Mercredi 27 novembre, la cour d’appel de Paris a confirmé le licenciement de la salariée de la crèche privée qui avait été licenciée pour faute grave en 2008 car elle portait le voile. C’est le nouvel épisode d’un combat de longue haleine : L’ex-employée avait perdu devant un tribunal gérant les conflits entre salarié.es et direction en novembre 2010, puis devant la cour d’appel de Versailles, en octobre 2011. Mais la Cour de cassation avait estimé le 19 mars dernier que s’agissant d’une crèche privée, le licenciement constituait "une discrimination en raison des convictions religieuses" de l’ex-salariée. Mme Afif refuse de s’avouer vaincue et envisage d’épuiser tous les recours pour arriver au niveau de la Cour européenne.
Au-delà de la situation de Mme Afif, cette décision vient questionner la politique d’Etat plus largement. Depuis 2004, une loi interdit le port de signes religieux ostentatoires dans les établissements d’enseignement secondaire [1]. Le niqab, ou voile intégral, est interdit dans l’espace public depuis 2011 [2]. De telles mesures sont prises au nom du féminisme et de l’égalité femmes/hommes. Mais si on examine leurs effets, elles viennent stigmatiser, précariser, isoler, exclure des femmes.
Autodétermination de toutes les femmes
D’un point de vue féministe, on ne s’aventurera pas à répondre à la place des principales concernées sur le sens donné au port du voile. Il n’est pas juste d’affirmer que le voile est forcément un symbole d’oppression ! Ce que veut dire le foulard évolue en fonction de l’histoire, du contexte politique et social, des individues. Donc ce n’est pas la question, de la même manière qu’on ne va pas juger a priori un habillement, des choix de vie, l’orientation sexuelle... : chaque femme sait ce qui est bon pour elle, nous respectons ses choix et stratégies.
Un effet étrangement contraire aux buts annoncés
Ces lois sont soi-disant votées pour protéger les femmes et leur autonomie.
En France, l’école publique est laïque... depuis 1905 ! Elle n’a pas attendu la loi de 2004. Mais cette loi a un effet très grave : depuis bientôt 10 ans, elle exclut les ados voilées de l’école républicaine, publique et gratuite, dans laquelle elles sont avec « tout le monde », dans laquelle elles peuvent acquérir des outils pour s’affirmer et vivre comme elles l’entendent.
Plus largement, ce genre de mesure accentue l’exclusion sociale, professionnelle et économique des femmes et entrave leur autonomisation. En quoi empêcher les femmes portant le niqab de circuler dans l’espace public pourrait favoriser une quelconque indépendance ?
En plus de confiner les femmes dans la sphère privée, ces mesures stigmatisent les Musulmans comme plus sexistes. Cette affirmation est grave, fausse, gravement fausse : le sexisme n’est pas l’apanage d’un milieu social ! Nous ne cesserons de l’affirmer : le sexisme et les violences faites aux femmes existent dans tous les milieux sociaux, sans restriction aucune.
En tant que féministes, nous soutenons toutes les femmes dans leurs processus d’autonomisation, sans exception, quelles que soient leurs choix et leurs stratégies, avec ou sans voile... Nous exigeons l’égalité de traitement entre toutes les femmes, quelle que soit leur religion, leurs choix vestimentaires, et dénonçons l’utilisation d’arguments-prétextes féministes pour appliquer des politiques islamophobes et discriminantes.
Pour aller plus loin :
Article De l’affaire du voile à l’imbrication du sexisme et du racisme
http://lmsi.net/De-l-affaire-du-voile-a-l
Film Un racisme à peine voilé, Réalisé par Jérôme HOST, 75 min, 2004
A commander sur http://www.hprod.org/
Compléments d'info à l'article