disparaît. Nul doute que son budget annuel de 10 millions d’euros sera utile ailleurs.
Le projet de loi audiovisuelle, débattu depuis quelques mois par le Parlement, prévoyait déjà de supprimer la HADOPI. Mais il prévoit aussi de transmettre ses missions au CSA. La stratégie de notre action contentieuse consistait à attendre ce moment pour inciter le Parlement, au moment de supprimer la HADOPI, à ne pas perpétuer des missions dont l’incompatibilité à la Constitution a été aujourd’hui reconnue.
Il s’agit de l’aboutissement de 10 ans de lutte pour La Quadrature du Net. Si nous avons été nombreuses à nous moquer, avant son adoption, de l’inutilité de la HADOPI, il ne faut pas minimiser la nocivité qu’aura eu son action en 10 années. Elle aura vivement dissuadé la population de recourir à la pratique vertueuse, libre et décentralisée qu’est le partage d’œuvres de pair à pair. Au contraire, la HADOPI aura forcé nombre d’internautes dans les bras d’une poignée de méga-plateformes, licites ou non, qui auront centralisé les échanges culturels en quelques points dominants. Cette centralisation aura surtout permis à ces méga-plateformes d’imposer leurs conditions aux artistes. Au final, à part ces plateformes, tout le monde – internautes, artistes, etc. – aura perdu au change.
Nous espérons que la victoire d’aujourd’hui sera un pas de plus vers la décentralisation du Net et le libre partage de la culture, accessible à toutes et à tous sans condition de richesse.
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