Actualité et mémoire des luttes à Saint-Étienne et ailleurs
ANALYSES ET RÉFLEXIONS ARMEMENT - MILITARISATION / GENRE - FÉMINISME
Publié le 17 novembre 2015 | Maj le 23 avril 2020

De l’indécence de la « solidarité nationale » sur Facebook


Texte d’une Féministe Antifa tiré du site : https://feministeantifa.wordpress.c...

C’est l’État Français qui fabrique et vend les armes que les terroristes finissent par pointer sur les populations civiles.

C’est l’armée Française qui est responsable du massacre de milliers de civils chaque année. C’est l’armée Française qui bombarde des hôpitaux et rase des villages en Afghanistan, c’est l’armée Française qui bombarde des villages au Mali, des campements en Somalie. C’est l’État Français qui soutient Israël qui massacre, mutile, arrête incessamment des civils, des femmes, hommes et enfants, et qui interdit sur notre territoire, malgré les grands discours sur la "liberté d’expression", les manifestations de soutien aux peuples ainsi massacrés.

C’est l’État Français qui a élaboré et testé son matériel anti-émeutes, ses armes et ses bombes, y compris nucléaires, sur la population civile Algérienne dans les années 40-50, et qui y a aussi bombardé des écoles, des hôpitaux, des infrastructures publiques.

C’est l’État Français enfin qui alimente en permanence les conflits à l’origine du massacre à Paris de vendredi soir, ainsi que ceux survenus en même temps à Bagdad et Beyrouth, qui ont sombré dans l’indifférence générale, la préférence nationale des victimes a parlé.

Depuis la fusillade qui a éclaté dans Paris, assortie de quelques détonations au stade de France, on voit fleurir des filtres Facebook pour mettre sur sa photo de profil le drapeau bleu-blanc-rouge.
Je sais que Facebook le propose spontanément, et je sais que ça part d’une bonne intention, vous savez, celles dont l’Enfer est pavé.

Parce que, vous voyez, c’est la France, ou plutôt l’État Français, qui est ouvertement soutenu à travers ce drapeau, qui est responsable de la situation dans laquelle nous sommes, en majeure partie.

Et où était votre drapeau Nigérian quand Al Quaeda y faisait 2 000 morts civiles, au début de l’année ? Où était votre drapeau Congolais quand le génocide y faisait 6 millions (!) de morts dans l’indifférence internationale généralisée ? Où était votre drapeau Palestinien quand Israël, soutenu par la France, intensifiait ses frappes sur la bande de Gaza à l’été 2014, faisant des milliers de morts civiles ? Elle était où, votre belle “humanité”, celle derrière laquelle vous vous planquez pour prendre le parti d’un État qui assassine à l’intérieur et en-dehors de ses frontières, les mêmes civils, les mêmes pères, les mêmes sœurs, les mêmes enfants que ceux qui sont tragiquement morts vendredi dernier ?

C’est tristement ironique de prétendre soutenir des civil-e-s mort-e-s dans un attentat en affichant indécemment les couleurs de la puissance militaire qui cause des milliers de morts civiles tous les ans partout dans le monde. Chaque mort est une tragédie insoutenable, qu’elle survienne en Cisjordanie, à Beyrouth, à Alep, à Alger, et quand vous affichez ainsi votre patriotisme envers un drapeau et un état militaire responsable de milliers d’actes semblables voire bien pires que celui de vendredi dernier, vous crachez allègrement sur toutes les victimes de ces attentats, sur toutes les victimes civiles, les mêmes que vous prétendez soutenir.

Toutes ces personnes qui prétendent défendre la paix, affichent les couleurs d’un pays en guerre. Un pays hypocrite qui ne sait pleurer les mort-e-s que chez lui, mais qui rejette en masse ses réfugié-e-s alors qu’iels fuient les mêmes terroristes que ceux qui ont attaqué Paris, comme c’est le cas de la Syrie, ou encore qu’iels fuient des pays bombardés par la France, comme c’est le cas de l’Afghanistan ; un pays qui instrumentalise les actes terroristes pour justifier son racisme et son islamophobie, dont les amalgames puants sont entretenus par les journaleux qui ne font définitivement plus leur boulot, alors que les musulman-e-s sont les premières victimes de la majorité des attaques terroristes dans le monde ; un pays qui n’ a pas hésité à faire défiler Netanyahu et Marine le Pen pour Charlie Hebdo et "la liberté d’expression".

Enfin, mes camarades féministes, progressistes, de gauche ou encore plus à gauche, comment pouvez-vous ne pas voir le piège de la dépolitisation qui se referme sur nous ? Cette soudaine "solidarité nationale", cette injonction à "se serrer les coudes" y compris avec les pires raclures racistes, misogynes, homophobes, nationalistes que ce pays ait porté, contre lesquels nous luttons en temps ordinaires. Cette solidarité nationale factice qui laissera encore de côté cette frange oubliée de toute la France, la jeunesse des quartiers et de Banlieue, brisée, désœuvrée et qui sombre, dans l’indifférence de tout le reste du pays, qui est laissée pour compte et pointée du doigt quand elle refuse de vouer allégeance à ce drapeau qui a souillé leur histoire, qui a détruit des familles, pendant et après la colonisation, cette partie de la France mise au rebut par ces élans de "solidarité nationale", cette même solidarité avec celles et ceux qui nous oppressent.

En ce lundi de gueule de bois nationale, je suis abasourdie par cette naïveté qui prépare l’entrée en force de la Marine en 2017, estomaquée par cette hypocrisie qui consiste à appeler "geste de solidarité" un élan patriote nationaliste, et à nommer "appel à la paix" l’apologie d’un pays guerrier, colonisateur, assassin. Personnellement, je n’ai plus la patience, je n’ai plus la patience ni pour votre naïveté, ni pour votre bien-pensance, ni pour vos œillères qui vous perdront ; je ne peux plus entendre un seul appel à l’unité aveugle avec les raclures que l’on combat, nous féministes, antifascistes, antispécistes ; je ne peux plus voir en peinture une seule injonction au calme et à l’entente cordiale avec la frange extrêmement bleue de ce pays.

Parce que cet attentat a eu lieu dans un quartier riche d’un pays riche, parce que sa population a le loisir d’en parler sur les réseaux sociaux, parce que d’autres pays dépensent de l’argent pour faire de jolies illuminations tricolores, parce que ça se passe en occident, au pied de chez nous, parce que ça aurait pu être nous-même, nous en parlons, et nous nous sentons enfin concerné-e-s par ce que d’autres vivent tous les jours, et pour beaucoup à cause de notre nation, à cause de notre armée ; parce que ça s’est passé au pied de chez nous, nous sommes pris de cet élan de solidarité nationale qui sert à exorciser notre peur, mais camarades par pitié, gardons la tête froide, gardons à l’esprit que ces attentats font du pain béni pour la désinformation d’extrême droite, la récupération à peu de frais, l’instrumentalisation, contre les musulman-e-s, contre les réfugié-e-s, à laquelle nous assistons ; en filigrane derrière ces drapeaux tricolores, se dessine un avenir bleu marine.

NB : A l’écriture de cet article, il me semble essentiel de préciser trois éléments :

1. Certaines personnes ont affiché un drapeau bleu-blanc-rouge alors qu’elles sont ressortissantes étrangères en France, notamment des réfugié-e-s ou ressortissant-e-s de pays musulmans, et ce dans le but de se désolidariser des actes terroristes avec lesquelles elles sont régulièrement amalgamées. Cet article ne les vise pas, et bien que je ne soutienne toujours pas l’initiative, la portée symbolique est bien différente et il est nécessaire d’en tenir compte.

2. Ce que nous critiquons, ce n’est évidemment pas le soutien aux victimes, ou à leurs familles, mais bien le drapeau en lui-même, pour ce qu’il représente, c’est-à-dire ce qui est exposé dans cet article. Afficher son soutien de façon apatriote est largement possible avec une image noire, une image de bougies ou de tour Eiffel.

3. La personne qui écrit cet article a échappé de "ça" aux fusillades de République et est bien consciente qu’elle aurait pu ne pas s’en sortir vivante, et cet article n’est pas un pied de nez à la mémoire des victimes, mais une critique politique de la portée de la montée de nationalisme sous couvert de solidarité nationale à laquelle nous assistons.
Par ailleurs, il y a eu des musulman-e-s victimes de cet attentat, et c’est leur rendre un bien triste hommage que d’arborer cette photo de profil “en hommage aux victimes” quand on sait que le lendemain, des femmes voilées étaient refoulées de chez Zara parce qu’elles portaient un signe associé à l’Islam, victimes des amalgames, de la terreur colportée par les médias qui font le jeu du FHaine, portée par un pays qui s’embourbe dans son islamophobie institutionnalisée.

P.-S.


Proposé par La corpo
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