Contre la LPPR et le projet sur les retraites, un même combat
Que le projet de Loi pour une programmation pluriannuelle de la recherche arrive dans la foulée du projet de loi sur les retraites n’est pas un hasard. Les deux relèvent à l’évidence d’un même élan néolibéral de transformation de l’État et de la société, mais il y a plus que cela. Le projet sur les retraites prévoit une diminution drastique des cotisations de l’État, créant par ailleurs un déficit du système des retraites qui n’existe pas à l’état actuel. Un volet des « économies » ainsi réalisées serait redirigé vers le financement des universités afin d’augmenter le niveau de rémunération des enseignant.e.s-chercheur.e.s (mais de façon inégalitaire, on y revient ensuite) et de compenser pour partie la baisse de leurs pensions (selon les estimations, la perte serait de près de 400 euros mensuels avec le nouveau système) [2]. Le gouvernement espère ainsi faire passer la réforme des retraites auprès des universitaires… tout en restructurant profondément le fonctionnement de l’université.
Vers une précarisation accrue à l’université
« Il faut une loi ambitieuse, inégalitaire – oui, inégalitaire, une loi vertueuse et darwinienne, qui encourage les scientifiques, équipes, laboratoires, établissements les plus performants à l’échelle internationale. »
C’est ainsi que le PDG du CNRS, Antoine Petit, s’exprimait dans le journal Les Échos en date du 26 novembre 2019. Il annonçait clairement le principe qui guide le projet de loi que le gouvernement prépare [3]. L’une des mesures consisterait à supprimer le plafond actuel du nombre d’heures d’enseignement annuel (192 heures) dans le but de moduler les services selon le profil de l’enseignant.e chercheur.e. Il s’agirait ainsi de réduire le volume d’enseignement pour les « excellent.e.s », tandis que les « médiocres » se verraient imposer autant d’heures que nécessaire, sans qu’elles ne soient payées ou considérées comme des heures supplémentaires. Hormis la mise en concurrence des personnels que la loi entend ainsi favoriser, l’objectif est aussi de réduire le recours aux « vacataires » (les personnes ayant des contrats précaires, rémunérées à l’heure de cours enseignée), et donc de faire des économies.
Le projet prévoit également de créer des « CDI-chantier » ; ces contrats soi-disant à « durée indéterminée » prendraient fin. Il s’agit de généraliser le recrutement sur contrat afin de réduire autant que possible la création de postes de fonctionnaires. Cela aurait pour conséquence une titularisation encore plus rare et tardive, et donc, une précarisation accrue au sein de l’université. Notons qu’à l’Université Jean Monnet, la proportion des enseignant.e.s contractuel.le.s (c’est-à-dire non fonctionnaires) s’élève déjà à près de 30 % (parmi le personnel administratif, cette part est de 23 %).
Le gouvernement fait alors le choix de renforcer le financement par projets et contrats plutôt que par l’allocation pérenne de moyens. La compétition entre les équipes de recherche que ces mesures favorisent ont des effets contre-productifs – les enseignant.e.s-chercheur.e.s consacrent leur temps à déposer des projets, à évaluer leur propre production et celle des autres plutôt qu’à faire leur métier – et crée une recherche « aux ordres » : la recherche se doit alors de répondre à une « commande » (que celle-ci émane de l’État, d’une collectivité publique ou d’une entreprise), au détriment de son autonomie.
On estime aujourd’hui que les vacataires assurent l’équivalent du volume d’enseignement de 13 000 postes de MCF et représentent en moyenne plus du quart des personnels enseignants.
Il faut enfin rappeler que cette loi poursuit un mouvement déjà amorcé de précarisation des emplois dans les universités dont les jeunes chercheur.e.s sont les premières victimes. Depuis les années 1990, le nombre de postes de maître.sses de conférence (MCF) ouverts au concours a diminué de 65 %. On estime aujourd’hui que les vacataires assurent l’équivalent du volume d’enseignement de 13 000 postes de MCF et représentent en moyenne plus du quart des personnels enseignants [4].
La mobilisation à l’Université Jean Monnet
L’université (étudiant.e.s, personnels administratifs, enseignant.e.s-chercheur.e.s) a rejoint les protestations contre la réforme des retraites dès le 5 décembre. Des personnels ont été en grève de façon plus ou moins durable, ce qui a conduit à l’annulation de certains examens. Des assemblées générales régulières ont aussi eu lieu, notamment inter-degrés, concourant à la création d’une caisse de grève commune aux différents degrés de l’éducation [5]. Des opérations de tractage ont enfin été menées sur les différents sites universitaires de St-Étienne. Depuis janvier, pour dénoncer plus spécifiquement les conséquences de la LPPR sur la recherche, plusieurs motions ont été adoptées par des laboratoires de recherche (Centre CIEREC-CELEC, Centre Max Weber, Coactis, les doctorant.e.s lettres et arts, Triangle, unité de recherche Éducation, cultures, politiques) ainsi que par différents départements (arts plastiques, études anglophones, études politiques et territoriales, sociologie, histoire, lettres).
Si la mobilisation est longtemps restée en-deçà de ce que l’on pouvait attendre, elle s’est renforcée au fil du temps. Depuis février, la mobilisation marquée jusque-là surtout par l’engagement les personnels a été rejointe plus massivement par les étudiant.e.s. L’UJM rejoindra la mobilisation nationale à partir du 10 mars avec tractage, programme alternatif de discussions, AG (centrale et spécifique à la question de la précarité) et projections.
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