Le maire de Lorette et les « enfants de souche musulmane »
L’élu estime que le centre social fait la part trop belle aux étrangers.
Par Olivier BERTRAND
lundi 24 novembre 2003 / liberation
Le centre social de Lorette (Loire) se débat pour survivre, face à un maire qui estime que trop d’adolescents d’origine étrangère profitent de la structure. Rappelé à l’ordre pour ses positions discriminatoires, Gérard Tardy (sans étiquette) s’obstine. Il a sucré les subventions et veut mettre l’équipe dehors.
Les relations n’ont jamais été bonnes entre le centre et le maire, élu depuis 1989. Il reproche au centre de se comporter « comme un Etat dans l’Etat », tandis que les travailleurs sociaux jugent qu’il développe une conception très consumériste, cherchant à transformer le centre en simple prestataire de loisirs. Chantal Claes, présidente de la caisse d’allocations familiales de Saint-Étienne, principal financeur, rappelle la philosophie des centres sociaux, qui tentent d’identifier les besoins des habitants avec eux, pour ensuite y répondre.
A Lorette, le centre proposait un relais d’assistantes maternelles, des centres de loisirs pour enfants et adolescents, des cours d’informatique, de gym ou de soutien scolaire, des sorties en famille, des groupes de parole, etc. Et puis, en 2001, dit le maire, « les relations difficiles se sont bougrement tendues ». Le centre, selon lui, se serait « fortement politisé ».
« Seuil de tolérance ». En réalité, l’un des membres du conseil d’administration (le trésorier) se trouvait en quatrième position sur une liste opposée au maire. « Il venait d’obtenir sa naturalisation française », glisse au passage celui-ci. La liste de Gérard Tardy l’emporte, puis les ennuis commencent. Le maire accuse le centre de mauvaise gestion et affirme que la fréquentation baisse. Il retire les financements pour le relais d’assistantes maternelles. Puis il obtient la liste des jeunes qui ont fréquenté le centre durant l’été. Et il écrit, le 5 novembre 2001, à la présidente. Il remarque que, « sur un total de 37 participants, 5 enfants sont de souche latine et 32 sont de souche musulmane ». Pour lui, le centre « creuse le fossé dans le seuil de tolérance interethnie qui, sur Lorette, est de 12% de la population ».
Le Mrap saisit alors le procureur. Et le maire écope d’un rappel à la loi. Ce qui ne change rien. Pour lui, le centre social restait « trop sectoriel par rapport aux différentes ethnies de la population » et recrutait « une forte densité d’animateurs d’origine étrangère ». La plupart sont pourtant français. Mais l’argument irrite le maire, qui répond : « Quand on me dit que je suis de formation judéo-chrétienne, je n’appelle pas mon avocat ».
Contrat. L’élu a dénoncé la convention qui le liait au centre et demandé aux responsables de quitter les lieux avant la fin décembre. Mais les soutiens s’organisent : les principaux syndicats, la fédération des centres sociaux et même la caisse d’allocations familiales. « Nous avons inspecté le centre suite à ces soucis, indique Chantal Claes, présidente de la CAF. Pour nous, il fonctionne bien et il reste donc agréé. » La caisse a suspendu provisoirement le contrat petite enfance de Lorette. « Il va être rétabli », rassure Gérard Tardy. Le préfet de la Loire lui a par ailleurs demandé de démontrer la perte d’activité qu’il reproche au centre. Mais l’élu ne se démonte pas. Tout en préparant sa réponse, il vient de lancer son propre centre municipal, pour lequel il a « interdit que l’on recrute des animateurs d’une seule ethnie ». Sic.
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