Dès sa création, en 1989, le Haut Conseil à l’intégration s’est illustré par le caractère répressif de ses suggestions. Chargé pourtant, comme son nom l’indique, de contribuer à l’intégration des résidents étrangers en France, ses avis et propositions n’ont cessé de restreindre leurs droits et de précariser leur situation par des mesures de contrôle toujours plus strictes.
À deux reprises, au cours des derniers mois, le Haut Conseil à l’intégration a réussi à capter l’attention des médias. Au mois d’avril 2011, la presse s’est fait l’écho de la quarantaine de recommandations destinées à « relancer le modèle républicain d’intégration » [1], dont certaines dépassaient en « audace » ce que les hommes politiques les plus acharnés à juguler les flux migratoires avaient pu jusque-là imaginer. Parmi les propositions phares on relève par exemple : la mise en place d’une politique d’attribution des visas de long séjour avec des délais de délivrance différenciés en fonction des lieux de résidence, en vue de remédier à la trop forte concentration des immigrés dans certaines régions ; l’application aux conjoints de Français des conditions de ressources et de logement en vigueur pour le regroupement familial ; ou encore l’enregistrement par code-barres des entrées et sorties de titulaires de visas de court séjour pour permettre notamment de « responsabiliser » ceux qui les ont hébergés au-delà du délai prévu par l’attestation d’accueil…
Début septembre, le même Haut Conseil rendait public un avis [2] préconisant de modifier le code du travail de façon à autoriser les entreprises à intégrer dans leur règlement intérieur des dispositions relatives aux tenues vestimentaires, au port de signes religieux et aux pratiques religieuses sur les lieux de travail. Dans la foulée, et prenant ainsi directement parti dans l’affaire de la crèche Baby-Loup, encore pendante devant la cour d’appel [3], il proposait d’étendre le principe de laïcité des services publics aux structures privées du secteur de la petite enfance – autrement dit, d’y proscrire le port du voile – au nom du droit des enfants et de leur liberté de conscience.
Il y a certes de quoi s’étonner qu’une instance chargée de réfléchir aux moyens de favoriser l’intégration des étrangers formule des propositions aussi radicales, pour ne pas dire aussi radicalement anti-immigrés. On pourrait s’attendre à ce que, au lieu de se laisser contaminer par l’état d’esprit ambiant, elle y résiste et fasse entendre une voix différente. Or c’est dès l’origine qu’elle s’est illustrée par des suggestions qui devraient plutôt lui valoir le nom de « Haut Conseil à la désintégration ».
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Danièle Lochak
Professeur émérite de droit, université de Paris-Ouest Nanterre-La Défense
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