Compte rendu de trois procès. Les prénoms que j’utilise ici son fictifs.
L’audience est ouverte,
Romain a 35 ans et travail au SMIC depuis 5 ans dans le bâtiment. Il conduisait un scooter sans casque en état d’ivresse avec 0,95g/l d’alcool. Il est interpellé et contrôlé par les policiers qui trouveront sur lui un bout de haschich de 1cm sur 2cm (soit l’équivalent de deux joints). C’est sa quatrième récidive.
Au moment de sa garde à vue, les policiers ont « cuisiné » Romain en lui demandant de dénoncer la personne qui lui avait vendu le haschich, Romain est resté très vague sur le sujet lors de sa déclaration. Lors du procès, le juge lui fait bien comprendre qu’une personne honnête aurait donnée le nom de son dealer et que couvrir un voyou, c’est, aux yeux de la loi, être soi même un voyou.
Dans un tribunal on ne lésine pas sur les raccourcis faciles et les rapprochements douteux et il faut aussi savoir qu’une consommation de drogue, quelle qu’elle soit, est souvent considérée comme étant le signe d’une déviance, un problème, ou un trouble du comportement.
Le juge commencera l’entrée en matière avec la phrase suivante : « Alors, pourquoi vous buvez comme ça ? ».
Le procureur fait son réquisitoire et demande une peine de 6 mois ferme d’emprisonnement et 300€ d’amende : « nous avons là une personne qui se moque de la justice puisqu’il s’agit de sa quatrième récidive ».
Le procureur prend toujours soin de prêter des intentions malveillantes et provocatrices aux accusés. Que Romain soit coupable d’avoir commit une infraction au code de la route ne suffit pas, il faut lui imputer l’intention d’avoir commis ce délit de façon calculée, pour narguer la justice. Les phrases de ce type son monnaie courante dans les tribunaux, à croire que l’humiliation et les pics font partis de la formation des magistrats et autres procureurs.
Lors du délibéré, le juge le condamne à 2 mois de prisons ferme et 300€ d’amende.
En sortant de prison, Romain aura sûrement perdu son travail et aura sûrement d’autant plus besoin d’aller boire des verres avec ses amis et de se fumer son p’tit joint.
Yazid a 19 ans, il est apprenti boulanger depuis près de 2 ans, il doit passer son examen de fin d’année pour valider son CAP au mois de Juin 2008. Ca tombe mal, le juge le condamne à 6 mois de prison dont 4 avec suris ainsi que deux amendes, une de 400€ pour dédommagement matériel et une autre de 1000€ pour préjudice moral. Le juge peut donc faire d’une pierre deux coups, l’envoyer en prison et foutre en l’air son avenir professionnel.
Yazid est accusé d’avoir commit un cambriolage et voler : un pc portable, une console, des cd et une télé. Comme il était accompagné de deux personnes, les facteurs aggravants sont les suivants : vol en réunion, escalade (pour passer par la fenêtre de l’appartement) et possession d’une arme (la pioche de son père), qu’il n’avait pas sur lui au moment du cambriolage mais qui était située dans le coffre de la voiture (de son père).
La personne victime se constitue partie civile et demande 1000€ de dédommagement matériel et 1000€ pour préjudice moral car son fils était présent lors du cambriolage et a été très choqué, il est suivi par un psychologue.
A la barre, Yazid nie les faits et dis avoir trouvé les objets dans une voiture garée dans un terrain vague.
Le procureur requiert 4 mois d’emprisonnement ferme et 2000€ d’amende : « si on interdit aux services de police de rentrer chez les citoyens de 22h à 6h du matin, ce n’est pas pour permettre aux voyous de le faire ».
C’est vrai qu’avec un salaire mensuel de 2500€ brut / mois et un certain train de vie, on peut se permettre de faire la leçon à un jeune apprenti qui gagne 40% du SMIC.
Yazid n’a rien à rajouter et sors de la salle d’audience les menottes aux poignets, direction la prison de la Talaudière. La victime du cambriolage sortira de la salle d’audience le sourire aux lèvres.
Yazid fait parti de ces 80% de prisonniers condamnés pour des délits dits économiques, en lien direct avec une situation économique précaire et peut être d’autres facteurs encore.
Amine a 37 ans, il a subi une amputation du pied gauche et vie donc avec l’A.A.H (allocation adulte handicapé) depuis 7 mois, il est suivi par un médecin et prend un traitement pour des problèmes psychologiques mineurs. Il est Algérien et comprend mal le français, le juge ne fera pas d’effort d’articulation particulier.
Il fait l’objet d’une plainte pour violence n’ayant pas entraînée d’incapacité, sur deux personnes. Il aurait agressé avec un couteau le gérant d’un cybercafé ainsi que l’ami du gérant pour un différent de 50 centimes d’euro. Hors mis le dépôt de plainte des victimes, il n’y a aucune preuve dans le dossier.
D’après Amine, il aurait téléphoné pour la somme de 1,60€ mais n’aurai réglé dans un premier temps que 1,10€ et serai allé emprunter les 50 centimes restant à un ami. A son retour au cyber, malgré le règlement effectif de sa note, le ton serait monté entre lui et le gérant du cyber. Ce dernier l’aurait prit par le cou et l’aurait mit dehors violemment.
A la barre, entendu par le juge et ses deux assesseurs, Amine explique qu’une fois dehors, il aurait prit son vélo et l’aurait jeté sur le gérant du cyber pour répondre à l’humiliation. Il faut savoir aussi qu’Amine côtoyait l’ex petite amie du gérant du cyber.
La parole est à l’accusé :
Amine : « je jure je n’avais pas de couteau monsieur le juge ».
Le juge : « On ne jure pas ici monsieur ».
Amine : « oui d’accord, d’accord… », « Le copain du gérant fait un faux témoignage monsieur le juge ».
Le juge : « Oui mais on ne jure pas ici », « On ne jure pas ici vous avez comprit ?! ».
Le juge doit toujours veiller à trouver un angle d’attaque pour rappeler à l’accusé qui commande et qui doit se soumettre.
L’avocat : « il y a un manque flagrant de preuves dans se dossier, je demande la relaxe de Monsieur A. ».
Malgré l’absence total de preuve, le procureur de la république demande une peine de 4 mois de prison ferme : « agressé des gens avec un couteau me semble d’une extrême gravité ». Remarque d’une extrême pertinence (ndlr). Il est intéressant de rappeler que les compétences requises pour exercer le métier de procureur sont entre autres d’être attiré par la recherche de la vérité.
Suite au délibéré, le juge prononce la relaxe de Amine.
Amine : « Merci monsieur le juge »
Le juge : « oui ça va pas de commentaire, pas de commentaire ».
L’audience est levée.
Compléments d'info à l'article
3 compléments