Mai 68 à Saint-Étienne
À Saint-Étienne, le collège littéraire universitaire est le principal foyer de la contestation. Avec la grève du 13 mai, les ouvriers entrent dans le mouvement.
La situation ouvrière
La situation de l’emploi est préoccupante : la fermeture annoncée des Houillères pour 1974, la croissance modeste des industries métallurgiques, mécaniques et textiles annoncent plus ou moins la récession. Saint-Étienne ne profite donc pas vraiment de la croissance économique. La grande grève des mineurs en 1963, celles des métallurgistes en 1966 et 1967 témoignent du malaise. Le taux de syndicalisation élevé, l’influence prédominante de la CGT caractérisent le monde ouvrier stéphanois et contribuent à donner aux mouvements sociaux dans le bassin un aspect sérieux et discipliné. Il faut souligner la présence d’une CFDT active et en plein essor.
La grève du lundi 13 mai
C’est l’un des plus importants rassemblements qu’ait connus Saint-Étienne depuis la Libération. La presse évoque 20 000 manifestants étirés sur plus d’un kilomètre mais n’oublie pas de souligner le retour dans l’après-midi des footballeurs de l’ASSE vainqueurs de la Coupe de France.
Félix Franc, leader de la FEN, chargé de prononcer le discours au balcon de la Bourse du travail, adopte une tonalité révolutionnaire -« Nous sommes, et la journée d’aujourd’hui doit être pour nous tous une prise de conscience, au seuil d’une révolution extraordinaire. La force ne peut rien contre le courant de l’Histoire »- et appelle à poursuivre la mobilisation. La CGT n’apprécie guère ces propos mieux compris de la CFDT.
La grève générale dans l’industrie
Au lendemain de la grève du 13 mai, les ouvriers ont pris conscience de leur force et spontanément cherchent à étendre le mouvement. Les premières grèves dites « sauvages » éclatent : le 14 à Sud Aviation puis à Renault-Cléon et surtout à Flins. Les syndicats entretiennent le mouvement plus qu’ils ne l’encouragent car la crainte de l’échec reste présente (aucune victoire significative depuis la grève des mineurs de 1963). Pourtant les revendications sont nombreuses (salaires, 40 heures, retraite à 60 ans, abrogation des ordonnances de 1967 sur la Sécurité sociale...). La CGT est plus prudente qu’une CFDT poussant ses sections d’entreprises à occuper les usines.
Le vendredi 17 mai, alors que la France compte déjà 200 000 grévistes, à Saint-Étienne la section CGT de la CAFL (Compagnie des Ateliers et Forges de la Loire) lance le mouvement de sa propre initiative à 20 h 45. Les cheminots suivent dans la nuit entraînant la paralysie complète du trafic.
Le lundi 20 mai la grève s’étend à la plupart des entreprises stéphanoises. Dans la métallurgie, secteur clé, 40 entreprises ont débrayé et 26 d’entre elles sont occupées (24 755 grévistes). Le lendemain les 2/3 des métallos du département sont en grève. 6500 mineurs sur 7200 cessent aussi le travail, le puits Couriot est occupé dès 6 h le lundi. Le 21 mai toutes les entreprises de plus de 50 salariés sont en grève.
Source : https://archives.Saint-Étienne.fr/a...
Comme le rappelle Michelle Zancarini-Fournel, la reprise du travail dans les usines métallurgiques est tardive : entre le 14 et le 26 juin, alors même que la CGT appelle à reprendre le travail le 10 juin. Les parties de pétanque entre camarades et les sorties au théâtre permises par la libération du temps ont visiblement séduit les ouvrières et les ouvriers stéphanois.es.
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