Il est noble, sans aucun doute possible, de commémorer les Justes. Ils sont les phares de l’humanité plongée dans l’obscurité, en proie chaque instant à des idées haineuses, nationalistes, identitaires, racistes, discriminatoires et se mettant à dévorer cet Autre, déshumanisé à l’extrême et présenté comme menaçant. Les Justes sont celles et ceux qui ont perçu l’injuste quand il régnait et qui ont, parfois au péril de leur vie, fait de leur mieux pour palier cette injustice et pour sauver des vies. Parce qu’ils incarnent la perception de la précarité de l’existence humaine dans des temps oppressifs et l’engagement contre l’injustice, nous leur devons la poursuite exemplaire de leur engagement bien avant les commémorations.
Or, l’injuste se produit tous les jours en terre de Palestine. Des Gazaouis enfermés sur leurs propres terres et régulièrement bombardés, aux 5,2 millions de réfugiés palestiniens, exilés depuis plus de 70 ans et privés du droit au retour depuis. De l’occupation-colonisation avec velléités annexionnistes de la Cisjordanie aux destructions lentes mais méthodiques de la société civile palestinienne. Des discriminations raciales des débuts du sionisme aux grandes épurations ethniques de 1948 et de 1967 jusqu’à ce qu’il faut désormais nommer comme une situation d’apartheid et un véritable crime contre l’humanité.
Dans un article du Monde intitulé "Effacez le nom de mon grand-père à Yad Vashem", l’écrivain Jean-Moïse Braitberg a eu l’audace de ces mots en parlant d’Israël : "votre État retient prisonnière ma mémoire familiale derrière les barbelés du sionisme pour en faire l’otage d’une soi-disant autorité morale qui commet chaque jour l’abomination qu’est le déni de justice." Il a su cerner l’incongruité israélienne d’une culture de la mémoire comme fin en soi et sciemment oublieuse de l’impérieuse nécessité d’une lutte quotidienne contre l’injuste en Palestine.
À Saint-Étienne, la petite-fille d’une Juste nous livre son témoignage : « Je ressens beaucoup de tristesse à l’idée que ma grand mère, pour son sens de la justice et les actions qu’elle a menées en aidant à sauver la vie de personnes juives, se voie décerner une médaille par un état qui ne respecte pas le droit international, colonise et discrimine un peuple. C’est exactement contre ces injustices qu’elle s’est battue et cela me révolte de savoir que son nom est utilisé à des fins politiques. Elle qui a risqué sa vie dans sa lutte contre l’extrême droite et le fascisme aura donc une plaque officielle de Juste parmi les Justes au mémorial Yad Vashem, lieu de mémoire de la Shoah, à Jérusalem, terre d’apartheid depuis 1948. C’est juste insupportable. »
Nous, militant.e.s de la campagne BDS France à Saint-Étienne, disons :
« Oui à la justice, non à l’instrumentalisation de la mémoire ».
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